Le dernier livre de Jean-Luc Chalumeau vient de paraître : LES EXPOSITIONS CAPITALES qui ont révélé l'art moderne de 1900 à nos jours (éditions Klincksieck, 172 pages, 19 euros).
Nous en donnons l'introduction en bonnes feuilles.
L'histoire de l'art se confond largement avec celle des luttes des artistes pour que soient rendus visibles les produits de leur activité : que l'on se souvienne, par exemple, des pressions exercées en 1607 par les peintres romains sur le duc de Mantoue pour qu'il laisse contempler par tout le monde La Mort de la Vierge du Caravage qu'il venait d'acheter sur les conseils de Rubens.
En France, la question de la visibilité fut longtemps résolue par l'institution du Salon créé par Louis XIV, devenu tellement indispensable que Diderot s'effrayait, en 1769, à l'idée de son éventuelle disparition : « Plus de Salon : et le peuple privé d'un spectacle annuel où il viendra son goût, en restera où il est... Plus de Salon ; plus de concurrence entre les maîtres, plus de cette rivalité qui produit de si grands efforts, plus de cette frayeur du blâme public... »
Après la décadence du Salon au XIXe siècle et les audacieuses initiatives de certains artistes pour y répondre, comme Courbet inventant son Pavillon du Réalisme en 1855 ou les impressionnistes exposant chez Nadar en 1874, les cartes ont été redistribuées au XXe siècle.
Le sujet de cet ouvrage est « les expositions capitales » qui ont joué un rôle décisif pour faire connaître l'art moderne. Certaines sont pionnières, d'autres sont rétrospectives. Certaines sont collectives et thématiques, d'autres sont monographiques ; elles ont eu lieu un peu partout dans le monde. Il se trouve que le cadre défini par la collection « 50 questions » convient à merveille à ce sujet : pas plus d'une cinquantaine d'expositions suffisent en effet pour retracer les étapes d'une histoire extraordinairement riche. Depuis le début du XXe siècle, les artistes livrent bataille, comme toujours, mais désormais ils ne sont plus seuls : des marchands, des collectionneurs, des commissaires, des responsables d'institutions et des critiques ont pris, eux aussi, des initiatives souvent déterminantes.
Sans eux, l'histoire de l'art moderne et contemporain n'aurait pas été la même. Sans Peggy Guggenheim, Betty Parsons, Dorothy Miller, Eleanor Ward, Sidney Janis, Aimé Maeght, Leo Castelli, Iris Clert et tant d'autres marchands, quel appauvrissement ! Sans Dominique de Menil ou les Arensberg chez les collectionneurs, Alfred Barr ou Pontus Hulten chez les directeurs d'institutions, Harald Szeemann ou Jean de Loisy chez les commissaires, on peine à imaginer la désertification de la vie artistique que nous aurions dû subir !
Cet ouvrage se présente donc largement, non seulement comme un exercice d'admiration pour les artistes, mais aussi comme un témoignage de reconnaissance envers les hommes et les femmes qui ont voué leur vie à une tâche indispensable : rendre visible pour le plus grand nombre, par le moyen d'expositions, la création artistique de son temps.
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