De ses mains, Rebecca Harding Davis, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Carole Zalberg, Phébus, 96 p.
Je dois le confesser : j'ignorai jusqu'au nom de Rebecca Harding Davis (1831-1910). Cette longue nouvelle publiée dans l'Atlantic Review en 1861 montre un incroyable tempérament. Cette Life in the Iron Mills, qui lui a été inspirée par les industries sidérurgiques de Wheeling, dans l'ouest de la Virginie, où elle a vécu. Ce n'est pas un texte naturaliste dans le sens que lui a donné Zola et comme on l'a vu en Europe. C'est un curieux mélange de réalisme presque visionnaire (ici, tout prend l'aspect d'un Enfer dantesque revu par la plume de Victor Hugo et le modernisme de Walt Whitman). Les hommes et les femmes qui y travaillent et y survivent tant bien que mal dans des conditions effroyables sont dépeints avec une charge émotive puissante, mais sans condescendance. Elle campe la figure d'un homme encore jeune qui ne se révolte pas contre l'inhumanité des conditions de son travail, mais qui tente d'y échapper en fondant des sculptures très ressemblantes de ses compagnons de misère, mais qu'il magnifie en en faisant de véritables héros. C'est mieux qu'une dénonciation : c'est une magnifique métaphore de ce que signifie la société industrielle. L'auteur a écrit là une oeuvre mémorable et poignante, qui ne tombe dans aucun des travers politiques ou moralisateur du genre.
Picasso dit…, suivi de Picasso sur la place, Hélène Parmelin, Les Belles Lettres 412 p., 15,50 euro.
C'est un témoignage et lez témoignage d'une femme qui a été la compagne de Pignon, ami intime de Picasso. Ce qu'elle nous raconte du grand artiste est assez savoureux et ne se limite pas à une série d'anecdotes. C'est un portrait de Picasso, écrit avec beaucoup de verve et aussi une retenue, l'auteur se mettant en retrait, mais ne renonçant jamais à adopter un regard critique, même si son admiration est immense. Elle nous fait découvrir le Picasso de Notre-Dame et de la Californie, celui de Guerre et Paix et de L'Homme au mouton ou encore de la série de dessins de L' Homme à la cigarette. Nous le découvrons donc pendant les années soixante, au sommet de la gloire. Cet ouvrage est un document de première main, mais aussi deux beaux livres, rédigés avec intelligence et esprit. Pas de théorie, pas de révélations plus ou moins indiscrètes : des rencontres et une familiarité qui ont permis à l'auteur de nous présenter le créateur et de rapporter ses propos. Par exemple, on a toujours cité cette formule célèbre : « Je ne cherche pas, je trouve. » Mais on oublie de mentionner la suite : « On n'a jamais fini de chercher parce qu'on ne trouve jamais. » En somme, pas mal d'idées reçues sont gommées, et l'on retrouve l'homme face à son entreprise artistique, ni grandi, ni diminué, tel qu'en lui-même avec une écriture qui se limite à l'essentiel, une vitalité inouïe.
Carmen, Prosper Mérimée & Paul Joseph, La Musardine, 260 p.
Manon Lescaut, Abbé Prévost & Carlo Vivari, La Musardine, 288 p.
Il faut reconnaître que l'idée est plaisante : transformer de grands classiques françaises en ouvrages érotiques. Il faut aussi dire que les deux premiers titres choisis sont des histoires d'amour. Il suffisait donc de les agrémenter. Mais cela est fait avec beaucoup de charme et de qualités. Si cela permettait de faire naître chez certains le goût de la littérature ancienne, je crois que c'est un excellent moyen, même s'il peut sembler iconocolaste. C'est écrit avec respect pour l'original et ne le dénature même pas. C'est comme si les auteurs avaient vécu à notre époque et avaient suivi la voie de nombreux de nos auteurs (en mieux) en donnant une version plus explicite de leurs oeuvres. Espérons que les éditeurs vont poursuivre cette collection baptisée « Classe X » et vont nous donner une nouvelle adaptation de la Princesse de Clèves ! Et bien d'autres encore, je pense aux Oraisons de Bossuet ou aux Pensées de Pascal !
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