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[verso-hebdo]
27-04-2017
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Le sacre du printemps vu par France Mitrofanoff |
Les habitués de Verso connaissent déjà France Mitrofanoff, qui a été notre « artiste du mois » en 2015 (n° 87). La voici qui revient galerie Orenda (54, rue de Verneuil, jusqu'au 16 mai) sous le signe du Sacre du Printemps. Ce sera en mai le 104e anniversaire de la version chorégraphiée du chef d'oeuvre d'Igor Stravinsky au théâtre des Champs Elysées, et Mitrofanoff sera au rendez-vous avec une superbe nouvelle série dans laquelle elle approfondit son idée du travail pictural avec une conviction telle qu'elle emporte l'adhésion des amoureux de la peinture. Ces derniers restent nombreux malgré les attaques subies depuis les oracles duchampiens. Ils vont être comblés. Chez Mitrofanoff, tout est affaire de rythme et d'harmonie, exactement comme chez Stravinsky qui apportait au premier une dynamique inconnue jusqu'alors, et qui imposait, pour obtenir la seconde, les fameux agrégats sonores qui déconcertèrent à l'époque. Fidèle à ses thèmes de toujours : les arbres issus de son atavisme russe et les constructions précaires venues de ses chantiers imaginaires, elle semble aujourd'hui poser avec une acuité nouvelle deux questions qui fondent la peinture de la modernité : que peut signifier le temps dans la peinture, et sous quelle forme peut-il se manifester ?
Le temps qui vient animer l'espace appartient à la structure même du tableau (prenons comme exemple l'oeuvre-titre de l'exposition) et ce n'est possible que s'il intervient par procuration sous les espèces du mouvement. Le mouvement est la face de l'espace tournée vers le temps. Le mouvement est certes une affaire temporelle, mais il a une trajectoire, qui laisse un sillage. Or les tableaux de France Mitrofanoff parlent partout des traces de ce sillage : voyez par exemple comme la végétation s'écarte à l'approche d'improbables marches de bois ne conduisant nulle part. Il y a ici présence visuelle d'une trajectoire, qui représente donc le temps. La version picturale du Sacre du Printemps se présente à nous comme un espace temporalisé car il se donne comme un espace structuré et orienté, où certaines lignes privilégiées constituent bel et bien des trajectoires (et non des résidus inertes du mouvement). Les toiles de Mitrofanoff nous apparaissent porteuses d'un mouvement qu'elles accomplissent dans l'immobile.
Naturellement, l'oeuvre ne peut manifester ce mouvement prisonnier dans l'immobile que si une conscience est capable de rompre l'enchantement qui tient le mouvement captif. Cette libération exige que le mouvement soit vécu par moi qui regarde le tableau. Rappelons-nous l'observation de Kant : le mouvement dans le sujet précède le mouvement dans l'objet. Voilà pourquoi nous percevions la mélodie de Stravinsky comme une durée schématisée par le rythme. Il fallait que le temps intervint aussi dans le sujet. Il n'était pas nécessaire que nous eussions conscience de ce temps, mais il fallait au moins que nous l'ayons vécu dans les méandres de l'imagination. Revenons au tableau : dans notre perception visuelle la simultanéité est médiatisée par la succession : notre regard se promène sur l'objet, il ne se pose jamais tout à fait. C'est par cette déambulation que nous apparaît le mouvement de l'objet pictural qui s'anime à mesure qu'il nous ébranle en profondeur. Chez le vrai peintre qu'est France Mitrofanoff, il ne s'agit pas d'on ne sait quelle métaphore : il y a bien mouvement véritable qui n'est pas seulement déplacement dans l'espace, mais déploiement d'un sens, précisément comme dans le mouvement musical. Le rythme et l'harmonie chez Stravinsky ont leurs équivalents dans les mystérieux tableaux de France Mitrofanoff : il appartient au spectateur de les discerner, pour son plus grand plaisir.
www.orenda-art.com
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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