Vies silencieuses, Yves Gerbal & Bernard Muntanier, Musée Regards de Provence, 158 p., 35 euro.
Les natures mortes existent dans la peinture depuis l'antiquité classique. Dans jeunesse le Caravage en a faite une qui s'inspire de ces oeuvres disparues sans aucun doute à travers des descriptions qui ont été faites alors. Ce genre s'est développé surtout en Hollande, je n'apprends rien à personne. Et, en France, c'est Chardin qui lui a donné ses lettres de noblesse. L'exposition que présente le Musée Regards de Provence (qui est un musée privé) nous fait voyager dans ce monde souvent singulier, parfois étrange, de ces natures mortes du XVIIe siècle hollandais au XXe siècle français, avec malheureusement peu de choses du XVIIIe et du XIXe siècle, période si riches dans ce domaine. Bien sûr, il ne faut s'attendre à découvrir des pièces maîtresses, mais le curieux peut découvrir de petites pépites, comme ces Orfèvreries de Meiffrein Comte (1630-1705) ou l'Allégorie des quatre éléments de Johan Kessel (XVIIe s.). Il a aussi l'opportunité de faire connaissance avec Jean-Baptiste Olive (1848-1936), peintre marseillais qui a peint le port de sa ville natale et ses plages, mais s'est révélé excellent d'art de donner une vie intense aux choses. Il n'est que de voir Verres, coupes et coupelles de fruits. Il savait très bien mélanger l'ancien et le moderne dans ce genre de compositions. Egalement à ne pas négliger Raymond Allègre 51857-1933). Pour parler d'artistes plus proches de nous, il faut s'arrêter pour contempler la Nature morte au lapin de jean Hélion, le charmant tableau d'Othon Friez (Coin bibliothèque dans un atelier) et le Bouquet de roses de Félix Ziem. D'autres auteur moins connus nous enchantent parfois comme Inguiberty (1896-1971). Quant aux contemporains, on remarque la solide ocmposition de Serge Plagnol, l'horrible Combas et l'installation d'Abdelouahah. Le Per ornamento de Georges Autard est une belle toile et les Tables et chaises de Pierre Reofimoff sont plaisantes. Je ne dirai rien des travaux d'Arman, qui ne me semble pas à la hauteur. En revanche, les toiles du jeune Kowaczyk, presque abstraites, sont séduisantes. Enfin, les photographies en noir et blanc de Jean-Pierre Sudre ne sont pas à dédaigner, car c'est un jeu formel divertissant sur les arrangements d'objets du temps jadis.
Artisti visti da un artista, Nino Lo Duca, Arte e fotografia, 286 p., 150 euro.
Milan n'a pas été avare de grands photographes dans l'après-guerre. Ce qui distingue Nino Lo Cascio de ses illustres collègues est de ne pas se contenter de faire des portraits d'artistes, mais de montrer les lieux où ils vivent, où ils travaillent) être regardé à la fois comme une autobiographie et comme une petite encyclopédie de l'art de près d'un demi-siècle. Ses premiers modèles, dans l'ouvrage, sont des figures désormais emblématiques : Salvador Dalì, Joseph Beuys, Andy Warhol, Wifredo Lam. On rencontre aussi de grandes figures disparues comme Giulio Turcato (injustement méconnu en France alors que c'est un des plus grands peintres abstraits de cette période), Emilio Vedova, Piero Dorazio, Enrico Baj, Mimmo Rotella, Giuseppe Santomaso, Luigi Veronesi. Et l'on fait connaissance avec le meilleur de la création italienne contemporaine avec Mimmo Paladino, Umberto Marini, Michelangelo Pistoletto, Enrico Castellani, Lucio Del Pezzo, et tant d'autres. Et pour qu'on ne se retrouve pas devant une collection ennuyeuse d'effigies, il a introduit d'autres figures du monde de l'art, des galeristes, des critiques, des éditeurs, des journalistes, par exemple Giorgio Marconi, Frederico Zeri, Guido Ballo, Vanni Scheiwiller, Roberto Sanesi, Rossana Bossaglia. En sorte que ce gros album se change en une sorte de parcours dans l'univers de l'art, dans le monde qui a pour épicentre la capitale lombarde. Ce qu'il a entrepris de faire nous offre la possibilité d émettre un visage sur des noms renvoyant à des oeuvres vues dans un musée, dans une foire, mais aussi de pénétrer dans des lieux qui ne sont réservés qu'aux initiés. Ses