« Birth of the Wind » est le titre de la nouvelle exposition de JonOne, présentée par la galerie Brugier-Rigail (40 rue Volta 75003, jusqu'au 21 avril). Elle manifeste la maîtrise de John Andrew Pereno, dit JonOne, né en 1963 à New York dans le quartier de Harlem. Trois ans plus tôt, Jean-Michel Basquiat était né à Brooklin. Tous deux ont été des enfants de la rue ; tous deux ont commencé le graffiti dans les rues de Manhattan et sur les trains quand ils avaient 17 ans. Jon avait un copain graffeur, A-One, qui était proche de Jean-Michel dont la réussite fulgurante fascinait son cadet. Basquiat a eu juste le temps de s'accomplir comme pur peintre dans sa courte vie. JonOne est devenu peintre à son tour, sans avoir fréquenté la moindre école d'art, après avoir tagué son premier pseudonyme, Jon156 (c'était le numéro de sa rue) sur les rames de la ligne A du métro new yorkais. Ses lettrages et signatures à l'aérosol n'étaient sans doute pas loin des explosions chromatiques venues un peu plus tard d'un Pariz One (www.ilovegraffiti.de/parizone), mais apparaissaient peut-être aussi de la même famille que les calligraphies claires sur fonds sombres à venir d'un Suso33 (www.suso33.com).
Toujours est-il que Jon 156 est devenu JonOne en 1984, et que, invité par l'artiste franco-américain Bando (blaze de Philippe Lehman), il est arrivé à Paris en 1987, est tombé amoureux de la ville et ne l'a plus quittée. Devenu parisien, il n'en a pas moins été désigné en 2012 par Le Nouvel Observateur comme « la figure historique du graffiti américain ». Il l'est incontestablement, mais il est aussi devenu un artiste universel, qui inaugurait le 21 janvier 2015, dans la salle des Mariannes de l'Assemblée nationale, sa toile Liberté, Egalité, Fraternité, inspirée de La liberté guidant le peuple par Eugène Delacroix. Le titre de son tableau reprend, dit-il, « les trois droits fondamentaux pour lesquels chaque homme doit se battre ». Cette incursion dans l'art figuratif ne doit évidemment pas faire oublier que l'ancien graffitiste est venu spontanément à l'expressionnisme abstrait selon des modalités quasi miraculeuses. Parfaitement autodidacte, il n'a pas subi d'influences.
On peut seulement le placer dans la filiation de Jackson Pollock. Bien que commençant toujours par travailler ses tableaux à la verticale avec des pinceaux traditionnels, ce qui lui permet éventuellement de jouer, non sans habileté, avec les coulures suscitées par l'emploi d'encres de couleurs acryliques diluées, il place volontiers ensuite la toile sur le sol, et la complète par des interventions « splashing » très pollockiennes. Devant l'espace vierge offert par le papier Hanji coréen préalablement marouflé sur toile pour donner plus de texture à sa peinture, il n'a pas d'idées préconçues, pas de message particulier à transmettre. « La peinture m'ouvre à moi-même, a-t-il dit, elle me permet d'entrer en communication avec ce que je suis. » Et nous là-dedans ? Il nous reste à savourer l'extraordinaire qualité picturale de ces tableaux, qui tient à la vérité qu'ils contiennent, sans laquelle il n'y a pas de réussite esthétique.
www.galerie-brugier-rigail.com
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