La représentation du corps nu dans la peinture est un thème récurrent qui a traversé l'histoire de l'art. Dès qu'il s'agit de corps idéalisés gréco-romain, ou post-renaissance, le spectateur contemporain est rarement heurté. Certaines époques ont pourtant rejetés les artistes adeptes du nu tels que Fragonard, Courbet, Manet ou plus tard Matisse. Leurs réformes artistiques ont permis l'apparition de grandes ruptures idéologiques et esthétiques. Actuellement, la vision d'un corps nu dans la représentation picturale, qu'il soit peint ou photographié est une banalité. Cela, lié à une époque ou la publicité, la mode, et le cinéma exaltent le corps nu sans complexe.
Jean Rustin, décédé le mois dernier, a laissé une oeuvre expressionniste forte et décomplexée. Il a su magnifier la figure humaine sans retenue. Ces corps au trait délicat et écru oscillent entre l'érotisme, la maladie, la pitié mais aussi le sacré. A ses débuts, en 1941, le travail de Rustin était caractéristiquement abstrait, imprégné d'un style lyrique, cobra. L'avènement de sa peinture figurative débute dès 1971, suite à l'une de ses rétrospectives au musée d'art moderne de Paris qu'il jugera « trop belle et décorative ». Cette prise de conscience le mènera à réaliser différents travaux basés cette fois-ci sur la figure humaine, mis en scène dans des lieux incertains. Quant à la démocratisation de l'image de la nudité, dont nous parlions précédemment, il faut tout de même souligner qu'en 1982, l'une de ses expositions a été censurée pour motif de pornographie.
L'Homme reste au centre de notre attention, êtres asexués, inidentifiables, exaltant une certaine folie prédominante. La vision délibérée de sexes confondus s'offre à nous immédiatement, de manière quasi-affranchie.
L'origine du monde fait l'objet d'une glorification et les créatures féminines se prêtent au jeu des plaisirs charnels. Réellement, nous ne sommes plus face à des scènes érotiques mais à une allégorie du trouble humain. L'inspiration du milieu hospitalier psychiatrique est indéniable. D'autant plus qu'une froideur inquiétante règne dans ces décors, espaces vides et clos aux couleurs pâles et ternes dont la touche picturale se floute peu à peu. La couleur bleue domine les toiles et nous évoque invraisemblablement ces lieux d'asile.
Ces figures entre humanité et animosité sont omniprésentes dans l'oeuvre majeure de Jean Rustin. Héritières du monde, miroir de l'Histoire de l'Homme, elles révèlent un défilé charnel de translucidité.
Il n'est pas étonnant qu'un artiste puisse passer de la non-figuration à des images de corps nus très figuratives, cette nécessité résultant d'années de travaux abstraits colorés bien trop gais. Rustin souhaite à présent nous confronter à la réalité et non plus à l'abstraction décorative de ses oeuvres passées.
Heureusement, cet artiste expressionniste a laissé une profusion d'oeuvres avant sa mort, dont la plupart sont exposées à La fondation Rustin d'Anvers.
Certains dessins ont été réunis et sont actuellement présentés à la Galerie Schwab Beaubourg.
Galerie Schwab Beaubourg
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