clichés vont du simple reportage à la pose la plus sophistiquée. Nino Lo Cascio, qui est lui-même artiste, ne s'impose pas de règles et n'est pas un formaliste. Il recherche la vie, qu'il veut préserver dans sa chambre obscure et nous la révéler même si elle n'est plus. En sorte que nous avons ici une documentation exceptionnelle sur un milieu qui est d'abord celui de la capitale économique de l'Italie. Cette dernière est réputée n'avoir plus donné grand chose à l'art d'aujourd'hui depuis les temps de Lucio Fontana et de Piero Manzoni. C'est vrai, elle n'a plus été un centre au sens strict du terme. Mais elle a abrité ce microcosme si vivant et riche de diversité dans les options formelles. A côté de géants, il a placé des peintres et des sculpteurs qui n'ont pas eu de carrière internationale, mais qui ont une authentique qualité dans leurs recherches. Et puis ils constituent cet univers qui a été dominé longtemps par les architectes et les designers. Quiconque veut connaître la vie artistique des années 70 à nos jours doit posséder cet album.
Les Années Godot, Lettres II, 1941-1956, Samuel Beckett, édition établie par G. Graig, M. Dow Fehsenfeld, D. Gunn & L. Overbeck, traduit de l'anglais par André Topia, Gallimard, 768 p., 54 euro.
En lisant ces lettres de Beckett, il m'est revenu en mémoire la première grande biographie écrite à son sujet. Cela remonte à bien des années ! La première partie était passionnante, et la seconde assez ennuyeuse, car l'écrivain irlandais ne faisait plus que d'aller d'une salle de théâtre à une autre, d'une maison d'édition à une suivante dans tous les pays imaginables. On retrouve à peu près le même scénario ici, à part quelques lettres amicales comme celles adressées à Georges Duthuit. Les missives personnelles et amicales sont très rares, et diminuent encore au fil des années. On se rend compte à quel point Beckett était minutieux, exigeant, parfois intransigeant. Sa connaissance des langues lui permettait de juger de nombreuses traductions faites à l'étranger. Pendant la guerre, alors que le monde est entrainé dans la spirale de l'horreur, l'écrivain n'envoie plus de courrier. Il se contente de télégrammes à sa famille et de régler des questions administratives avec le gouvernement de Vichy. Sa vie sociale d'homme de lettres ne reprend vraiment qu'en mai 1945, après la Libération de Paris. Lorsqu'il écrit sa première lettre, il est d'ailleurs à Dublin, capitale d'un pays neutre ! Elle est adressée à Mr. Ragg, responsable de la maison d'édition Routledge & Co. Il a donc attendu la capitulation de l'Allemagne pour reprendre ses activités littéraires. Cet éditeur qui avait publié Murphy refuse Watt.Beckett rentre en France avec la Croix Rouge irlandaise et travaille pour cette organisation en Normandie. Il cherche aussi un moyen de vivre et postule à un poste de journaliste. En somme, il s'organise pour vivre en France. Et commence aussi sa longue marche pour faire paraître son dernier livre. Les Temps modernes publient la première partie de sa nouvelle « Suite », mais pas la seconde. Il écrit une longue missive à Simone de Beauvoir pour exprimer son incompréhension. En fin de compte, il va publier dans cette revue une autre nouvelle (« L'Expulsé »), et trois poèmes. Les rares lettres envoyées à ses amis nous permettent de nous faire une idée du genre d'homme qu'était Beckett, à la fois secret (ceux qui le rencontrent sont frappés par son mutisme) et très ouvert sur les choses les plus ordinaires de la vie et quelques fois animé par un humour pince sans rire. On découvre ainsi un personnage largement paradoxal. Ce volume est par conséquent une source fascinante pour comprendre mieux cet homme si particulier, dont l'oeuvre allait si rapidement transformer la culture littéraire de l'après-guerre surtout en France au début. Aucun passionné de cet écrivain si fuyant, si atypique, qui finit par recevoir le prix Nobel en 1969, ne saurait se dispenser de lire ses lettres qui représentent un excellent moyen de le découvrir au-delà de la légende.
