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[verso-hebdo]
10-10-2019
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Musée de la romanité, Nîmes, Elizabeth de Portzamparc, Editions Alternatives, 160 p., 32 euro.

Le musée de la Romanité de Nîmes est rapidement devenu un lieu visité par un public nombreux. C'est l'oeuvre d'Elizabeth de Portzamparc, architecte et urbaniste, qui a su se faire un nom tout en étant l'épouse d'un architecte qui est considéré comme l'un des meilleurs de sa génération. Cet ouvrage résume l'histoire non seulement de l'édification de ce musée exceptionnel, qui contient une collection unique en son genre en France, mais aussi de sa scénographie qui doit rendre à la fois instructive et plaisante la découvertes des oeuvres. Cette réalisation était d'autant plus nécessaire que la Gaule, depuis sa conquête par Jules César, s'est métamorphosée en une civilisation gallo-romaine, dans une fusion totale, exemple rare au sein de l'Empire romain. Mais, en dehors de grandes réalisations (arènes, amphithéâtres, thermes, etc.), nos contemporains ne prennent vraiment la mesure de ce qu'a été cette longue période qui s'est révélée si fructueuse. La France moderne a été prémédité par les Gallo-Romains lors de l'effondrement de l'empire et les invasions barbares. Ce grand bâtiment est situé en face des célèbres arènes de la ville. En dépit de la modernité de sa conception, elle ne provoque pas un effet de contraste gênant. Elizabeth de Portzamparc a su jouer sur différents registres et a fait le contraire du Guggenheim de Bilbao : ce n'est pas une « sculpture », qui doit frapper les esprit, mais un espace aux multiples facettes qui peut être regardé comme une oeuvre d'art en soi, mais pas au détriment du parcours muséographique. Dans la présentation de son projet, elle souligne le fait qu'elle n'a pas désiré créer quelque chose qui soit la pure expression du présent, mais qui tisse des liens entre le passé et le futur. Elle a tenu à employer un langage très audacieux, mais sans que cette audace soit une rupture avec l'espace urbain et avec le monument que le musée côtoie. Au contraire, elle a pensé ce grand bâtiment comme une immersion contrastée dans la cité. C'est une véritable gageure, qui associe les thèmes modernistes et d'autres qui lui sont personnelles et qui indique le sens à donner à la construction d'un lieu de ce genre. La plus grande rigueur se conjugue ici avec un brin d'onirisme. C'est une réussite vraiment étonnante, car si elle ne s'est pas mise en retrait, tout au contraire, en créant le musée, elle n'en a pas fait un lieu d'autocélébration. Elle est parvenue à établir une relation de complémentarité avec le vestige antique : elle a souhaité un dialogue profond, sans références appuyées. Malgré la singularité de ses formes, qui déroge à la stricte géométrie des Anciens, mais aussi à celle des modernes, elle engendre une vision nouvelle et qui ne peut que surprendre. Ce livre est remarquable car on y découvre le cheminement de sa pensée et les étapes de la réalisation d'un projet qui sort des lieux communs de l'architecture actuelle.




Léonard de Vinci, arts et science de l'univers, Alessandro Vezzosi, « Découvertes Arts », Gallimard, 160 p., 16 euro.

