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[verso-hebdo]
12-01-2023
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La chronique de Gérard-Georges Lemaire |
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Chronique d'un bibliomane mélancolique |
La Métamorphose, la photographie en France, 1968-1989, Michel Poivert & Anna Grumbach, Editions Hazan, 140 p., 24, 95 euro.
La France peut s'enorgueillir d'avoir eu de grands photographes pendant la première partie du XXe siècle. Ils sont célèbres dans le monde entier. La période proposée par les auteurs se révèle un peu plus problématique. Certaines des figures sont assez connues, comme Bernard Plossu (né en 1945 au Viêt-Nam) ou Raymond Depardon. Mais le choix qu'ils ont fait - celui de miser surtout sur le réalisme à de rares exceptions près -, fait qu'on a plutôt l'impression d'une collection de clichés assez misérabilistes. Il y a bien quelques artistes, comme Georges Rousse ou Jean-Marc Bustamante (né en 1952 à Toulouse) Je pense qu'il aurait été bien de montrer plusieurs autres créateurs qui utilisent ce médium... Quoi qu'il en soit, on ne peut qu'être déçu par la première la première partie intitulée « nouvelles écritures », où l'on voit un simple instantané sans qualité particulière nous faisant découvrir un étudiant seul dans la rue en train de lancer un pavé contre les forces de l'ordre qu'on ne voit pas. Est-ce une création ? Non, certainement pas. D'ailleurs, la plupart des documents que nous découvrons dans cet album sont associés au reportage. Il y a bien quelques photographies qui jouent sur des ambiguïtés visuelles de caractère ludique, mais ils sont assez rares. On peut conclure, une fois avoir consulté l'ensemble, que la photographie française n'a pas brillé de manière exceptionnelle au cours de la période choisie.
Elle n'est pas non plus à jeter aux orties, mais on ne peut que remarquer qu'il n'y a plus personne à la hauteur des grands maîtres qui les ont précédés. Mais peut-être est-ce aussi dû à la sélection effectuée ici : il y aurait peut-être à chercher des meilleurs exemples dans le domaine des revues, ou encore de la publicité et de la mode, qui ont frappé l'imagination des jeunes qui ont appartenu à la génération de 1968. L'esprit des ouvrages élus pour entrer dans cette sélection ne représente peut-être pas celui de ces années qui ont vu une transformation du goût et des valeurs en rupture avec ce qui a précédé (cela vaut aussi bien pour l'art que pour le cinéma ou le théâtre). Cette Métamorphose n'est pas au rendez-vous et c'est bien regrettable.
Nuits rêvées, entre peinture et poésie, préface de Marie Darrieussecq, Editions Hazan 192 p., 29, 95 euro.
Ce n'est certainement pas la mince préface de Marie Darrieussecq qui va nous faire rêvé. Elle semble même un triste prélude à un ouvrage qui ne semble rien promettre de très alléchant. Mais une fois sauté cet obstacle de basse littérature, on faite la découverte d'une merveilleuse anthologie de poésie, accompagnée d'illustration d'artistes de grand talent. La grande qualité de ce recueil est d'avoir su choisir des textes appartenant à des époque et donc à des formes de poésie très différentes, mais toujours d'une valeur inestimable. De Louise Labé à Victor Hugo, de Charles Baudelaire à Anna Akhmatova, d'Alejandra Pizarnik à Stéphane Mallarmé, voici des textes où la nuit joue son rôle et décline toutes sortes de sensations et de sentiments. C'est un petit trésor d'écriture, qui est souligné par des illustrations proposées pour l'occasion.
Et là, nous tombons sous le charme d'Odilon Redon ou encore de Johann Henrich Füseli, de Gustav Klimt ou de Claude Monet, mais aussi de quelques artistes moins connus, mais qui ont admirablement traité de sujet, ainsi que de maîtres anciens du Japon ou de la Chine (car l'Orient n'a pas été exclu de panorama). Le tout se marie de manière harmonieuse, sans pour autant engendrer une impression morne et convenue. Il y a une sorte d'originalité recherchée, sans pour autant aller vers un petit musée de la nuit telle que les poètes ou les peintres l'ont perçu. C'est un volume très bien conçu qui invite au voyage et à imaginer des liens entre l'oeuvre poétique et 'oeuvre picturale ou graphique. Les surprises agréables et nombreuses donnent l'envie de se replonger dans des ouvrages depuis longtemps délaissés et à aller voir dans des musées les créations de tous ces artistes convoqués pour cette réalisation.
