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[verso-hebdo]
11-10-2018
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Caravage : ce qui manque à une belle expo pour faire une grande expo
Le musée Jacquemart-André présente, jusqu'au 28 janvier 2019, une belle exposition sur le thème « Caravage à Rome, amis et ennemis ». La période romaine est en effet essentielle dans la courte trajectoire de Caravage : c'est au début de cette séquence que le peintre met au point son fameux « luminisme constructif » comme disait avec bonheur Roberto Longhi. C'est vers 1600 qu'il peint l'un de ses principaux chefs d'oeuvre, Judith décapitant Holopherne (pour le banquier Ottavio Costa) venu du Palais Barberini de Rome, que la co-commissaire, Francesca Cappelletti, nous invite à comparer à la Judith et la servante réalisée vingt ans plus tard par Orazio Gentileschi (Pinacothèque du Vatican). Quelques années plus tôt, déjà arrivé à Rome, Caravage avait peint, sans doute pour son protecteur le cardinal Del Monte, Le Joueur de luth (1595-96), venu du musée de L'Ermitage à Saint Pétersbourg. Si l'on ajoute, de Caravage, huit autres toiles comme le superbe Jeune Saint Jean Baptiste au bélier (1602, Musée Capitolini de Rome) et, d'artistes aussi remarquables qu'Artemisia Gentileschi avec sa savoureuse Sainte Cécile (1620, Galleria Spada de Rome), il y a de quoi ravir les amateurs qui se pressent boulevard Haussmann.

Cependant, si l'autre commissaire de l'exposition, Maria Cristina Terzaghi, a raison d'observer que les tableaux peints autour de 1600 sont ceux de la « découverte d'un style », on peut regretter l'absence de l'oeuvre (« d'une nouveauté radicale » dit-elle) que le Caravage peignit pour Del Monte en 1599 soit absente de l'exposition. Serait-ce que le musée Thyssen-Bornemiza de Madrid a refusé de la prêter ? Il s'agit de la Sainte Catherine d'Alexandrie que Maria Cristina Terzaghi qualifie encore à juste titre de « splendide ». Or le modèle qui posa pour Sainte Catherine est le même qui donna ses traits à Judith. Cette jolie jeune fille se retrouve dans Marthe et Marie-Madeleine (1598-99, Institute of Arts, Detroit). Quel dommage que cette trilogie n'ait pas pu être reconstituée ! Si la Judith est bien une oeuvre charnière, elle n'est pas seule dans ce cas : il faut au moins l'associer à la Sainte Catherine d'Alexandrie pour comprendre la mutation que le Caravage insuffla à l'histoire de la peinture au cours des seules années 1599 et 1600 à Rome.

Sainte Catherine d'Alexandrie est « le plus grandiose des premiers tableaux de chevalet de Caravage » a écrit l'historienne de l'art Catherine Puglisi. Elle observe que, malgré la dominante sombre de l'arrière-plan, le Caravage compose un espace convaincant grâce à d'habiles jeux d'ombre et de lumière (le luminisme constructif selon Longhi) et à une savante disposition des objets. Le personnage est monumental, le clair-obscur intense. La sainte, revêtue d'atours somptueux (les mêmes que ceux portés par Judith et Marie-Madeleine !) parmi les instruments de son supplice - une énorme roue, menaçante avec ses pics acérés, et une épée qu'elle tient entre ses mains -, offre la particularité audacieuse de regarder le spectateur (et non de lever les yeux au ciel comme dans le tableau plus conventionnel de Guido Reni quelques années plus tard). C'est un véritable « portrait » de la sainte, une jeune femme dont le Caravage entend que la beauté soit éblouissante. Le tableau l'est aussi, à tel point qu'il cesse d'appartenir à la catégorie des images de dévotion. A l'époque, le pape Clément VIII avait demandé que l'on ne représente pas la fameuse roue puisqu'un miracle l'avait détruite avant le supplice. Le Caravage représente bien l'épée par laquelle Catherine fut exécutée, mais il garde tout de même la roue, dont il tire un effet réaliste impressionnant. Si ce tableau capital avait été présent, l'exposition n'aurait pas seulement été belle, mais grande.
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
11-10-2018
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
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Christophe Cartier

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édité aux éditions du manuscrit.com