On commémore cette année le 500ème anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. D'où une multitude d'expositions, dont une au musée du Louvre dès ce mois-ci, des échanges d'oeuvres entre l'Italie et la France et des publications en tous genres. Cet artiste est devenu l'archétype de l'artiste de la Renaissance parce qu'il a conjugué la peinture et l'étude des sciences et des techniques. Il a d'ailleurs vécu assez mal son absence de culture classique : il ne lisait ni le grec, ni le latin. En revanche, il a acquis des connaissances dans bien des domaines. De son vivant, il a surtout été recherché pour ses inventions (dont la plupart ont été pillées dans un ouvrage d'un savant florentin) et pour ses décors pour les fêtes à la cour des Sforza à Milan. Son oeuvre artistique est assez mince par rapport à beaucoup de ses contemporains. Et son goût pour l'expérimentation l'a conduit au désastre de la Bataille d'Anghiari qui lui avait été commandée en 1505 pour la salle du Grand Conseil du Palazzo Vecchio de Florence a ruiné sa réputation : sa fresque, où il a tenté d'utiliser une formule nouvelle, s'est rapidement révélée un erreur (il a tenté de s'inspirer de Pline pour les couleurs et l'a peinte à l'huile -, de plus il avait interrompu le travail en 1506 pour se rendre en Lombardie - une fresque ne peut être reprise à plusieurs longs mois de distance !). Mais il n'en a pas moins été un peintre hors du commun et les oeuvres que nous connaissons de sa main sont de pures merveilles. Dans ses codex, il a accumulé un nombre impressionnant de notes et de dessins. Il est remarquable dans l'étude anatomique (et, plus spécifiquement, dans celle des nerfs et aussi de l'optique) et chaque trouvaille mécanique se change en un dessin d'une grande beauté. S'il n'a pas été un génie universel (c'est déjà l'époque où il commence à être difficile pour un seul homme d'embrasser toutes les connaissances de son époque), il a tout de même eut une assez grande curiosité et une intelligence assez peu commune pour être considéré comme un authentique esprit scientifique. Il a aussi tenté de lier science et art comme, entre autre, dans son Homme vitruvien, où il produit une nouvelle image de l'homme, qui est considéré comme le summum de la pensée de la Renaissance italienne. Il est clair que Michel-Ange, instruit par les Médicis, pouvait embrasser plus de domaines, comme la sculpture, l'architecture militaire et la poésie, où il a excellé. Mais il reste le fait que c'est Léonard dont la mémoire a prévalu dans cette perspective. Ce livre fournit une introduction très bien faite, qui va au-delà de la pure et simple vulgarisation. C'est sans doute là l'une des meilleures façon d'aller découvrir le grand oeuvre de cet être si complexe, qui avait si souvent l'habitude de ne pas terminer de grandes réalisations !




Niki De Saint-Phalle, « l'ombre et la lumière », Pôle Art moderne et contemporain de la mairie de Cannes / Editions in fine, 144 p., 25 euro.

Il est arrivé à Niki de Saint-Phalle (1930-2002) ce qui arrive souvent à des artistes internationalement connus : on ne connaît en général qu'une partie de son oeuvre et, dans son cas, il s'agit des « Nanas », qu'elle commence à réaliser à partir de la fin des années 1978. C'est dommage car ces sculptures et les dessins qui l'accompagnent sont sans la part la plus spectaculaire de tout ce qu'elle a pu faire, mais pas la plus intéressante. L'aspect ludique (qui associe l'infantile et l'art des fous) est ici prédominant, mais c'est aussi la transformation d'un projet artistique en quelque chose qui se rapproche du Luna Park. Cette exposition cannoise et le beau catalogue qui l'accompagne nous fournissent une idée qui n'est pas exhaustive de toute l'entreprise artistique de l'auteur, mais assez néanmoins pour qu'on se fasse une idée certainement globale pour en tirer une impression assez convaincante. Un autre versant de sa recherche a été remarqué parce qu'il frappe les esprits : il s'agit de la période du début des années 60 ?
Quand elle fait partie du groupe des Nouveaux Réalistes (c'est la seule femme de ce petit cénacle) créé par Pierre Restany, elle a eu l'idée de faire des compositions qu'elle a criblé de balles de fusil. Cela l'a placée à mi-chemin entre l'art d'atelier et la performance. Mais, à mes yeux, la partie la plus intéressante de tout ce qu'elle a pu entreprendre est le début, quand elle a fait des collages/assemblages le support ayant une forme irrégulières et les objets ne sont pas peints, mais insérés avec la plus grande fantaisie dans le support qui présente de nombreuses variations chromatiques. Elle a commencé ce travail à la fin des années 50 et a révélé alors une capacité d'utiliser le langage dadaïste en le développant et donc en le renouvelant. Il y a de nombreux exemple de cette période mal connue dans ce volume et c'est raiment ce qui peut mettre en valeur sa créativité foncière. Niki de Saint-Phalle mérite vraiment d'être redécouverte et ces pages nous donne la possibilité de commencer cette investigation rétrospective qui prouve qu'elle a été une artiste de valeur.




Germaine Richier la magicienne, musée Picasso, Antibes / muséum Beelden aan Zee, La Haye / Hazan, 144 p., 29,95 euro.