En cheminant avec Paul Klee, Christian Demilly & Didier Baraud, Editions Hazan, « Hazan jeunesse », s. p., 14, 95 euro.
J'ai déjà eu l'occasion de louer cette collection destinée aux enfants. L'indispensable orientation pédagogique de ce genre d'ouvrage ne l'emporte pas sur la dimension récréative et ludique qui permet au jeune lecteur de découvrir les oeuvres de ce maître de l'art moderne. Son oeuvre se prête très bien à ce genre d'exercice, car il aime introduire dans ses compositions des éléments qui brisent la rigidité formelle. Sans jamais changer de style, il multiplie à l'infini les solutions plastiques qui mêlent souvent l'abstraction et des éléments figuratifs. La règle de Paul Klee consiste à ne jamais se soumettre à des règles fixes. C'est un perpétuel renouvellement de ses formes. Il a bien sûr des principes récurrents, comme, par exemple, la superposition des strates horizontales, qui laisse penser que ses tableaux sont comme des partitions ou même des pages d'écritures, sans notes et sans mots. C'est toujours un plaisir pour l'oeil et une quête incessante à la recherche de nouveaux horizons spéculaires.
Il se démarque ainsi de la plupart de ses contemporains. L'intelligence des commentaires des auteurs se double d'une remarquable clarté pour ne pas dérouter le jeune lecteur. Un adulte qui ignore l'art moderne pourrait même tirer profit de cette pérégrination dans l'univers imaginaire de ce grand artiste suisse. Ce cheminement proposé par les auteurs n'est donc pas exclusivement une initiation pédagogique. C'est une incitation à apprendre comment apprécier, par les sens et par l'esprit, une oeuvre qui est à la fois savante dans sa conception, mais aussi joyeuse dans le jeu des lignes et des couleurs. C'est là une belle réussite dans un domaine qui est assez délicat à traiter.
Confession inachevée, Maryline Monroe, Stéphanie Sphyras & Sandrine Revel, Robert Laffont, s. p., 24 euro.
Avant d'aborder les confessions de Marylin Monroe, il faut souligner le fait que l'argent de l'actrice, en 1954, a pris contact avec un écrivain de valeur, Ben Hecht (1894-1964) pour lui demander de mettre en forme son récit autobiographique. Ce n'est pas un inconnu et de loin. C'est l'un des scénaristes les plus recherchés à Hollywood (c'est lui qui, par exemple, a écrit Scarface) et qui a été aussi un auteur très apprécié (A Jew in Love paraît en 1931). Il a su donner à cette histoire un ton et une écriture vive et touchante. Et aussi un sens profond de la narration où les choses sont dites sans jamais entrer dans les menus détails sans intérêt. Norma Jane Mortenson est née à Los Angeles en 1926. Elle a divorcé en 1923. On ignore qui est le père de Marylin. Sa mère a travaillé comme monteuse dans l'industrie cinématographique. Elle se remarie un certain Baker en 1924, mais se sépare l'année suivante. La petite Norma Jane est bientôt confiée à des familles d'accueil où elle est très malheureuse. La meilleure amie de sa mère, Grace McKee, devient sa tutrice. Elle finit par vivre chez ses tantes. Sa précocité physique la fait sembler bien plus âgée qu'elle ne l'est réellement. Elle épouse James « Jim » Dougherti, un ouvrier qui était un de ses voisins.
Peu à peu leurs épousailles, il est incorporé dans la marine marchande. Quant à elle, va travailler dans une usine de parachutes. A la fin de la guerre, elle se met à rêver de devenir mannequin. Elle suit des cours de mannequinat. Et elle commence à poser en 1945. Elle débute avec un photographe d'origine hongroise. Elle pose parfois nue, ce qu'elle a fait de nouveau en 1948 pour un calendrier Golden Dreams). En 1953, ses photographies paraissent dans Playboy. Elle est conviée à faire des bouts d'essai pour la XXth Century Fox en 1947 et elle est remarquée. On lui propose un contrat. Elle apparaît pour la première fois dans un film en 1947 ? Bagarre pour une blonde. D'autres films suivent et d'autres revues la veulent. En 1952 c'est Life qui parle d'elle. Elle connaît dès lors son irrésistible ascension et la carrière que nous lui connaissons jusqu'à sa mort, survenue en 1962 dans des circonstances troubles, jamais élucidées. C'est un livre que l'on dévore car il nous montre une autre facette de sa personnalité Cette vie, Sandrine Revel et Stéphanie Sphytras l'ont interprété par le biais de la bande dessinée. Même si ce genre n'est pas particulièrement de mon goût, je dois reconnaître que c'est plutôt bien fait et aussi très respectueux de la grande actrice américaine. Les auteurs ne se sont pas permis des affabulations et ont suivi avec soin le cheminement des mémoires. Le tout nous conduit jusqu'en 1954, là où s'arrête son livre. Pour les amateurs du genre, il est évident que ce volume plaira.
