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[verso-hebdo]
02-11-2017
La chronique
de Pierre Corcos
Avec rien, ou presque...
Le rappel que, sans avoir besoin de lasers, de vidéos, de machinerie, d'imposants décors, d'une lourde scénographie, le théâtre peut toujours se faire avec rien, ou presque - un acteur, une parole, des spectateurs - procure la joie secrète de sa permanence ainsi prouvée, quelles que soient pénuries et contraintes extérieures... Pratiquement sans matériel, le « théâtre pauvre » de Jerzy Grotowski concentrait rigoureusement l'art dramatique sur sa propre essence. Mais, nul besoin de prôner l'éthique sévère du maître polonais pour fabriquer des pièces où, seulement avec un jeu d'acteurs efficace et une évocation, une histoire fortes, on ravit les spectateurs. Lesquels se disent qu'après tout, les deux pièces de théâtre qui suivent auraient pu se jouer en plein air ou dans une grange, avec presque rien.

Jusqu'au 3 décembre au Lucernaire, Le pavé dans la Marne de et par Jean-Paul Farré, dans une mise en scène d'Ivan Morane. Sur le plateau, rien que le décor d'un minuscule théâtre de foire avec son rideau cramoisi, et un excellent comédien, Jean-Paul Farré, jouant sa partition «entre une vraie-fausse conférence historique et une représentation du théâtre aux armées interprétée par un clown», précise Ivan Morane. De temps à autre, scansions évocatrices d'un violon (univers sonore : Dominique Bataille, violon : Muriel Raynaud), quelques ombres chinoises par-ci, deux ou trois accessoires par-là. Donc presque rien pour une évocation historique, avec les seules ressources du comédien (sa voix, ses gestes, ses mimiques, ses déplacements) donnant vie à son propre texte. De quoi, dans ces quatorze tableaux, s'agit-il en fait ? De la guerre 14-18, plus exactement de la Bataille de la Marne, revisitée dans un sens pacifiste et iconoclaste par Jean-Paul Farré. Il a dédié son livre, cette oeuvre à ses deux grands-pères qui furent le 1er août 1914 mobilisés. Mais rappelons quand même cet épisode historique appelé miracle de la Marne... Les Allemands gagnaient, ils entraient massivement en cette fin août 14 sur notre territoire, et en quelques jours occupaient le nord de la France, « de la Somme aux Vosges ». Et la Somme devint bientôt la Marne. Des avant-gardes allemandes surgissaient à quelques kilomètres de Paris, d'où le gouvernement avait fui pour Bordeaux. Un complet désastre !... Mais Gallieni vit une manoeuvre à tenter contre le flanc de l'armée de Von Kluck qui avait avancé trop vite. Joffre arrêta la retraite et donna l'ordre à toutes les forces françaises de se porter en avant. La bataille de la Marne, rare et stupéfiant redressement militaire, stoppant net l'invasion allemande, permettait en même temps à la Grande Guerre de s'installer dans la durée. De provoquer ainsi la mort de 18,6 millions d'êtres humains ! Et c'est justement cela que, par « une sorte de fiction dans l'uchronie » (dit Ivan Morane), Jean-Paul Farré, en auteur inspiré, en comédien amusant, en conférencier pacifiste, efface du tableau noir. Par cette tragi-comédie à un personnage qui en évoque des millions, il réinvente à sa façon la guerre 14-18 et jette son « pavé dans la Marne ». Pari théâtral tenu : on a bien l'Histoire, une parole, un comédien. Et à l'évidence, que ce soit au Lucernaire ou dans un garage, ce théâtre modeste ravit, emporte !

Jusqu'au 30 décembre au Théâtre Hébertot, Douze hommes en colère de Reginald Rose, dans une mise en scène épurée de Charles Tordjman. À la fois scénario du célèbre film éponyme de Sidney Lumet, téléfilm et pièce de théâtre, Douze hommes en colère reste d'une efficacité redoutable. Sa dramaturgie, basée sur un retournement complet de situation, et le suspense d'une décision fatidique à prendre collectivement (déclarer un jeune homme coupable, et ainsi le condamner à mort... ou non), tient jusqu'au bout le spectateur en haleine. Histoire simple, unité de temps, de lieu et d'action. Nul besoin de mise en scène et de décor emphatiques : ce huis clos est simplement la salle où se réunissent des citoyens américains ordinaires pour délibérer, et la direction d'acteurs, les comédiens devront surtout donner le maximum de crédibilité à ce jury de tribunal. De l'excellent théâtre avec en somme rien d'autre qu'une tranche de réel dramatique, extraite de la vie judiciaire !
Tous les jurés sont d'accord au début pour déclarer coupable l'accusé, expédier cette affaire de parricide, et rentrer chez eux... sauf un (excellent Bruno Wolkowitch). Lui conserve des doutes, s'interroge, estimant que l'enjeu d'une condamnation à la peine capitale mérite amplement que l'on revienne sur les divers éléments du dossier d'accusation. Du coup, l'affaire revient sur le tapis pour le spectateur... Peu à peu chaque juré, à travers sa prise de position, se dévoile. Et, théâtre naturaliste oblige, Reginald Rose en profite pour camper avec justesse des sociotypes de l'Amérique des années 50-60. En même temps, à son insu peut-être, l'auteur fait transparaître des valeurs et idéologies bien américaines : par exemple, la confiance en l'individu qui, seul et contre le groupe, saura faire triompher l'éthique, que menacent la veulerie et la pusillanimité collectives. C'est du western en somme, mais sans autre moyen que des paroles, une situation dramatique et des conflits de personnes. La mise en scène lumineuse de Charles Tordjman, basée sur l'adaptation de Francis Lombrail, n'alourdit ni ne souligne rien, se concentrant sur une direction d'acteurs subtile. Les douze comédiens chevronnés ont tous peaufiné leur interprétation... De quoi d'autre a-t-on besoin ?
Nous reposant des actuels spectacles de plus en plus sophistiqués, ce type de théâtre avec presque rien, juste l'essentiel, se délecte, s'apprécie comme le bonheur d'une diète.
Pierre Corcos
02-11-2017
 

Verso n°136

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