Lumières du Moyen Age, Maïmonide philosophe, Pierre Bouretz, « nrf essais », Gallimard, 960 p., 34 euro.
C'est un livre savant, austère, au début un peu rébarbatif. Les premières pages ne sont pas engageantes. Mais bientôt l'étude se révèle fascinante. L'auteur est en effet capable de résumer la situation delà philosophie avant que n'arrive Maïmonide en expliquant d'abord ce qui fait la spécificité de la philosophie du penseur kazakhe Al Fârâbî (872-950), qu'on a appelé en Occident Alpharabius, qui a su trouver des ponts entre Platon et Aristote et qui peut surprendre, quand on pense à l'époque où il a vécu, sur sa vision des relations entre la philosophie et la politique. Il remet à sa place véritable ce grand précurseur d'Averroès et de Maïmonide et montre la vitalité incroyable de la spéculation philosophique dans le monde musulman peu avant la première croisade. Maïmonide peut sembler un peu en retrait par rapport à cet esprit éclairé et ouvert. Cette comparaison est faite dans un but bien précis : montrer que Maïmonide ne s'adresse pas à un cercle de philosophes restreint, et imagine une philosophie ouverte à tous. En ce sens, il se distingue de ses grands prédécesseurs, Averroès ou Avicenne. Grand médecin, qui a laissé une trace profonde dans sa discipline, c'est néanmoins en tant de rabbin et guide spirituel des Juifs d'Egypte (Il avait dû fuir Cordoue, sa ville natale, trouver refuge à Fès, où il a été professeur à l'université, et puis de nouveau s'enfuir d'abord en Palestine). Son oeuvre est essentiellement une refondation en profondeur de la religion hébraïque. Il a écrit le Guide des égarés (1190), où il parle de ceux qui ont dû se convertir plus ou moins contraints ou forcés. Il a ensuite introduit des éléments de la philosophie aristotélicienne dans la pensée juive et a plaidé en faveur de la vérité scientifique. Son oeuvre la plus importante est la Misché Torah (circa 1187) et a écrit sur des arguments divers sur l'astrologie, l'éthique, la logique, la résurrection et les persécutions. On lui a donné le surnom de Second Moïse, parce qu'il a voulu rétablir le sens et le poids des Lois et empêcher tout retour à l'anthropomorphisme des représentations. Il affirme que ce déclin de la pensée religieuse juive est dû à la diaspora, à la dispersion des communautés dans le monde. Son enseignement à influence Spinoza et Moïse Mendelsshon, mais aussi Thomas d'Aquin, qui l'a surnommé L' « Aigle de la synagogue ». Soucieux de protéger la tradition, mais également ouvert aux aspects les plus modernes de la culture de son temps (surtout arabe, il faut le souligner), son influence s'étend jusqu'à nos jour - Emmanuel Lévinas a écrit à son propos en 1935 (A propos de Maïmonide). Cet ouvrage n'est pas destiné au néophyte. Il est complexe et sa construction n'est pas faite pour facilité la compréhension des questions traitées. Mais c'est un ouvrage de référence pour qui veut sortir la philosophie du Moyen Age de préjugés réducteurs et comprendre les interférences entre les cultures juives, arabes et chrétiennes.
Ecrits de jeunesse, Walt Whitman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) et postfacé par Pauline Choay-Lescar, Actes Sud, 160 p., 16 euro.
