Le réseau d'enseignants universitaires Vigilance.universités lance un cri d'alarme que Verso ne peut pas ne pas relayer. Nos lecteurs savent combien le recours à l'histoire de l'art nous est sans cesse nécessaire pour comprendre et commenter les divers événements de l'actualité artistique, même et peut-être surtout contemporaine. Vigilance.universités réagit à l'annonce, par l'Université Yale - une des plus prestigieuses des Etats-Unis - de la suppression de l'un de ses cours les plus réputés : Introduction à l'histoire de l'art, de la Renaissance à aujourd'hui. Le créateur de cette chaire, qui l'occupa très longtemps, décédé en 2017, était Vincent Scully, incomparable spécialiste de l'architecture occidentale, dont les élèves et disciples s'appellent par exemple Norman Foster ou Richard Rogers. On venait du monde entier à Yale pour s'initier à l'histoire de l'art. Désormais, on devra y subir de nouveaux enseignements dans lesquels l'art sera étudié en fonction de ses relations avec les questions de genre, de classe, de race et même de réchauffement climatique. La direction actuelle de l'Université Yale ne craint pas le ridicule. Ici, il faut citer Vigilance.universités :
« Cochant toutes les cases de la rectitude politique, exactement comme l'aurait fait un chargé de communication de la compagnie Benetton, le directeur de la Faculté d'histoire de l'art, Tim Barringer, expliquait doctement que son département était profondément engagé à représenter la « diversité » de ses étudiants. La nouvelle n'a guère surpris ceux qui se rappelaient qu'en 2017, la Faculté des lettres de la même université avait entrepris de « décoloniser » son programme en rendant facultative la lecture des plus grands poètes de langue anglaise. » Tout cela se passe en un temps, souvenons-nous en, où en France, le 25 mars 2019, une pièce d'Eschyle, Les Suppliantes, mise en scène par Philippe Brunet, n'a pu être jouée en Sorbonne. Les comédiens ont été empêchés de force de jouer par des militants soi-disant antiracistes car cette pièce, mettant en scène les Grecs Argiens et les Danaïdes, filles de Danaos venues d'Egypte, interprétés conformément aux pratiques théâtrales antiques, respectivement par des actrices et acteurs portant des masques blancs et des masques noirs tels que d'usage à l'époque. Pour les excités, un blanc n'a pas le droit de porter un masque de noir : c'est du racisme !
Autrement dit, il n'y a pas que des groupuscules « identitaires » incultes qui cherchent à faire la loi, il y a aussi, déjà aux Etats-Unis, des responsables d'universités prêts à prendre les devants dans l'entreprise de destruction de la culture en cours. Citons Vigilance.universités pour conclure : « Réduire le savoir, l'art et la littérature à des truismes de race et de sexe, d'identités de « genre » et d'orientations sexuelles relève d'une véritable entreprise d'autodestruction (...) L'histoire de l'art est l'histoire de notre civilisation. Apprendre à contempler les cathédrales, les toiles de Giotto ou de Chagall, c'est comprendre ce qui nous a fabriqués. Etudier cette histoire, ce n'est pas rejeter l'autre. C'est même le contraire. C'est se donner le seul instrument qui puisse nous permettre de comprendre les différences, de faire des comparaisons et, à terme, de créer une véritable fraternité. » On dit que ce qui se passe en Amérique précède de vingt ans la situation européenne : on frémit à l'idée que des émules de Tim Barringer pourraient prendre le pouvoir dans nos universités. Il suffit d'une génération.
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