Tras Lorca per Nueva York, Santiago Arranz, oeuvres 2017-2019, Ambit.
Je ne cesserai jamais de le répéter : Santiago Arranz est un des meilleurs artistes de cette époque en Espagne. Ce livre-catalogue le démontre amplement. Il a toujours aimé la littérature. Mais il n'a pas fait oeuvre d'illustrateur. Son ambition a toujours été de transposé au sein de sa recherche plastique l'esprit d'un écrivain ou d'une oeuvre. Il l'a fait il y a longtemps avec Les villes invisibles d'Italo Calvino, de Franz Kafka et, plus récemment, de Frederico Garcia Lorca (1898-1936). Il s'est rendu à New YoButelrk pour suivre les pas du poète quand il s'y est rendu avant de faire un séjour à La Havane en 1930. C'est l'année terrible du crack qui va entraîner les Etats-Unis dans une crise profonde, qui va ensuite s'étendre à une grande partie du monde et être, en fin de compte, l'une des causes de la Seconde guerre mondiale.
La première chose qu'a faite l'artiste, cela a été de dresser une cartographie de ce séjour dans cette ville qui ne ressemble à aucune autre. Celle-ci se traduit par une suite de trente-cinq toiles qui correspondent aux trente-cinq poèmes écrits par l'auteur en même temps que servir de repère à ses pérégrinations dans la cité. Ces textes figurent dans cette publication. Ce qui est singulier dans la démarche de Arranz, c'est qu'il a tenu à raconter ce que le poète a pu faire lors de son séjour avec des documents photographiques qui remémorent ce séjour. Du photomontage à une écriture hiéroglyphique, il traduit de plusieurs façons différentes ce voyage de cet écrivain merveilleux. Arranz a cette qualité rare de savoir user avec liberté et virtuosité de plusieurs modes d'écriture plastique sans jamais s'écarter de son style et de l'esprit de son oeuvre. Toutes ces variations ne font qu'élargir le champ de son investigation biographique et plastique.
Les nombreuses techniques qu'il met à son service ne font que donner plus de profondeur à ce portrait et à cet hommage vibrant. Il nous invite à partager sa passion pour une poésie qui figure désormais parmi les grandes créations de la littérature du XXe siècle, et aussi pour un homme hors du commun. Cet album nous fait découvrir un moment important de l'existence de Federico Garcia Lorca tel qu'il l'a traduit à sa façon, mais en nous fournissant les éléments essentiels pour savoir ce qu'il a fait de l'autre côté de l'Atlantique, et ses amours pour les poètes du cru, de Walt Whitman à E. E. Cummings. Ce serait un bien si ces oeuvres étaient présentées en France où il a longtemps travaillé.
L'azur, Michel Butel, préface de Jean-Christophe Bailly, L'Atelier contemporain, s. p., 28 euro.
Michel Butel (1940-2018) a été écrivain, mais il s'est fait connaître par ses journaux et surtout L'Autre journal, qui a paru de 1984 à 1992. Il a été écrivain et a même reçu le prix Médicis pour L'Autre amour, publié en 1977 au Mercure de France. Mais c'est l'homme de presse qui a marqué l'esprit de ses contemporains. Il a commencé par travailler avec Bernard-Henri Lévy pour le lancement de L'Imprévu en 1975 (ce quotidien n'a pas tenu une semaine !) Puis il a créé en 1984 L'Autre journal, qui a eu un véritable impact et a tenu plusieurs années. Des divergences dans l'équipe éditorial en a signé la fin en 1992. Loin de se décourager, il a fondé l'azur, dont nous allons parler, qui a duré une année et puis L'impossible, né en 2012 et qui a fermé ses portes en 2013. La presse dont il a rêvé était une presse marginale sans doute, mais qui a su toucher le public qu'il avait visé. Il a encore tenté l'expérience d'Encore et encore celle de L'Impossible qu'il a dut interrompre pour des raisons de santé.
