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[verso-hebdo]
09-10-2013
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Bianco Italia, Dominique Stella Catalogue : Tornabuoni/Arte - Forma, Paris.

De toutes les expositions que l'amateur d'art a eu l'occasion de visiter à Paris ce printemps et au début de cet été, celle qu'a conçue Dominique Stella au sein de la galerie Tornabuoni (avenue de Matignon, Paris) est sans doute possible la plus belle et la plus passionnante. Intitulée Bianco Italia, elle rassemble des oeuvres réalisées par des artistes italiens depuis la fin de la dernière guerre. Ce qui fait sa force, c'est bien sûr la ronde des noms d'artistes excellents, pour reprendre les termes de Giorgio Vasari, mais aussi la sélection de pièces de valeur, qui pourraient figurer dans un musée.

On a la possibilité d'y voir la Surface 689 de Giuseppe Capogrossi (1970), qui est un tableau relief absolument blanc, ce qui est singulier pour un artiste connu pour ses pictogrammes (toujours identiques) généralement inscrits en noir sur la toile. D'autres ouvrages du même peintre réalisés quelques années plus tôt prouvent que cela n'a pas été une passade du créateur, mais une recherche qu'il a poursuivie un certain temps. Mais il n'a, à ma connaissance, employé le blanc qu'à la fin de sa vie, en marge du reste de sa recherche. Autre curiosité de grande valeur, les dentelles, les pochoirs, les broderies d'Alighiero Boetti. Voilà encore un artiste connu exclusivement pour un genre d'oeuvres bien précis : les cartes polychromes brodées. En réalité, comme c‘est presque toujours le cas, la grande notoriété fait oublier la richesse des spéculations des artistes. Et c'est bien le cas car ces ouvrages des années soixante-dix (tels que Ordine e disordine ou Emme I Elle E… ) montre qu'il a été aussi marqué profondément par de avancées vers les confins de la monochromie. L'histoire remonte à la polémique entre Malévitch et Rodtchenko, entre suprématistes et constructivistes russes. Puis elle reprend vigueur dès le début des années cinquante avec Robert Rauschenberg et ses White Paintings, qui seront suivi des Black Paintings et de Red Paintings. Des américains s'étaient déjà approché de la monochromie comme Clyfford Still et puis Motherwell. Franck Stella et les minimalistes auront recours à ce paramètre chromatique radical. En Europe, et plus précisément en Italie, c'est au milieu des années cinquante que Manzoni a l'idée de ses Achromes, toiles uniformément recouvertes de blanc. Il n'a d'ailleurs pas commencé par des draps s'entrecroisant, mais par de la toile pliée. Manzoni est sans aucun doute l'un des pionniers de ce mode de vision de la peinture, entre l'art picturale pur et le conceptuel. D'autres suivront comme Lucio Fontana (avec ses Concepts spatiaux) et Alberto Burri. Par la suite, il y a eu des auteurs qui se sont consacrés exclusivement à la monochromie, comme Agostino Bonalumi, Pier Paolo Cazolari et Enrico Castellani. Il ne faut non plus oublier Gianni Colombo, qui a inventé ses Structurations pulsantes en 1959 et Giulio Paolini, (La Doublure, 1972-1973). Et Dominique Stella a présenté aussi la célèbre Fleur (en fait sans titre !) de Jannis Kounellis (1967). D'autres figures importantes, mais moins célèbres, sont représentées dans cette sélection très rigoureuse, comme Paolo Scheggi ou Dadamaino.

Chapeaux bas, messieurs ! Dominique Stella a fait merveille. L'exposition fait mouche, et sans une tache ! C'est ce genre de présentation qu'on aimerait voir plus souvent, sur des thématiques précises et avec des pièces de valeur incontestable.
Gérard-Georges Lemaire
09-10-2013
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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