Le château de Chambord consacre son exposition de l'été (30 mai-17 octobre) à l'oeuvre protéiforme de Lydie Arickx. 150 pièces ; dessins, peintures, sculptures, installations pour lesquels l'artiste utilise les matériaux les plus divers : toile, verre soufflé, bronze, bitume, encre, béton, os, parchemin, charbon, résine, bois, plume, inox, impression 3D... Arickx est une véritable ogresse de l'art, aucun défi ne lui fait peur, sa fécondité est prodigieuse. Depuis sa première exposition, galerie Jean Briance, en 1979 à l'âge de 25 ans, elle a produit une trentaine de milliers d'oeuvres. Des tableaux surtout, car Lydie Arickx est connue comme une peintre expressionniste. Certes, le dossier de presse nous met en garde à propos de ce terme d'expressionnisme, mais il faut bien caractériser les styles, et ce n'est pas par hasard que l'oeuvre d'Arickx est défendue par la galerie Capazza où l'on trouve notamment l'expressionniste Franta, et par la Loo & Lou Gallery qui défend en particulier l'expressionniste Fred Kleinberg. Le prestigieux château de Chambord célèbre donc une grande artiste expressionniste : ce n'est pas une rétrospective, la majorité des pièces seront présentées au public pour la première fois (elles ont été produites pour l'occasion), et c'est très bien ainsi. Sous le titre Arborescences l'exposition Arickx dialoguera avec l'arbre de vie incarné par le célèbre escalier central à double révolution conçu par Léonard de Vinci.
Tout cela est bien beau, mais on se demande pourquoi cette artiste française puissamment originale, aimée et admirée par la communauté des artistes (on va le voir) n'a pu jusqu'ici montrer son travail que dans des lieux comme la crypte Sainte Eugénie de Biarritz ou le château de Biron. Jamais par exemple au musée national d'art moderne-centre Pompidou qui certes lui a acheté quelques oeuvres, mais qu'il n'accroche en aucun cas. Que se passe t-il ? Pour le comprendre, Il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas un milieu de l'art, mais au moins deux. Disons, d'une part, celui de l'establishment (les responsables des institutions, les critiques dans le vent, les fonctionnaires de la culture...) et, d'autre part, le milieu des ateliers (les milliers d'artistes peu ou pas connus, leurs amis et collectionneurs amoureux de la peinture...) Le premier milieu ne veut pas connaître Lydie Arickx. Par exemple Paul Ardenne, rédacteur en 1997 de Art, l'âge contemporain (Editions Regard) évoque des centaines d'artistes, mais ne cite pas une seule fois Lydie Arickx.
Il se trouve que l'autre milieu de l'art, celui des artistes, a été interrogé en 2018 par la revue Miroir de l'art qui a posé de simples questions aux membres de la Maison des Artistes (qui gère la protection sociale de ses milliers d'adhérents). Pour l'essentiel : Qui sont vos peintres préférés ? En tête des mille réponses est venu l'incontournable Anselm Kiefer. Le numéro deux était Vladimir Velickovic, et le numéro quatre était Lydie Arickx, elle était devant Gerard Richter, Pierre Soulages et Gérard Garouste ! Oui, Arickx est aimée et admirée par ceux du deuxième milieu de l'art, ces artistes qui savent très bien repérer les meilleurs. Oui, de grandes plumes défendent cette artiste délaissée par les institutions : Yves Michaud et Olivier Kaeppelin en particulier. « Oui, écrit le premier, elle est une peintre expressionniste, oui elle est une action painter, mais sans rien de commun avec ce qu'on entend normalement par là... » « La peinture est plus vivante que la nature, écrit le second, Lydie Arickx cherche la fusion, l'accroissement de notre corps aux dimensions d'un théâtre cosmique... » Mesdames et messieurs les responsables de l'Institution, quand donc vous déciderez vous à donner à Lydie Arickx la place qui devrait être la sienne chez vous : l'une des premières ?
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