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[verso-hebdo]
11-03-2021
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Italia moderna, la collection d'art moderne du musée de Grenoble, sous la direction de Guy Tosatto & de Sophie Bernard Editions in fine / musée de Grenoble, 96 p., 15 euro.

L'art italien du XXe siècle est mal connu en France. Il y a de nombreuses raisons à cela, en particulier des préjugés dont on a oublié l'origine et aussi une difficulté à assimiler le futurisme qui a pourtant l'un des plus grands mouvements artistiques et littéraires des années 1910 aux années 1940. Les Français n'ont voulu connaître que Giorgio De Chirico (et encore, que la période métaphysique, c'est-à-dire celle appréciée par André Breton et les surréalistes) et Giorgio Morandi (pour lequel ils vouent un culte quasiment fétichiste). Après la guerre, on a admiré Lucio Fontana, un peu Alberto Magnelli, puis les protagonistes de l'Arte povera et ceux de la transavanguardia. Je crois avoir à peu près tout dit. C'est affligeant. Le musée de Grenoble, depuis longtemps, a fait preuve d'une véritable ouverture pour l'art de ce pays, qui a été si riche et si divers au cours du siècle dernier. J'ai été un peu surpris que ce catalogue commence par Amedeo Modigliani, qui est bel et bien né à Livourne, mais qui a fait toute sa cartière à Paris. Mais je ne me plaindrais pas de sa Femme au col blanc (1917) et des quelques dessins qui font partie des collections. Malheureusement, le futurisme n'est représenté que par Luigi Russolo, qui a quitté le groupe à la fin des années vingt et est venu vivre à Paris. D'autant plus que ce dernier était avant tout musicien et auteur de L'Art des bruits, paru la première fois en 1913.
Le tableau que possède le musée d'Enrico Prampolini, Synthèse plastique des mouvements d'une femme (vers 1912) est tout à fait remarquable : Le Scaphandrier des nuages (vers 1930). Et il y a également une composition de valeur de la main de Fillia, L'Homme et la femme (1929-1930) -, Fillia, l'un des grandes figures du second futurisme, a écrit avec F. T. Marinetti La Cuisine futuriste... Dommage que nous soyons privés de Balla, de Severini, de Boccioni, de Carrà (de sa brève période futuriste !) et de nombreux artistes qui n'ont cessé d(apporter leur propre interprétation de ce vocable, de Fortunato Depero à Benedetta.... Les choses s'embrouillent un peu avec la pittura metafisica : Giorgio De Chirico s'y trouve ne bonne place avec le très beau Portrait de Paul Guillaume (1915) et Les Epoux (1928) qui se rattachent à la période mannequins. Filippo de Pisis a bien fait partie du petit cercle qui s'était créé dans sa ville natale - Ferrare - où résidaient De Chirico et Carrà en 1917.
Mais il a ensuite suivi un chemin très différent dans son art pictural. Morandi a aussi toute sa place dans cette section car il a fait des toiles métaphysiques à ses débuts qui sont mémorables. Mais celles qui sont réunies ici sont des années 1930 et n'ont plus rien à voir avec cette problématique. Osvaldo Medici del Vascello et Mario Tozzi n'ont que des rapports très lointains avec cette très brève période de l'art italien. Ce sont des artistes indépendants qui ont eu leurs qualités entre les deux guerres, mais n'ont correspondu à aucune tendance majeure, même pas celle du groupe Novecento, qui est totalement absent (on regrette beaucoup que Mario Sironi ne osit pas représenté dans cette collection). Quant à Leonor Fini, l'artiste triestine, elle a fini par se rapprocher des surréalistes au milieu des années trente.
L'après guerre voit l'émergence de Lucio Fontana à la tête du mouvement spatialiste (il faisait auparavant des sculptures figuratives en céramique). L'abstraction est bien représentée avec Bruno Munari (aussi un grand designer), Antonio Veduzzo, Dadamaino, Enrico Castellani. Quant à l'Arte Povera il est omniprésent avec Pistoletto, Alighero & Boetti, Mario Merz, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Paolini, Giuseppe Penonne. Quant à l'art figuratif, il a la part du pauvre avec trois peintres qui ont fait leur carrière en France : Adami, Cremonini et Lucio Fanti. Enfin rien ne fait comprendre l'immense notoriété des artistes de la Trans-Avant-Garde... Mais il ne faudrait pas bouder son plaisir : ce qu'offre le misée de Grenoble est déjà considérable.