Bref, le journaliste impénitent l'a emporté sur l'écrivain qui pourtant ne manquait pas de talent (nous en reparlerons aussi). Il avait toujours désiré mettre en avant une autre forme de journaliste et J-C. Bailly en explique très bien le sens dans sa préface. Et cela s'était transformé chez lui en une sorte de vertige compulsionnel. Chaque fois, il a tenté une formule différente, associant étroitement politique et culture. Il est parvenu à faire sortir de presse 56 numéros d'un hebdomadaire qui comprenait quatre pages, avec peu de soucis pour la présentation : la mise en page était rudimentaire, avec une grande photographie en noir et blanc en couverture (parfois, il mettait un gros titre sur une page manuscrite). C'était plus une revue qu'un journal à proprement parler car il n'y est pas question de l'actualité telle qu'on la trouve dans les autres périodiques. Il s'agissait plutôt de brèves mais percutantes réflexions sur les sujets les plus divers, sans doute liés la plupart du temps à l'actualité, mais il n'entendait pas rivaliser avec ce que nous avions alors l'habitude de trouver dans les kiosques.
Mieux encore : il avait tenté de créer un journal à mi-chemin entre la presse de l'époque et une revue traitant de toutes sortes de choses sans lien les unes avec les autres. La cohérence de son journal était justement sa volonté de ne pas institué le rituel de la cohérence. Il lui arrivait même de faire imprimer un poème ou une lettre. Iconoclaste sans doute, mais toujours avec une certaine efficacité. Avec azur et toutes ses autres périodique, Michel Butel a marqué les dernières décennies du siècle passé avec une incroyable liberté d'esprit et une capacité de rompre avec les codes de la profession. Et cela, avec un relatif succès. Cette réédition en est la démonstration.
Carte blanche à Wang Keping, musée national des Arts asiatiques Guimer, Paris, 48 p., #0 euro.
Comme tous les musées d'aujourd'hui, le musée Guimet s'emploie désormais à montrer des artistes contemporains. L'intérêt de la chose est intéressant car, s'il a fait des expositions en France, il ne fait partie de ces créateurs asiatiques portés aux nues. Il est né en 1949 dans le Helbei, dans un milieu cultivé. Il passe son enfance à Pékin. La Révolution culturelle lui vaut d'être envoyé dans un camp de rééducation en 1969, puis il devient comédien l'année suivante. En 1976, il est engagé à la télévision. Il écrit une pièce politique en 1977. Il commence à sculpter le bois en 1978. Il participe à l'exposition clandestine des Etoiles à Pékin sur les grilles du musée des beaux-arts. Ses oeuvres sont saisies. Il participe au mouvement de dissidence. En 1980, il peut exposer au musée de Pékin.
Il épouse une jeune française en 1981. Il prend part à l'exposition « Painting the Chinese Dream » qui est présentée à Brooklyn en 1983. Il part pour la France l'année suivante. En 1985, il s'installe dans la banlieue parisienne. Il voyage aux Etats-Unis puis présente sa première exposition à Paris à la galerie Zürcher. Sa première sculpture monumentale est installée à Séoul. Il expose au Centre Pompidou Silence en 1990. Ses créations sont la plupart du temps exécutées avec de l'acajou ou du cyprès. Elles sont presque toujours noires et plutôt abstraites, mais avec des reliefs qui peuvent donner l'idée d'un substrat figuratif qu'il a voulu estomper. Il a aussi traité la figure humaine dans son style qui s'éloigne de l'anatomie commune, comme on peut le découvrir dans Femme Han (2001).
Il lui faut reconnaître un vrai talent et donc la faculté de projeter dans l'espace des formes originales qui possèdent une forte attraction plastique et qui aussi suggère une relation étroite à la réalité qui est masquée, mais qui transparaît. Cette exposition nous fait découvrir une recherche singulière, qui sait jouer sur l'esthétique orientale et l'esthétique occidentale, sans jamais tomber dans le piège d'une synthèse. Il demeure d'abord un artiste de l'Extrême-Orient, qui a su utiliser des éléments formels qu'il a pu voir en Europe ou en Amérique. Wang Keping est un artiste brillant et sans emphase, qui a le sens de la poésie, mais qui la traduit avec des moyens qui sont parfois rudes et stylisés. Il recherche par conséquent une beauté qui est très loin de la joliesse. Et qui ne souhaite pas miser sur l'exotisme ni sur l'histoire récent de son pays d'origine comme on l'a trop vu. C'est là une belle découverte qui mérite le déplacement dans ce musée qui vaut en soi le déplacement.
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Gérard-Georges Lemaire 12-01-2023 |
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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