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[verso-hebdo]
01-02-2018
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
A propos d'une exposition au Musée Delacroix
Le célèbre footballeur Lilian Thuram, champion du monde en 1998, est aujourd'hui président de la Fondation pour l'Education contre le racisme. C'est lui qui est à l'origine de l'actuel accrochage de la collection du musée Delacroix (jusqu'au 2 avril) sous le titre Imaginaires et représentations de l'Orient, (questions de regards). Avec l'aide de la politologue Françoise Vergès et de Dominique de Font-Réaulx, directrice du musée, il a cherché à mettre en évidence les liens étroits entre les représentations artistiques et notre histoire contemporaine. Il s'agit aussi, à partir de certaines oeuvres de Delacroix souvent copiées par d'autres peintres, d'étudier d'un point de vue assez nouveau ce qu'il en fut de l'orientalisme en France au XIXe siècle. Les différentes sections de l'exposition sont centrées sur la représentation d'un Orient imaginaire, celle de la femme plus ou moins fantasmée, celle du pouvoir masculin, celle de la coexistence des religions du Livre, celles des costumes et travestissements.

Selon Thuram, lui-même un des blacks de la fameuse équipe « black blanc beur », « l'image n'est pas la réalité, mais le produit du point de vue d'un homme. Je veux montrer que Delacroix a toujours produit une représentation très respectueuse des personnes de couleur noire, tout en soulignant que le discours de l'époque était beaucoup plus négatif ». C'est un peu la faiblesse de l'exposition : il n'y a en effet pas trace de racisme dans ces tableaux, gravures ou dessins : il faut le chercher dans les écrits de l'époque. En revanche, ce qui est bien là, visuellement, c'est une certaine conception de la femme, notamment à travers le fantasme de l'odalisque, comme obsession charnelle d'artistes sûrs de leur domination masculine. Il faut voir ce qu'Hyppolite Poterlet fait de La mort de Sardanapale par Eugène Delacroix. Le despote est réduit à une silhouette blanche, et l'important est le somptueux nu féminin vu de dos au premier plan : cette esclave poignardée qui se cambre, permettant ainsi au peintre concupiscent de mettre en valeur le magnifique derrière de la victime.

Un très petit pastel de Jules-Robert Auguste (1789-1850) rend admirablement compte d'un fantasme érotique particulier des hommes de son temps. Auguste était riche, il menait une vie de dandy en se faisant appeler « Monsieur Auguste ». Grand prix de Rome de sculpture en 1810, il s'était tourné vers la peinture en amateur. On lui doit une Femme nubienne à la peau sombre, richement vêtue et énormément décolletée, qui se trouve à l'Institut d'art de Chicago, mais il a surtout laissé une extraordinaire Femme nue de dos montant à cheval aujourd'hui présente place Furstemberg : sa jambe droite soutient tout le poids de son beau corps musclé, et sa jambe gauche, haut relevée pour que le pied parvienne à l'étrier, permet de voir ses fesses d'un point de vue original qui avait dû valoir beaucoup de compliments à l'artiste. Il influença Delacroix en personne. Il était aussi un ami de Géricault et il avait fréquenté Ingres à Rome lors de leur séjour commun à la Villa Médicis. Ce pastel appartient au Louvre où l'on ne le remarque guère. Grâce à l'exposition de Lilian Thuram on en sait désormais un peu plus sur la vision dite orientaliste de la femme dans la première moitié du XIXe siècle.

www.musee-delacroix.fr
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
01-02-2018
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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