Le Renouveau de la Passion, la sculpture religieuse entre Chartres et Paris autour de 1540, sous la direction de Guillaume Fonkenell & de Thierry Leblond, Editions in fine / musée national de la Renaissance, 256 p., 35 euro.

La question du classicisme en France ai milieu du XVIe siècle a toujours été liée à la volonté de François Ier de nourrir l'art français de l'esprit de la Renaissance italienne. En témoigne la venue de Léonard de Vinci à la cour et puis de la venue de grands artistes de la péninsule à Fontainebleau. Le souverain avait l'intention de combler un retard considérable. Cela s'est rapidement traduit par le retour au classicisme, qui ne se démentira pas le siècle suivant avec Versailles ou les travaux d'agrandissement du palais du Louvre (avec le rejet du projet présenté par Le Bernin trop loin des concepts architecturaux qui se sont constitués à cette époque). Cet ouvrage est important car il nous révèle un pan de notre histoire de l'art finalement mal connu.
Il commence par nous explique le contexte qui est loin d'être indifférent. Tout d'abord, il fait état du concordat de Bologne qui, en 1516, a rétabli les religions les plus étroites avec le Saint-Siège. Il y a ensuite la Réforme qui, à partie de 1517, modifie complètement la géographie religieuse de l'Europe, la France ne faisant aucune exception. François Ier a promulgué un édit donnant la possibilité aux protestants de rentrer dans leur pays. Mais il ne s'agit pas vraiment de tolérance : ceux-ci devaient abjurer et donc rentrer dans le giron de l'Eglise catholique. Eu l'inquisition est instaurée peu après. En fait, la France en était aux prolégomènes des guerres de religion. Ce qui est le plus surprenant ce n'est qu'à partir des années 1540, la conception des édifices religieux se modifie de manière assez radicale. On passe du gothique à l'art de la Renaissance presque sans transition et souvent en conservant les anciens édifices.
Il faut dire que peu d'églises ont été édifiées depuis le Moyen Age. Un important élan se fait jour dans la première partie du XVIe siècle. C'est alors qu'on entreprit de construire de grands jubés en pierre, qui sont souvent des oeuvres superbes. Ils ont modifié la physionomie des édifices religieux. A Orléans, une ville qui a connu alors une expansion notable, un grand sculpteur s'impose : François Marchand. On ignore presque tout de son existence, mais on sait qu'il a joué un rôle majeur dans ce grand projet. Marchand est aussi l'auteur du tombeau de François Ier. Anne Embs a consacré dans ce volume un chapitre sur la sculpture à Orléans à partir de 1520, qui montre que les hôtels particuliers aussi bien que les églises se voient ornés d'oeuvres sculptées de qualité reposant sur des bases esthétiques nouvelles. Chartres, avec la venue de son nouvel évêque, Louis Guillard en 1525, n'a pas tardé s'est vite inscrit dans ce programme de rénovation profonde. L'évêque s'est impliqué dans tous les projets de construction ecclésiastique de sa région à une époque où la Réforme a commencé à se répandre. L’« hérésie » n' pas été la cause de ce nouveau cours de l'art, mais y a contribué indirectement. L'abbaye bénédictine Saint-Père est un des grands exemples de la mise en place de programmes iconographiques et liturgiques novateurs et aussi compliqués.
Malheureusement, il ne reste que des fragments de ces décors dont certains sont conservés au musée du Louvre. L'autre grand problème est la dispersion de nombreuses sculptures, dont on n'a pu connaître des exemples merveilleux au musée des Monuments français à partir de 1800. Mais le musée est fermé en 1816 et les ouvrages qui y étaient préservés sont retournés souvent (mais pas toujours) à leurs lieux d'origine. Ce serait en fait une cabale lancée contre Quatremère de Quincy, qu'on a accusé de séparer les oeuvres de leur contexte d'origine. Fort heureusement, on a restauré certains ensembles significatifs comme l'ancien jubé de l'église abbatiale Saint-Père (plusieurs des scènes du Nouveau Testament représentées sont inspirées par Raphaël et transmises par des dessins réalisés par des artistes italiens post »rieurs). La cathédrale de Chartres s'est aussi vue dorées de la tour du choeur, où le style gothique domine encore, mais dont les sculptures sont d'une modernité surprenante pour le début des années 1520. François Marchand a été l'un des artistes qui a contribué à la réalisation de cet ensemble magnifique. Paris, fort proche, a été touché par ce désir de renouvellement Ce qu'on a pi retrouver de l'abbaye Saint-Victor le prouve amplement.
Mais c'est surtout le décor de l'église abbatiale Sainte-Geneviève qui demeure la preuve de cette magnifique rénovation de l'art sculptural. Le jubé de Saint-Germain-L'auxerrois a aussi été une création des plus remarquables. Jean Goujon, l'un des plus grands artistes de ces temps, y a réalisé une Déploration sur le Christ mort (1544-1545) qu'on a reconstitué ; il a aussi exécuté les quatre apôtres (aujourd'hui au musée du Louvre). On trouvera enfin dans ce volume copieux des explications techniques qui sont fondamentales qui permettent de reconstituer des ensembles souvent détruits en grande partie. De toute évidence, il a été conçu pour des spécialistes. Mais des profanes comme moi y puiseront des merveilles de connaissance.




