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[verso-hebdo]
21-01-2016
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Nuova Enciclopedia del Futurismo musicale, Daniele lombardi, Mudima, Milan, 440 p., 69,90 euro.

Le futurisme, depuis les années 70, a été étudié en long, en large et en travers après une longue période de purgatoire pendant l'après-guerre. Mais, aussi curieux que celui puisse paraître, certains de ses aspects ont été laissés dans l'ombre. Pour la musique, on s'est contenté pour l'instant de la réédition du livre écrit par Luigi Russolo. D'où l'importance de ce livre qui vient combler un vide immense : en quoi le futurisme a-t-il été important dans la sphère de la création musicale. Et Daniele Lombardi est sans doute la personne la mieux à même de mener a bien cette tache considérable. De plus, il a eu l'excellente idée de ne pas faire un traité en bonne et due forme, mais une encyclopédie qui permet d'insérer toutes les déclinaisons possibles des recherches musicales les plus avancées du début du XXe siècle. Comme la plupart des tentatives de cette époque ont une influence les unes sur les autres, son ouvrage peut être considéré comme les prolégomènes à l'ensemble des spéculations qui ont été faites en Europe (à commencer par l'Italie bien sûr), aux Etats-Unis et en Russie. On découvre grâce à lui des compositeurs dont on a jamais entendu parler (par exemple, Arthur Vincent Lourié, auteur en 1915 de Formen in der Luft, dédié à Pablo Picasso, un critique musical comme Spartaco Copertini, ami de Francesco Balilla Pratella, le musicien triestin Silvio Mix ou les revues qui ont véhiculé ces idées nouvelles. Comme Marinetti avait un attrait tout particulier pour le théâtre de variétés, la musique la plus expérimentale voisine avec des refrains empruntés à la mode populaire (il faut aussi se souvenir que le théâtre et les marionnettes jouent un grand rôle dans l'histoire du futurisme et là encore la musique a une place déterminante). Igor Stravinski et Alberto Savinio sont étudiés ici dans leurs relations plus ou moins proches avec les principes des créateurs futuristes. Magnifiquement illustrés, contenant bien des documents rares, cet ouvrage est sans aucun doute l'ouvrage de référence indispensable pour la connaissance du futurisme, cela est l'évidence même, mais aussi de toutes les avant-gardes historiques. Cet immense travail a donné lieu à cette belle Encyclopédie, indispensable aux chercheurs, mais aussi à tous les amoureux de l'art moderne désireux de mieux connaître ce vaste territoire avec des zones encore à découvrir un siècle plus tard !




Ritratto di Marinetti, collectif, Mudima, Milan, 301 p., 40 euro.

Il existe bien des biographies de Filippo Tommaso Marinetti. Elles ne sont pas nombreuses. Elles ne sont toutefois pas à dédaigner même si elles présentent des lacunes plus ou moins volontaires, en particulier sur la question politique. Voilà pourquoi ce portrait », ou plutôt ces « portraits » suscités par Gino Di Maggio sont venus à point nommé pour compléter ce que nous avions pu connaître de cet homme qui a tenu une place immense et encombrante dans les avant-gardes du début du siècle dernier. Il s'est intéressé à tous les domaines imaginables, et pas seulement dans la sphère de la création. La cuisine comme la radiophonie, l'aviation comme la marine, et aussi la politique. Il a écrit plusieurs ouvrages sur cette question, qui mériterait d'être lus et commentés aujourd'hui. D'une certaine manière, le futurisme qu'il préconisait avait toujours une longueur d'avance sur le fascisme et Mussolini, une fois au pouvoir, était souvent excédé par ces partisans rebelles qui lui rappelaient sans cesse que le fascisme était républicain (donc antimonarchiste) et anticlérical. Bien sûr, on pourra toujours lui reprocher d'avoir adhéré à la République sociale en 1943, mais on doit admirer son courage quand il s'engage comme volontaire pour le front russe à l'âge de soixante ans (il tombe vite malade et est rapatrié par train sanitaire). De cette expérience est d'ailleurs sorti son dernier livre, qui est passionnant, un roman difficile à se procurer en Italie et toujours pas traduit en France. En dehors de cela, il a été le commis-voyageur de l'avant-garde dans le monde, de la Russie prérévolutionnaire à l'Amérique latine, avec une boulimie extravagante pour toutes les disciplines possibles et imaginables. Ses collaborateurs lui ont proposé toutes sortes de possibles adaptations du futurisme à telle ou telle activité, et il s'emparait de la question aussitôt ! Il n'existe guère de questions que Marinetti n'ait pas abordée ! Tous ces essais nous montrent les innombrables facettes de ce personnage plus complexe qu'on ne le croirait et aussi doté d'une curiosité qui ne cesse de se développer au fil des années, sans jamais avoir le besoin de confiné le futurisme à sa propre personne ou à celle de ses amis les plus proches. Comme les autres titres dédiés au futurisme dans cette collection, on trouve de nombreux documents rares ou parfois inédits, des textes éclairants et une grande qualité éditoriale.




Le Tort du soldat, Erri De Luca, traduit de l'italien par Danièle Valin, « Folio », 96 p., 5,80 euro.

