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[verso-hebdo]
30-01-2020
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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France Mitrofanoff, une philosophie implicite de l'art |
La nouvelle exposition de France Mitrofanoff (Galerie Rauchfeld, Paris, jusqu'au 7 février) pourra déconcerter ceux qui croient connaître son oeuvre : l'artiste peignait des chantiers, puis surtout des arbres en noir et blanc depuis quelques années, et voici que des couleurs vives font irruption dans des compositions apparemment abstraites, mais dont les structures verticales serrées viennent de ses troncs d'arbre et de leurs écorces, sur lesquelles France Mitrofanoff écrit beaucoup. Elle trace du bout de son pinceau des citations de Dialogue de l'arbre de Paul Valery, et des réflexions plus ou moins perturbantes comme celle-ci : « peindre, c'est décourager le discours » ou encore : « sortir de l'histoire pour maîtriser l'imprévisible ». Diable ! Ce peintre réputé serait tout simplement en train d'élaborer une philosophie qui n'est peut-être pas objectivement énonçable, mais qui existe, latente. Dans le tableau qu'elle a intitulé Histoire de peintre, on discerne bien une expression esthétique qui déborde des prises de l'entendement, se refuse apparemment à toute rigueur rationnelle, et qui pourtant est bien là.
Devant cette composition rythmée, si peu figurative, nous n'avons qu'à nous associer à elle, à la sentir en quelque sorte en participant à son mouvement péremptoire. La philosophie ne fait jamais l'oeuvre : c'est bien l'oeuvre qui donne naissance à une philosophie et lui communique sa profondeur. Allons chercher une référence majeure dans l'histoire de la peinture, par exemple Bibemus, le Rocher rouge de 1900 par Cézanne et rapprochons-la de Autoportrait, 2019 par France Mitrofanoff. Naturellement, nous ne savons pas du tout si cette dernière avait en tête le tableau de Cézanne quand elle a peint le sien cet été dans le Gard à partir de ses arbres. Mais cela n'ôte rien au fait que ces oeuvres nous donnent toutes deux une vision du monde « naturel ». Elles sont inépuisables comme les paysages ordinaires, mais plus inépuisables qu'eux, si l'on peut dire. Cézanne travaillait sur le motif, Mitrofanoff travaille de mémoire dans l'atelier : tous deux soustraient à l'indéfini de ce qui est extérieur à la peinture, là où tout est sans cesse modifié par le changement, un essentiel qui va au-delà de la chose plus ou moins « représentée ».
Mitrofanoff, comme Cézanne, assure à son paysage qu'elle nomme autoportrait une existence supérieure dans laquelle il acquiert un statut particulier : rien ne peut plus le mettre en question. Et nous voyons beaucoup moins des troncs d'arbre que des masses colorées qui s'emboîtent les unes dans les autres. Nous ne savions pas que le rouge peut signifier « paysage » pour un peintre depuis le rocher rouge de Cézanne. C'est pourtant le cas. Et voilà la philosophie implicite qui anime France Mitrofanoff : son art est l'expression d'une liberté refusant toute détermination. Son autoportrait ne montre pas de visage, et pourtant il est « plus vrai que nature », parce qu'il est incorporé dans un monde auquel il ne fait qu'introduire. Le monde du peintre qui, en effet, décourage tout discours.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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