Transbordeur Photographie, histoire, société, Editions Macula, 216 p., 29 euro.

Les éditions Macula publient la plus belle et la plus intéressante revue concernant la photographie. Cette cinquième livraison ne dément pas cette réalité. Le dossier choisi cette fois concerne le design sous bien des formes différentes et parfois inattendues. Le premier article est consacré aux relations de la photographie avec les arts appliqués et avec le design, suivi d'un autre article sur le langage spécifique du design et d'un autre sur la manière de photographier les objets. On trouve ensuite une étude sur Margaret de Parra, une créatrice peu connue, qui a réalisé des bijoux et surtout des montres et Lucy Mountfield a exécutée des clichés d'appareils photographiques de l'entre deux guerres, de vanity cases qui ont la formes de ce genre d'appareil et aussi de publicités d'appareils Kodak - cette étude permet au lecteur de comprendre l'esprit graphique qui a été décliné par cette grande société américaine qui a visé un large public, mais a aussi songé à des produits un peu plus luxueux.
Pepper Stetler s'est intéressé de près aux produits du Werkbund Wohnberdarf de Stuttgart, qui a présenté en 1932 d'importantes expositions où l'on pouvait voir des objets de la vie domestique moderne. On découvre ensuit des exemples de l'importante collection du musée des Arts décoratifs de Paris. Suit un long et pertinent article sur la personnalité d'Ettore Sottsas Jr, le créateur de la société Memphis qui a été la plus fameuse officie de création d'objets pendant le dernier tiers du siècle dernier. Sotsass Jr a été sans aucun doute le designer le plus célèbre au monde de toute cette période et son esthétique a été présentée dans de nombreux musées du monde entier, dont le centre Pompidou. L'article s'attache surtout à parler de ses donations, en particulier à la Bibliothèque Kandinsky à Paris. On quitte ce domaine spécifique pour découvrir l'image de l'animal de compagnie, qui a été à la source d'un sous-genre des plus curieux. Je ne veux pas citer tous les écrits qui concluent ce numéro. Mais je tiens à souligner que ces pages montrent des aspects originaux de la recherche photographique ou de la pire et simple commercialisation de ce medium. C'est remarquable et une mine de découvertes pour les passionnés de la culture photographique.




Tomber des nues, Nathalie Georges-Lambrichs, postface de Ginette Michaux, tempera de Claude Luca Georges, Editions du Canoë, 72 p., 14 euro.

