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[verso-hebdo]
24-10-2019
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Sur David et La Mort de Marat |
La Mort de Marat est sans conteste l'un des plus grands chefs d'oeuvre de David, que je ne manque jamais d'aller revoir quand je passe à Bruxelles. Le tableau avait naturellement été prêté au Louvre pour la grande exposition de 1989. J'avais lu avec intérêt, dans le catalogue sous la plume du commissaire Antoine Schnapper, que le peintre s'était inspiré de la Mise au tombeau du Caravage (musée du Vatican) pour traduire le pathétique bras droit de Marat pendant hors de la baignoire, ce qui contribuait à faire du tribun populaire assassiné une figure christique, un saint laïc. Cela correspondait bien à la pensée de David, admirateur passionné de l'Ami du peuple qu'il parvint à faire entrer au Panthéon. Or l'interprétation du catalogue était erronée : on le découvre en visitant la passionnante exposition du cabinet des dessins Jean Bonna de l'école des Beaux-Arts de Paris (jusqu'au 12 janvier 2020). Cette exposition, dont le commissariat est assuré par Emmanuelle Brugerolles sous le titre « Poussin, Géricault, Carpeaux... à l'Ecole de l'Antique ».
Malgré le titre de l'exposition qui ne le mentionne pas, c'est bien David le principal intérêt avec un dessin à la pierre noire, encre de Chine, pinceau et lavis d'encre de Chine qui a été acquis par l'Association du Cabinet des amateurs de dessins de l'Ecole des Beaux-Arts en avril 2019. David l'a exécuté en 1777 à Rome, chez le peintre Raphaël Mengs qui possédait dans sa collection un moulage d'une copie romaine d'un original hellénistique du IIIer siècle av. J.C. : Ménélas portant le corps de Patrocle (Florence, Loggia dei Lanzi). Ce groupe sculpté avait suscité l'admiration de Michel-Ange et du Bernin. L'une des copies romaines, installée à Florence, avait attiré l'attention de Montesquieu qui avait noté avoir « vu, dans une place, un soldat qui soutient son camarade mort, et qui en est presque entraîné. Statue admirable ! Les membres du soldat mort ne se soutiennent, et semblent tomber. » Cette statue remarquable que David dessina correspond à un passage d'Homère dans l'Illiade qui évoque Ménélas « relevant le corps de Patrocle après qu'il eut été mortellement blessé par Hector. » Au moment où il dessine, David qui a obtenu le Prix de Rome à l'hiver 1774, est à la recherche d'une manière nouvelle de peindre, il veut se débarrasser des méthodes académiques de son temps (il hait l'Académie où ne se trouvent que des « demi-talents »).
Pour traiter son modèle, il choisit un angle qui souligne l'affaissement tragique du guerrier. Il va le reprendre deux ans plus tard dans son tableau Les Funérailles de Patrocle en 1779, (National Gallery of Ireland, Dublin) et il s'en souviendra quand il lui faudra faire La Mort de Marat, commande populaire formulée à la Convention dont il était membre en 1793. Il se trouve qu'il avait vu le cadavre de Marat presque aussitôt après le drame : la trouvaille du bras pendant légèrement ployé (la main tient encore la plume avec laquelle Marat était en train d'écrire au moment où survint Charlotte Corday) provient à l'évidence de son superbe dessin romain. Le guerrier venait de mourir : son corps était encore chaud, comme celui de Marat vu par David. Il est donc impossible que le peintre ait songé, même s'il l'avait effectivement vu, au cadavre froid et raidi du Christ interprété par le Caravage dans le célèbre tableau du Vatican. Le bras de Marat, qui « semble tomber » est bien le même que celui de Patrocle. Voilà une occasion d'apporter une petite correction au beau catalogue de 1989 tout en comprenant mieux l'effort intense de David pour s'éloigner de l'académisme tout en restant absolument fidèle aux merveilles de l'art antique.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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