Bien qu'elle ait été l'inspiratrice de César à ses débuts, Germaine Richier (1902-1959) est encore trop mal connue du public. Elle est entrée à l'Ecole supérieure des Beaux-arts de Montpellier ou elle a étudié la sculpture en taille directe. A l'époque, elle réalise surtout des bustes. Elle reçoit le premier prix de sculpture avec une oeuvre baptisée Jeunesse (détruite par la suite). Elle entre en 1926 dans l'atelier d'Antoine Bourdelle où elle reste trois ans. Elle y travaille également la pierre et le bois. Elle épouse en 1929 le sculpteur Otto Bänninger. Sa première exposition personnelle a lieu en 1934 dans la galerie parisienne de Max Kaganovitch. Trois années passent et elle exposée au musée du Jeu de Paume au sein de l'exposition « Femmes artistes d'Europe » où elle présente un grand nu d'homme en bronze patiné, Loretto. En 1937, elle montre une oeuvre baptisée Méditerranée dans le pavillon du Languedoc Méditerranée qui lui vaut une médaille d'honneur. Elle reçoit des élèves dans son atelier et les emmène voyager avec elle, en particulier en Tchécoslovaquie. Elle participe en 1930 l'Exposition universelle de New York. Elle fréquente les cafés de Montparnasse, où elle retrouve ses amis, dont Alberto Giacometti. Quand la guerre éclate, elle s'installe à Zurich. C'est alors qu'elle commence à expérimenter le déséquilibre dans sa statuaire. Le Crapaud est la première oeuvre où elle utilise un nouveau mode de composition fondé sur des relations non classique du traitement formel du sujet. Cet ouvrage est suivi par La Chauve-souris et L'Araignée. Elle se lie alors avec le sculpteur italien Marino Marini et avec Jean Arp. Elle ne délaisse cependant pas la figure humaine. Elle n'en continue pas moins à en faire, et réalise L'Homme qui marche. Très souvent, elle finit par aboutir à des métamorphoses dignes d'Ovide, comme L'Homme-forêt (1945) ou La Mante, grande de 1946. L'Araignée I, de cette même année montre jusqu'où elle compte aller dans la direction de la perte d'équilibre et aussi de la transformation d'un insecte en un être humain. Elle n'a pas le caractère expérimental, mais cherche à savoir quels sont les confins de son langage plastique. C'est encore le cas dans sa superbe Figure dans l'espace (1954). Avec La Tauromachie (1953) elle montre aussi qu'elle a toujours poursuivit la création de scènes mettant à nu le physique des êtres dans une relation mythique et existentialiste. Ce qui est précieux de découvrir dans ce beau catalogue, ce sont les nombreux dessins où elle révèle qu'elle n'a pas quitté le domaine classique, mais aussi qu'elle est sans cesse en quête d'un au-delà la portant à imaginer des volumes « décalés » et un peu monstrueux. Il est essentiel de la redécouvrir et de constater qu'elle est allée dans une direction parallèle à celle de Giacometti, avec de grandes différentes et quelques similitudes révélatrices d'un certain état d'esprit et d'une audace remarquable.




Mondrian figuratif, Hans Janssen, Wietse Coppes & Leo Jansen, Hazan/ Musée Marmottan-Monet, 168 p., 29 euro.