Dans sa postface, Ginette Michaux rappelle avec raison que la forme poétique très concise du haïku japonais a été depuis longtemps connue et appréciée en Occident et même souvent imitée. Ce qu'il faut néanmoins ajouter c'est cette poésie réduite à peu de mots concerne une culture qui utilise les idéogrammes, qui peuvent avoir plusieurs significations et établir les uns avec les autres de très riches relations de sens. Dans les langues occidentales, cette notion se perd complètement. Il n'y a que la concision qui subsiste.
Ce qu'a entrepris Nathalie Georges-Lambrichs tient de la gageure car il s'est agi pour elle de transformer une forme extrême-orientale dans la sphère de la langue française. Cela représente à mes yeux un exercice risqué et qui pourrait conduire au pastiche. Ce n'est pas le cas ici, fort heureusement. L'auteur s'est donné des règles drastiques qui lui ont permis de cerner sa pensée avec concentration des plus rigoureuses.
Elle très bien su associer au moins deux éléments différents qui sont lis par une cause unique. Elle évoque souvent les grues, plus que n'importe quel oiseau, ce qui donne une tonalité japonisante à ses écrits. Les images qu'elle a imaginées sont dense et se résument à peu de choses. Ce « peu de choses » est le tout qui attribue force et valeur suggestive à ses vers. Le titre déjà nous donne cette idée : il peut être interprété au moins de eux façons. Le tout est très prenant et associe les éléments naturels, le paysage et le monde animal. L'humanité, dans son cas, est spectatrice de ce qui se déroule dans le ciel ou sur terre. Elle n'est donc pas tout a fait absente. Elle est la mémoire de ces représentations souvent fugaces. Mais ce qui me frappe le plus dans ces poèmes, c'est leur caractère pictural, même si d'autres sens sont mis en jeu. Tomber des nues est un recueil qui ne peut que toucher la sensibilité du lecteur. Toutes ces strophes peuvent sembler éthérées. En fait, elle ne le sont pas : elle décrive des visions bien matérielles qui deviennent presque irréelles. Il est à noter que les tempéras de Claude-Luce Georges sont à l'opposé de la poésie : la matière y est abondante et prégnante. Elles fournissent ce que le texte ne fait que suggérer sans jamais le dire.




Les Papillons de Kracov, quand nous ne lirons plus les livres sous les mers, Sylvie-E Saliceti, gouache de Sophie Granval, Editions du Canoë, 64 p., 14 euro.

Quand on lit le poème qui fait office d'ouverture à ce texte, on ne peut s'empêcher de penser aux Pêcheurs de perles que Georges Bizet a composé en 1863. Fort heureusement, l'auteur est bien loin e cette histoire mélodramatique et sirupeuse ! Sylvie-E. Saliceti a choisi de se servir delà plongée en apnée comme d'une métaphore qu'elle décliné tout ai long de son bref récit -, qui est d'ailleurs plutôt une méditation qui prend différents aspects et qui attribue à la recherche du corail dans les eaux profondes une valeur ou métaphysique ou littéraire. C'est sa manière de rendre tangible et intelligible le fait de s'immerger le plus loin possible sous la surface et puis de ressurgir à la surface. Sous sa plume, les corailleurs se changent en des aventuriers de l'esprit qui osent s'enfoncer dans les eaux pour découvrir des univers inconnus ou hors de portée.
Elle les représente comme des hommes s'enfonçant dans les ténèbres pour parvenir jusqu'à l'oeil de Dieu. Ils sont aussi ceux qui prennent de grands risques pour pénétrer des régions où l'on « déchiffre l'inconnu du monde ». Son écriture très elliptique et sans aucun baroquisme nous permet de comprendre toutes ces interrogations qui entourent les menées de ces pêcheurs qui ne craignent pas d'affronter ce qui enfoui sous les eaux. D'une certaine façon, elle veut mettre en évidence ce que la littérature peut signifier à partir du moment où on le considère plus comme une futilité ou un divertissement.
Elle fait aussi un parallèle entre leur descente vertigineuse et le périple impensable d'Orphée dans les Enfers pour retrouver Eurydice - la même intrépidité, le même élan du coeur, le même défi lancé aux lois imposées par les dieux aux humains. Elle ne cesse se demander quelle est la véritable finalité de cette entreprise insensée. Elle n'apporte pas de réponses, mais d'autres questions, et elle dépeint ce qui peuvent être certaines curiosités dangereuses de l'esprit et certaines motivations dérangeantes car tout n'est pas rose sous ces vastes océans. Les découvertes que font ces sambouks qui s'enfoncent dans les flots sont de nature contradictoire : le plus beau est lié étroitement au plus terrible. Ainsi nous conte-t-elle l'expérience de qui a l'ambition d'écrire et d'aller jusqu'aux tréfonds de ce qui peut être vu et entendu. Inclassables, ces pages placent le lecteur devant l'expérience cruciale que tentent ceux qu'ils aiment lire sans toujours comprendre qu'ils sont allés outre leur être.
Gérard-Georges Lemaire
11-03-2021
 

Verso n°136

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du 6 au 28 Octobre 2012
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Christophe Cartier / Gisèle Didi
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Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
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