L'association « Ligne et couleur » (un nom peut-être un petit peu trop passe-partout) rassemble des architectes de Paris, Stuttgart, Londres, Edimbourg, Venise, Varsovie, Barcelone, Bucarest et Budapest. Elle organise des expositions à leur intention, où elle invite aussi de jeunes étudiants en architecture pour les inciter à ne pas se focaliser sur leurs ordinateurs, mais éprouver aussi le plaisir communicatif de se servir d'un pinceau. Il en en a résulté cette année, pendant le mois d'octobre, une exposition sur le thème des « voies » à la mairie du 6eme arrondissement. L'association avait demandé à un artiste « professionnellement reconnu » d'être son invité d'honneur en exposant une oeuvre. En l'occurrence, c'était Gérard Fromanger qui avait envoyé Le siège de Lacédémone (1989, 200 x 300 cm), impressionnant tableau qui, selon les mots de Patrice Dalix, architecte préfacier, « traduit magistralement deux forces antagonistes, conquête et résistance, des voies que le peintre a toujours su emprunter de lui-même à travers les événements et courants de pensées de ces 60 dernières années. Il ne les a jamais suivis, mais toujours précédés. »
Autour du géant de la peinture, des architectes de toutes générations donnaient, avec des bonheurs variables, leur version de l'idée de voie. Certains le faisaient avec un incontestable métier de dessinateurs : c'était en particulier le cas de Minty Sainsbury (Cremon Cathedral, dessin de 85 x 65 cm) ou Jacques Paul (Le Panthéon vu du boulevard Saint-Marcel, dessin de 65 x 50 cm). D'autres se hasardaient dans l'abstraction lyrique avec la conviction de ceux qui ont, eux aussi, un certain métier, mais dans la peinture (Catherine Thieblin Joueo avec Galaxie 1, (acrylique sur toile de 130 x 97 cm, ou Ursula Uleski avec Eclats multiples-constellations 2, 40 x 40 cm). J'en étais là de mes réflexions quand j'ai été arrêté net par l'envoi de Jean-Pierre Cornet : quel métier dans ces quatre petites vues de Paris réunies en un unique panneau, et surtout, quelle savoureuse et discrète présence d'un style ! ( Dans Paris, huile sur toile, 50 x 50 cm).
Le style est aussi affaire de métier, mais un métier qui permette à l'auteur de s'exprimer et d'être soi. Ecoutons-le formaliser modestement son ambition : « Cette peinture, figurative, tente de communiquer une atmosphère liée à des émotions. A partir d'une réalité riche et toujours présente, elle tend à devenir plus concise et plus allusive. » Corot ne se serait pas exprimé autrement ! La question soulevée par Jean-Pierre Cornet serait peut-être éclairée par une autre ainsi traduite : « Peut-on préméditer d'être soi ? ». Ses admirables petites huiles consacrées à des vues du Paris qu'il aime, entre Pont-Neuf et Saint-Germain des Prés, nous révèlent que ce sont les actes prémédités, ceux qui requièrent beaucoup de soin, qui livrent le mieux la spontanéité humaine. Le style est le lieu où apparaît l'auteur. Il y a style lorsque nous discernons, même sans pouvoir l'exprimer, une certaine relation vivante de l'homme au monde, et que l'artiste, ici Jean-Pierre Cornet, nous apparaît comme celui par qui existe cette relation, non parce qu'il la suscite, mais parce qu'il la vit. C'est la qualité incomparable de cette relation au monde, ce « style de vie » que nous saisissons dans l'oeuvre à travers les traits du métier dont nous pouvons ne pas nous apercevoir, alors qu'il n'y a que ces derniers à apprécier chez les voisins de la même cimaise...
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