Ce catalogue est assez précieux car il nous présente un aspect assez mal connu de l'oeuvre de Piet Mondrian (1872-1944) : celle de ses débuts. Pour ceux qui ne connaissent que ses tableaux géométriques avec les trois couleurs primaires seront surpris de découvrir des ouvrages figuratifs. Son Autoportrait de 1918 est déjà révélateur : il est très réaliste avec une toute petite pointe de modernité dans le rendu de la chair, du tissu, du fond, des couleurs, mais rien encore de très radical surtout quand on pense à l'époque. Ses paysages et ses pâturages du début des années 1900 sont plus proches de l'école de Barbizon que de l'impressionnisme, même si l'on dénote une manualité indéniable et même une singularité dans le rendu. Quand il peint des arbres, il les montre souvent à côté de fermes, dont la géométrie est bien campée. On s'aperçoit aussi qu'il n'est jamais statique dans sa peinture : parfois il cultive une sorte de flou brumeux comme dans les Arbres au bord de l'eau (1907) - c'est une merveille de sensibilité - ou il tend à une relative monochromie dans Paysage du soir peint la même année. En revanche avec Moulin dans le crépuscule (1907-1908), il joue sur des contrastes bien tranchés entre les différentes couleurs (bleu, vert, jaune, violet, etc.). Toutes les toiles de cette période sont remarquables. Mais elles sont loin des créations de l'avant-garde, quelque soit la forme qu'elle a prise. Les Autoportraits de 1908, en noir et blanc, prouvent qu'il commence à être sensible à l'expressionnisme, encore avec une certaine réserve. Ce n'est qu'à partir des paysages de 1909 qu'il franchit le pas : ils sont quasiment abstraits et le jeu chromatique est beaucoup plus contrasté et imaginaire. Il se rapproche un peu de l'esprit d'Edward Munch, mais dans une optique plus lumineuse. Puis avec les architectures, il ne fait qu'accentuer sa volonté de briser avec les codes précédents de l'art pictural : le Phare à Westkapelle (1909), il met en relation un bleu clair et un rose pour le bâtiment, les touches étant bien marquées. On se rend compte que sa recherche se fait de plus en plus prégnante. Le Moulin de 1911 est plus géométrique et le rapport entre les rouges et les bleus sont associés à un dépouillement et à une simplification extrême des formes et des plans. Quant au Portrait d'une dame (1911), il adopte une construction de caractère cubiste avec du noir, du gris et un blanc impur. Le Paysage de 1912 est fondamental dans cette progression car il y a inscrit des éléments géométriques sur toute sa surface. Quand à l'Arbre gris de la cette même année, il fait partie d'une série souvent présentée dans son ensemble dans les expositions qui lui sont consacrées car le même sujet traité chaque fois de diverses façons, met en scène son évolution d'une forme figurative à une forme géométrique annonciatrice de son oeuvre future. La Composition : arbre 2 (1912-1913) est quasiment l'aboutissement de ce cheminement vers l'abstraction. Puis la Composition n° 4 fait voir des carreaux recouvrant un assemblage de formes polychromes sans aucun sujet perceptible. Cette dernière étape se distingue par toutes sortes d'expériences avec des formes anguleuses. Cela dit, entre 1916 et 1917, il revient au réalisme avec l'admirable Moulin à vent le soirqui est traduit avec un minimum de couleurs. Il le décline d'ailleurs avec des gammes chromatiques différentes, comme Claude Monet l'avait fait pour sa Cathédrale de Rouen. En 1919, il semble avoir fait un choix décisif et définitif avec sa Composition avec gille 8 : composition en damier aux couleurs foncées. Mais il lui faut encore du temps pour parvenir à une oeuvre reflétant l'idéal du néoplasticisme : il s'agit ici de la Composition avec grand plan rouge, jaune, noir, griset bleu de 1921. Ce que l'exposition ne montre pas, ce sont ses créations de nature symboliste. Mais, dans l'ensemble, le spectateur a la possibilité de faire connaissance avec un peintre doué qui s'est appliqué à se trouver à travers de multiples expériences. L'ensemble d'oeuvres présentées dans ce volume raconte une histoire faite de lenteur et de méticulosité, d'élans novateurs et de retours en arrières provisoires. Il est indispensable pour connaître qui a été vraiment Piet Mondrian.




Cibles, Jean-Pierre Raynaud, Laurent Le Bon, photographies de Philippe Chancel, Editions du Regard, 74 p., 25 euro.

J'ai toujours été un peu déconcerté par le succès de Jean-Pierre Raynaud (né en 1939), qui, à partir de 1968, a été salué par la critique et le monde de l'art en général pour ses Pots (l'un d'eux, gigantesque, monté sur un socle immense, a longtemps trôné devant l'entrée du Centre Pompidou. Il a produit cette oeuvre en différentes tailles et l'une d'elles a été couverte d'or et a été exposée à Pékin, puis installée à Nice en 2018. Sa maison-blockhaus, avec une seule fenêtre, entièrement faite de carrelage blanc, a elle aussi été admirée. Sa destruction en 1993 suivi de la vente des gravats (sans doute l'un des événements les plus curieux de l'art contemporain) peut susciter bien des interrogations. Le fameux Mastaba 1 (1986) de La Garenne-Colombes comportait un jardin avec un grand pot rouge au fond d'un espace orné d'arbustes. Cela m'a paru l'entreprise d'un décorateur plus que d'un artiste. Vous me direz que c'est cette ambiguïté qu'il a voulu cultiver et porter à ses conséquences extrêmes. Sa biographie montre à quel point sa recette a convaincu le plus grand nombre des acteurs de l'art de ces dernières décennies. Mais je ne discuterai pas ses alignements de pots de peintures et ses Drapeaux. Je vais me contenter d'examiner les Cibles, travaux récents qui marquent une nouvelle étape dans sa trajectoire. Il s'agit de panneaux routiers, des sens interdits qui ont été couverts de signes noirs de toutes sortes. Leurs formes varient chaque fois et reproduit souvent des graphies connues. Jean-Pierre Raynaud a choisi la simplicité la plus totale, non seulement dans la forme circulaire toujours identique, et le dessin noir qui paraît en modifier la signification du signal qui perd sa fonction initiale. Il obtient des objets ayant un impact indéniable parce que, justement, il joue sans cesse sur le contraste entre un objet urbain connu de tous, banal, et ce « détournement » dû à son intervention intempestive, mais calculée avec le plus grand soin. Il y a chez lui, selon moi, une sorte de corruption sophistiquée et habile des codes esthétiques modernes. L'art est pour lui un moyen d'exprimer sa différence et de parvenir à produire des oeuvres qui sont manufacturées et puis légèrement retouchées. On pourrait même dire qu'il a prolongé ce qu'Andy Warhol a fait en s'emparant d'emballages de produits de consommation courante en les agrandissant. Il l'a fait dans une optique différente, mais je ne peux m'empêcher de faire ce rapprochement. Qui ne connaît pas ses réalisations doit absolument consulter ce bel album, bien présenté et introduit.