Le grand poète américain Walt Whitman (1819-1892), auteur de Feuilles d'herbe, est regardé comme l'un de pères pèlerins de la grande poésie américaine. Il est sans doute le nouveau messie qu'appelait de ses voeux son illustre précurseur Ralph Waldo Emerson. Après de brèves études, le jeune Whitman a été ouvrier typographe, d'abord à Long Island, et puis à New York. Et il a commencé très tôt une carrière de journaliste. En même temps, il publie des nouvelles dans certains périodiques au début des années 1840. Ce sont ces histoires qui sont réunies ici et, qui, de son vivant, avaient été associées à ses mémoires. Ce ne sont pas des chefs d'oeuvre, mais elles nous donnent de précieuses indications sur ses inclinations précoces. Celle-ci par exemple : son penchant morbide. D. H. Lawrence l'a surnommé « le poète de la mort ». Et rien n'est plus vrai dans ces nouvelles : dans la première un jeune élève est frappé à mort par son instituteur à la faveur d'une correction, un jeune homme est tué par sa jument lors d'un orage, sans oublier « Fleurs de tombes », qui est le comble de cette fascination bien ancré pour ces sujets qui glacent le sang. La dernière d'entre elles, écrite en 1845, « le Garçon amoureux », est également composée dans cette perspective. Quoi qu'il en soit, Whitman n'a pas persévéré dans cette voie au-delà de 1855, date de la publication de Leaves of Grass. Il a écrit une vingtaine de nouvelles et n'a repris que quelques unes d'entre elles (les premières que nous trouvons ici) pour ses souvenirs. Ce petit recueil est précieux pour mieux connaître ce grand Américain, qui reste une source d'inspiration. La longue et brillante préface de la traductrice nous aide beaucoup à comprendre quel genre d'homme il a été dans sa jeunesse et de quelle façon il a pu aborder sa carrière d'auteur.
Correspondance Paul Cela René Char, 1954-1968, édition établie et présentée par Bertrand Badiou, Gallimard, 336 p., 28 euro.
Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord ace M. Bertrand Badiou : je en vois pas la grande communauté d'esprit entre la poésie de René Char et celle de Paul Celan. D'ailleurs leur échange épistolaire ne se base pas sur l'admiration que Celan porte à Char, mais sur une recommandation que lui avait faite un de ses amis qui désirait faire connaître ce dernier en Allemagne (de son côté, char avait déjà eu connaissance des oeuvre de son interlocuteur). Ensuite la condition des Juifs en Europe orientale (en particulier en Roumanie, qui avait tenté en vain de vendre ses Juifs avant de les massacrer) n'est pas la même que celle d'un résistant français qui fait le choix de la clandestinité (de ce point de vue, char est absolument irréprochable). Sans doute de se retrouver avec la responsabilité d'établir cette correspondance l'a conduit à ces parallélismes un peu déplacés ; mais l'important reste qu'il a fait un excellent travail. Ces lettres peuvent sembler étranges et un peu fantomatiques car il nous manque le vécu de leurs relations. Toutes ces les lettres démontrent que Char s'intéresse à son interlocuteur et que Celan tente de faire valoir son oeuvre à son nouvel ami. Mais l'un et l'autre ne se montrent pas très réguliers dans leurs réponses et les choses demeurent parfois en suspens. Evidemment, le plus grave commence à partir de 1962, quand Celan commence à manifester un sentiment paranoïaque de persécution, d'abord de la part de ses confrères allemands (surtout les jeunes poètes), tout cela parce que la veuve d'Yvan Goll (écrivain expressionniste né à Metz quand la ville était allemande et décédé en 1950) l'a accusé d'avoir plagié son mari. L'affaire s'est prolongé dans le temps et a fait beaucoup de bruit. L'auteur de Totendanz en a été profondément affecté. Il finit par accuser à son tour plusieurs auteurs de langue allemande d'exploiter sa légende ou de se servir de son invention poétique, de Günter Grass à Ingeborg Backmann. Là, les notes savantes et bien faites de B. Badiou sont très précieuses car la question est complexe et même embrouillée. Sur ces entrefaites, il a traduit des poèmes de René Char qui paraissent chez Fisher Verlag en 1963. Curieusement, après cette publication, Char n'envoie plus que des bribes de phrases à son ami et traducteur. Ce n'est que lorsqu'il apprend que celui-ci est assez malade qu'il écrit à son épouse pour prendre des nouvelles. Leurs relations se rétablissent un peu, mais elles semblent demeurer distantes et, de plus en plus, Char, communique par l'intermédiaire de la femme de Celan. Dès lors, il n'envoie plus à Celan que ses livres dédicacés, car ce dernier lui a reproché de ne pas prendre assez au sérieux son « affaire ». De surcroît, il a été interné à plusieurs reprises à partir de 1967. Puis il se suicide en avril 1970 en se jetant du haut d'un pont parisien. Cette correspondance est en grande partie l'histoire de cette tragédie.
