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[verso-hebdo]
17-09-2015
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Qui a tué Roland Barthes ?
Telle est la question qui forme le sous-titre de l'époustouflant roman de Laurent Binet La septième fonction du langage (Grasset, 496 pages, 22 euros). Un roman qui devrait d'abord attirer les artistes parce que Barthes les aimait bien (« ...j'aime le piano, le café, Pollock, Twombly, toute la musique romantique, Sartre, Brecht... »), enfin, pas tous (« ...je n'aime pas le clavecin, Miro, les tautologies... ». Mais là n'est pas vraiment la question : l'art a vécu, depuis quelques décennies, une extraordinaire période de déconstruction, exactement comme la philosophie et les sciences humaines. C'est-à-dire que le destin de l'art est apparu directement lié à l'aventure intellectuelle incarnée par Barthes lui-même, qui meurt au début du livre, et par Foucault, Deleuze, Guattari, Lacan et superlativement par Jacques Derrida, l'inventeur du concept même de déconstruction. J'ai été épaté par l'intimité de Laurent Binet, agrégé de lettres modernes né en 1972, avec ces personnages capitaux, les maîtres de la french theory qui régnait sur les campus du monde entier - mais surtout d'Amérique - à l'époque de sa fiction, le début des années 80, et qui domine encore largement la pensée occidentale aujourd'hui.

Je ne dis rien de l'intrigue, remarquablement ficelée. Je ne dis rien des têtes de turc de Laurent Binet (Philippe Sollers et sa femme Julia Kristeva sont terriblement ridiculisés, mais aussi, accessoirement, BHL qui d'ailleurs ne quitte pas le premier). Je voudrais seulement m'arrêter à quelques points particuliers. D'abord, dans cette énorme farce, que pense vraiment Laurent Binet de cette génération de penseurs célèbres qui n'est pas la sienne ? Il me semble que la réponse se trouve page 323, attribuée à un « étudiant anonyme », et c'est à propos de Heidegger. Je cite : « c'est lui qui a vraiment inspiré cette mode des philosophes au style fumeux, bourrés de néologismes compliqués, de raisonnements alambiqués, d'analogies bancales et de métaphores hasardeuses, dont Derrida est aujourd'hui l'héritier. » Binet, en visant Derrida, véritable demi-dieu sur les campus d'outre Atlantique, semble bien d'accord avec Luc Ferry qui ne voyait dans la pensée de Derrida que l'addition de Heidegger et « du style de Derrida » (La pensée 68). Peut-on réduire Jacques Derrida à n'avoir été qu'un épigone de Heidegger ? Je crois que ce serait très injuste : ne serait-ce que parce que Derrida, dans ses dernières années, s'est beaucoup rapproché d'Emmanuel Lévinas et réfléchissait avec lui aux moyens de venir en aide à l'Autre, au prochain. En témoigne son bouleversant discours sur la tombe de Lévinas où il est dit que le grand livre de ce dernier, Totalité et Infini, est un magnifique traité de l'hospitalité (Adieu, Galilée, 1997). A lire, en ces temps terribles de migrations désespérées. En tout cas, le véritable Derrida était loin de la caricature proposée par Laurent Binet.

Autre remarque : les personnages secondaires sont remarquablement campés, comme si Laurent Binet était le témoin des scènes qu'il décrit : fictives, situées à un moment où il n'était encore qu'un petit garçon, et pourtant hautement vraisemblables. Ainsi de Camille Paglia, une universitaire féministe spécialisée dans l'histoire de la sexualité, qui voue une haine féroce à Michel Foucault parce qu'il travaille sur le même champ qu'elle. C'est en effet cette Camille Paglia qui obtiendrait un énorme succès de librairie en 1992 avec son pamphlet Sex, Art and American Culture (Vintage Books) qui se résume en 338 pages d'insultes à Foucault, « le plus nul, le plus frigide et le plus constipé des théoriciens du sexe » mais aussi à Derrida et Lacan. La mode du french bashing était lancée. Or le si bien informé Laurent Binet ne prend pas du tout la défense de Foucault : au contraire, il en fait un obsédé sexuel plus ou moins camé assez proche de celui décrit par la vindicative Paglia, et c'est dommage. Reste que ce roman réjouissant contient des perles comme les explications liminaires sur la sémiologie ou, à la fin, une remarquable réflexion à propos de l'opposition traditionnelle entre classique et baroque : « Prenez Le Cid de Corneille. Tragicomédie baroque quasi picaresque à sa création, puis reclassée en tragédie classique (au forceps) quand les fantaisies génériques sont passées de mode. La règle, les unités, le cadre ? Qu'à cela ne tienne. Deux pièces en une, la même pièce pourtant, baroque un jour, classique le lendemain. » Pas mal, non ?
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
17-09-2015
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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