Cinématisse, Claudie Gramont & Dominique Païni, Editions in fine, 128 p., 25 euro.

Je dois avouer que j'ai été désagréablement surpris par le titre de ce catalogue, qui accompagne une exposition présentée en ce moment au Musée Matisse de Nice. Mais dès que j'ai commencé à le feuilleter, j'ai compris que ce titre qui aurait pu convenir à ces nombreux ouvrages plus ou moins ludiques qui pullulent désormais avait sa raison d'être. Et puis, en le lisant, je me suis rendu compte que c'était une étude très sérieuse et passionnante des relations qu'avait pu avoir le grand peintre avec le septième art. On se rend compte à quel point Henri Matisse a été inspiré et par la photographie et par le cinéma. Dominique Païni, qui a été directeur de la Cinémathèque, explique qu'il a été un véritable cinéphile et que, très tôt, cette passion l'a amené à traduire dans ses ouvrages peints ou sculptés des impressions fortes qui avaient laissé une empreinte forte dans sa mémoire. Il est difficile de dire si l'artiste s'est véritablement inspiré d'un des films documentaires des frères Lumière montrant un aquarium pour peindre ses célèbres Poissons rouges. Mais il est certain qu'il a été profondément intéressé par le mouvement et il l'a traduit en peinture ou encore, comme le souligne Païni, dans la suite Jazz, faite à partir de collages de collages de papier de couleur et reproduits au pochoir. Il nous rappelle les trente-deux portraits de Jean Cocteau exécutés en 1924 pour accompagner Le Mystère de Jean l'oiseleur. Sans doute Jazz, comme l'a écrit Matisse, est une série de compositions suggérées par le cirque, les contes populaires et même de ses voyages. Le jazz lui a fondamentalement donné l'envie de « ces images aux timbres vifs et violents ». Et l'auteur insiste sur le fait que Matisse a rencontré le grand cinéaste Murnau à Tahiti en 1930. Son film Tabou aurait beaucoup compté pour son iconographie lorsqu'il se trouvait au beau milieu de l'océan Pacifique. Isabelle Monod-Fontaine a étudié une période précise de sa vie, entre 1918 et 1928, et trouve une corrélation entre le film de Charles Burget et René Le Somptier, La Sultane de l'amour (1919) et son Odalisque à la culotte en satin rouge (1924). Il aurait aussi été subjugué par la comédienne Henriette Darricarrère. Conjectures, me direz-vous. Sans doute. Mais l'agenda de Matisse prouve bien qu'il allait voir de nombreux films. Quant à Claudine Grammont, elle fait valoir qu'il était aussi intéressé par l'envers du décor, comme les plateaux de cinéma. Elle démontre à quel point il a suivi de près l'actualité cinématographique. Quand il a réalisé la grande composition murale de La Danse (plus de treize mètres de long !) au début des années trente, il a déclaré à Gaston Diehl : «  Ainsi pendant trois ans, j'avais dû reconcevoir constamment mon oeuvre comme un metteur en scène. Quand je travaille, c'est vraiment une sorte de cinéma perpétuel. ». Elle nous rappelle que les délicieux portraits sur fond rouge d'André Rouveyre et de Guillaume Apollinaire de 1952 sont directement issu de photogrammes représentant les deux amis réalisés en 1914. A propos des Thèmes et variations, Matisse a écrit en 1944 : « C'est ce que j'appelle le cinéma de ma sensibilité. » Ce sont bien des déclinaisons graphiques qui rappellent les images qui se succèdent sur la pellicule d'un film. Et cela se vérifie aussi dans la série de Jackie en 1947. Et cela se confirme encore dans les papiers gouachés découpés des Abeilles (1948), qui évoque la Multiplication d'un photogramme d'une bande stéréoscopique de Lucien Bull (1904-1905). Malgré la bibliographie considérable (pléthorique !) sur la vie et l'oeuvre de Matisse, ce catalogue est une merveille pour découvrir son travail d'une façon tout à fait inédite, conduisant à une vision inattendue de toute son existence d'artiste. Indispensable !




