La galerie Daniel Templon propose, du 7 septembre au 19 octobre, une sélection d'oeuvres des années 80 par Valerio Adami. Excellente idée, car la décennie 80 correspond à une période faste pour l'artiste bolognais, né en 1935, figure de proue du courant de la Nouvelle figuration. Grand voyageur (Inde, Etats-Unis, Bavière, Mexique, Japon...), Adami était revenu dans son atelier parisien en 1985 à l'occasion de sa rétrospective au Centre Pompidou. Quelques années auparavant, deux livres avaient démontré que l'oeuvre d'Adami pouvait se prêter à au moins deux lectures : lecture formaliste d'une part avec Marc Le Bot (Valerio Adami, éditions Galilée), lecture freudienne d'autre part, avec Hubert Damisch (Adami, éditions Maeght). Cette dernière lecture conviendrait particulièrement à deux grands tableaux de l'exposition représentant des couples nus : Anagrammi (1987) et surtout Finlande de la même année, dont Adami me disait en 1989 : « Il y a des tableaux d'été et des tableaux d'hiver. Si je devais faire un nouveau voyage en Finlande, je produirai sans doute des tableaux très différents de ceux que j'ai peints lors d'un voyage en Grèce. »
Les années 80 apparaissent comme un moment charnière dans l'itinéraire plastique d'Adami, étant entendu que son désir de peindre pouvait, comme l'avait indiqué Jacques Derrida, se traduire par le mot voyage. Le Voyage du dessin (titre de l'une de ses expositions) était souvent aussi chez lui dessin de voyages ( Freud in viaggio verso Londra, viaggio all'est), ce qui faisait dire à Derrida que « ce qu'Adami appelle 'voyage du dessin' y complique en abîme invisible, un dessin de voyage. » Mais plus encore, Jacques Derrida voyait dans la ligne d'Adami, qui était (et est encore) coupure-rupture-séparation arbitraire, non justifiée par le peintre auquel elle s'impose cependant, une fascination de la frontière. La toile intitulée L'Ascension, en 1984, est un bon exemple à cet égard.
La frontière, par exemple, près de laquelle s'est suicidé Walter Benjamin (intensément admiré par Adami). Il faut s'évader de ce monde démembré, tronçonné par les Etats ; Valerio Adami invitait le spectateur de ses images à saisir l'occasion d'accomplir un voyage qui serait la récompense de sa disponibilité. Voyage dans la littérature (En lisant Hyperion de Hölderlin, 1985) mais aussi voyage dans le temps : en 1989, Adami rendait hommage à la Révolution française pour son deux centième anniversaire avec des toiles à l'acrylique comme Valmy qui faisait suite à son Marat assassiné de 1982. Ce dernier tableau pouvait également être vu comme un hommage à David, le maître du néo-classicisme. Classique, Adami l'était résolument. Il l'est toujours, avec des tableaux mystérieux dont l'artiste lui même ne découvre souvent les clefs qu'après-coup. Aujourd'hui comme dans les années 80, Il ne faut pas lui poser trop de questions. « Répondre aux questions sur les tableaux, c'est comme répondre aux questions d'un enfant sur le sexe » disait-il. A méditer avant de se rendre rue Beaubourg...
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