Il y a eu le bleu Klein. Il y a aujourd'hui le vert Hyber. Un vert résolument écologique : le communiqué de presse de la galerie Nathalie Obadia nous rappelle que l'artiste entreprend depuis vingt ans de « semer 70 hectares de forêt à proximité de son atelier en Vendée », action qu'il qualifie de « biotope omniprésent dans son travail, à la fois comme sujet, paradigme, utopie et projet de vie. » (exposition Habiter la forêt, jusqu'au 23 janvier). Nous retrouvons donc des arbres et des racines, le principe de germination servant à Hyber de modèle de création et d'analogie. Comme dans son exposition de 2011 à la galerie Jérôme de Noirmont on croit voir d'abord des « Peintures homéopathiques » qui furent sa spécialité, mais il s'agit d'autre chose. Le peintre introduit bien dans ses compositions de multiples messages écrits à la main, notamment à propos des processus de transformation de l'oxygène en carbone, mais il s'agit, semble-t-il d'abord, de laisser libre cours à son plaisir de peindre.
J'avais beaucoup aimé il y a dix ans un tableau comme Exception (huile, fusain, collage sur papier et résine Epoxy sur toile, 200 x 300 cm). D'innombrables trèfles bien verts grimpaient le long de tiges qui occupaient la toile comme un code-barre géant. On ne distinguait guère, à terre, des corps en fermentation qui se muaient en trèfles, dont l'un à quatre feuilles (il avait donc un ADN différent). Une manière de répondre à une grande question selon Hyber : « comment identifier la singularité dans la masse ? » Ce n'est pas l'étude des monstres qui m'intéresse, disait l'artiste, mais plutôt trouver à l'intérieur des systèmes existants (la peinture par exemple) les moyens de la monstruosité ». Une monstruosité légère et verte en l'occurrence, enjeu d'un tableau réussi.
Des moyens de la monstruosité en peinture, en voici quelques-uns apparus en 2020 : Secret se présente comme un inquiétant réseau de racines semblable à une gigantesque araignée (huile, charbon de bois et résine époxy sur toile, 120 x 200 cm). Touffus représente des troncs d'arbres extraordinairement serrés les uns contre les autres, couverts de mystérieuses écritures. Pas question de pénétrer dans une telle forêt : elle est là pour étouffer le visiteur (huile, charbon de bois et résine époxy sur toile, 150 x 100 cm). Et puis, au milieu de tous ces tableaux plus inquiétants qu'humoristiques (l'humour étant une caractéristique connue chez Fabrice Hyber), un moment de grâce. Le beau Nuancier, qui déploie une délicate symphonie en vert, bleu rose et jaune. Plus rien de monstrueux ici, aucune écriture : rien que du plaisir offert au regard (huile, fusain et résine époxy sur toile, 200 x 150 cm). On pense irrésistiblement à Klee, celui de la Nouvelle Harmonie du Guggenheim de New York, et l'on se dit que décidément Fabrice Hyber est un vrai peintre.
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