Invece n°3, Cimendef & les hommes libres, Al Dante, 176 p., 15 euro.
L'infatigable Julien Blaine a créé une nouvelle revue depuis 2013. Elle est annuelle et la règle du jeu consiste à donner à chaque auteur deux pages. Il y a quelques exceptions ! Cette fois, le thème était Cimendef, un esclave marron de l'île de la Réunion, qui s'était révolté au XVIIIe siècle et qui avait créé un royaume des hommes libres. Une haute montagne porte aujourd'hui son nom. Mais les auteurs n'étaient pas obligés de traiter ce thème, certains même ignoraient son existence. En somme, nous avons entre les mains une sorte d'almanach ou de florilège (comme on voudra) avec des interventions de tous les types, de la poésie en vers libre jusqu'aux jeux typographiques. Il y a aussi quelques textes en prose. Blaine souhaite que les collaborateurs allient le texte et l'image. Mais là encore aucune contraintes. Le volume contient un hommage au merveilleux Bernard Heidsieck qui nous a quitté récemment, et une fantaisie des plus loufoques de Jean-François Bory. Pour le reste, c'est un vaste panorama d'expériences poétiques en tous genres, où la typographie et la photographie sont le plus souvent employées -, parfois le dessin. Il y a des écrivains bien connus et de purs inconnus. Le tout représente une excellente cure de jouvence car la polyphonie de ce recueil a quelque chose de jubilatoire - une grande liberté d'expression et une confrontation de voix et de manières de penser l'écriture et l'art comme un territoire commun ou contradictoire. On retrouve Claude Ber et Maxime Hortense Pascal, ainsi que toutes ces voix qui ont pu être enregistrées et imprimées par le bon vouloir de Julien Blaine qui joue toujours plus sur les ambiguïtés de la création du temps présent. Au bord du gouffre !
L'Humour juif, Judith Stora-Sandor, illustrations d'Inkie, « Folio », 154 p., 7,50 euro.
Voilà une merveilleuse anthologie qui peut faire comprendre la spécificité de l'humour juif. On y trouve des auteurs désormais classiques, comme I. B. Singer, Frigyes Karinthy, Dorothy Parker, ou encore Saul Bellow, et des écrivains plus modernes, comme Israël Zangwill ou Cyril Flesihman. On pourrait disserter des heures sur la question, car l'humour tient une place très spéciale dans le monde juif. C'est d'abord la marque d'un état d'esprit ; c'est aussi une manière d'affirmer sa culture alliant le sérieux de la yashiva ; et c'est en fin de compte un rire libérateur, car on doit défendre son point de vue jusqu'à l'absurde au-delà des dogmes et des poncifs. C'est ensuite un moyen de défense. Ayant tout au long de la longue histoire de la diaspora les communautés juives ont dû subir des injures et des persécutions, et la seule arme qu'elles possédaient pour se défendre était l'humour. Enfin, comme le montre à merveille le superbe récit de Pierre-Henry Salfati extrait de son Talmud : enquête sur un monde très secret, c'est enfin une manière d'expliquer ce qu'est l'essence du judaïsme. Le rabbin qui explique au goy qui veut se convertir pour épouser celle qu'il aime lui raconte l'histoire des deux ramoneurs sur le toit, qui est non seulement d'une drôlerie irrésistible, mais aussi l'expression de la quête spirituelle et en même temps de l'apprentissage de la liberté dépenser par la lecture des textes sacrés. Ce bel ouvrage est recommandé aux juifs, cela semble évident, mais aussi à tous ceux qui ne le sont pas qui pourraient ainsi comprendre la nature profonde d'une manière d'envisager l'univers.
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