Toulouse-Lautrec. La perte et le don, Pascal Amel, Editions du Regard, 136 p., 19 euro.

Il existe de nombreuses biographies d'Henri de Toulouse-Lautrec, et certaines sont excellentes. A moins d'une découverte sensationnelle, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de choses à ajouter beaucoup de choses. Avant de parler de ce nouvelle ouvrage sur cet immense artiste, je dois dire que je n'aime pas beaucoup les biographies romancées, à moins qu'il s'agisse de personnages historiques de périodes lointaines dont on possède bien peu de documents ou encore quand l'histoire se transforme en pur imaginaire, comme c'est le cas dans les romans d'Alexandre Dumas. Cela étant précisé, le livre de Pascal Amel est assurément un cas à part. Il utilise bien une forme romanesque, mais tout ce qu'il dit de Toulouse-Lautrec est fondé et, pour ce que je peux en savoir, ne trahit pas le personnage ou son oeuvre. Après tout ? Stefan Zweig l'a bien fait quand il a parlé de Marie-Antoinette ou d'autres figures illustres du passé. Zweig a voulu faire des portraits ne reposant que sur des faits que sur des faits avérés, en utilisant une forme narrative des plus plaisantes. Dans un autre esprit Pascal Amel s'est engagé dans une entreprise assez comparable en essayant de rendre l'esprit qui a animé cet être peu favorisé par la nature et qui a mené une vie misérable malgré sa noblesse et son talent. L'auteur a très bien su décrire le contexte de la période où il a vécu et l'a fait avec beaucoup d'habilitée et sans entrer dans des détails ennuyeux et inutiles. Il a aussi tenté de comprendre de quelle manière le peintre a pu percevoir cette Belle Epoque avec un regard ironique et perçant, mais dénué de méchanceté. On notera à ce sujet que ses portraits, même dans ses grandes affiches pour des vedettes ou pour des lieux montmartrois à la mode, étaient proches de la caricature. Mais un mode de caricature qui mettait néanmoins en relief la singularité de ces figures et leur humanité profonde. Il est curieux de noter qu'il a représenté les femmes des maisons closes, telle qu'elles étaient, sans complaisance, mais sans non plus les juger. Il possédait un sens du réalisme très aigu, qui se doublait cependant d'une capacité de tendre à une abstraction de ses modèles. On ne saurait le rattacher à aucun mouvement qui l'a précédé ni à aucun autre artiste de son temps. Mais il n'en était pas mois moderne, ayant su voir Manet, les impressionnistes et aussi ceux qui les ont suivi. Il est en réalité inclassable dans cette perspective, mais son langage graphique n'en est pas moins d'une incontestable modernité, qu'on lui a assez vite reconnue. Pascal Amel a su pénétrer avec une grande sensibilité et aussi avec une profonde empathie pour ses créations le sens de sa démarche esthétique. Je ferai donc une exception pour cette drôle de biographie, à la fois savante et grinçante, capable de faire toucher du doigt l'essence d'une oeuvre et la hauteur de vue de cet homme qui a dû vivre en spectateur infirme de ce monde tourbillonnant où il évoluait, celui des lieux de plaisir, des cabarets et du cirque. Il incarne désormais le Montmartre de ce temps là et c'est ainsi que l'auteur nous le faire redécouvrir.
Gérard-Georges Lemaire
10-10-2019
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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Christophe Cartier au Musée Paul Delouvrier
du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
Auteurs: Estelle Pagès et Jean-Luc Chalumeau


Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com