Erri De Luca est à mes yeux un de ces étranges phénomènes de la littérature italienne, comme l'a été par exemple Tabucchi, médiocre romancier, qui a connu des tirages importants et des succès de presse impressionnants. Comme un certain nombre des intellectuels qui ont eu un rôle politique non indifférent pendant les années de plomb (il était membre du groupuscule Lotta continua), il s'est vite refait une virginité idéologique, tout en continuant de soutenir les causes les plus diverses et variées, parfois les plus absurdes (par exemple, il était partisan en 2013 d'un attentat pour interrompre les travaux du TGV dans le val de Suse). C'est un genre qu'on cultive beaucoup en Italie avec des marottes comme, dans son cas, l'alpinisme et l'étude de l'hébreu. Après avoir exercé les travaux manuels les plus différents qui soient, il a commencé sa carrière littéraire en 1989. Depuis lors, il n'a plus cessé de faire paraître des ouvrages à un rythme déconcertant ! Cet opuscule a paru en 2012. Le narrateur se met en tête de traduire l'une des oeuvres romanesques du frère d'Isaac Bashevis Singer, Israel Joshua. Ce dernier a été un grand écrivain lui aussi, mais il était encore inconnu en Italie à cause de la notoriété immense de son grand frère qui a reçu le prix Nobel en 1978. Tout comme son frère, Israel Joshua Singer écrivait en yiddish et ne voulait pas en démordre. L'histoire débute dans une auberge de montagne en plein été. Le narrateur travaille à sa traduction et médite sur cette langue presque disparue. Son voisin, qui voyage avec sa fille, se rend bientôt compte de ce qu'il est en train de faire et en ressent une gêne profonde. Sa fille qui l'accompagne nous raconte son histoire. Viennois de naissance, celui-ci s'est retrouvé en Argentine après la défaite allemande ; et puis il est rentré chez lui. Il se sent un comme un animal traqué qui regarde toujours derrière lui. Mais il ne se considère pas comme un criminel de guerre malgré les exactions qu'il a commises : il a le seul tort d'avoir perdu ce combat. Ainsi, avec ces deux récits, deux consciences sont confrontées, mais jamais elles ne se croisent. C'est là une sorte de fable, qui montre l'auteur comme un être moral et, l'autre, comme l'archétype de l'immoralité. A tout cela s'ajoute l'étude de la kabbale et de l'histoire du Golem, pour faire bonne mesure. Tout cela est saturé de bonnes intentions, mais reste à la surface des choses.




Tantôt dièse tantôt bémol, Rabindranath Tagore, traduit du bengali par Prithwindra Mukherjee et présenté par Salha Stétié, édition bilingue, « Orphée », La Différence, 128 p., 8 euro.

Tagore, aussi surnommé Gurudev (1861-1941) a débuté dans le monde la poésie indienne de manière pour le moins curieuse : il a décidé de se faire passer pour un auteur d'une période antérieure, remontant au XVIIe siècle. Il a eu une ambition universelle, écrivant des romans, des nouvelles, des recueils de poésie, des pièces de théâtre, des ouvrages philosophiques. Il se consacrait aussi à la peinture. Sa principale intention a été de faire renaître la langue du Bengale dont il était originaire. Ses efforts ont été couronnés de succès par la remise du prix Nobel en 1913. C'était aussi un fervent partisan de l'indépendance de l'Inde. Si son oeuvre poétique puisait l'essentiel de son inspiration dans le passé historique et mythologique de son pays, il n'en reste pas moins vrai que son écriture n'est pas frappée d'archaïsme et que sa pensée pouvait épouser es conceptions modernes. Ce fut là la force de sa poésie, qui a été sans aucun doute de tous les domaines qu'il a pu aborder, celui qui a le plus touché les lecteurs occidentaux. Les belles traductions des poèmes réunis dans ce petit recueil nous font deviner une langue limpide et pure, et pourtant riche et intense. On est même surpris de la modernité de sa composition et des thèmes traités, qui n'écarte ni l'amour sensuel, ni l'érotisme, ni les sentiments les plus subtils. Ses textes poétiques sont volontiers narratifs, rarement elliptiques, même s'ils peuvent sembler se rapprocher d'une inclination symboliste. Il sait merveilleusement bien associer le lointain passé védique ou les grands moments de l'histoire ancienne de l'Inde et une pensée qui ne paraît ni rétrograde ni étroitement nationaliste. Je dois avouer que je n'avais aucun souvenir de quelques uns de ses poèmes que j'avais lus autrefois et que de lire ces pages a été une véritable révélation. Son évocation du Taj Mahal et de l'inconsolable prince Khurram est une merveille. Il ne cherche pas à séduire le lecteur occidental, mais est capable de le toucher et il parvient à faire revivre une culture millénaire en la débarrassant des poussières du temps et des préjugés. C'est un livre qu'on doit garder à porter de la main pour s'en pénétrer, quand le désir s'en fait sentir.




Pablo Picasso, Galerie Bordas, Venise, s. p.

La galerie Bordas de Venise a créé une collection de catalogues qui sont conçus comme de petits livres charmants. Les plus grands noms de l'histoire de l'art récent y sont présent, comme ceux de Pierre Alechinsky ou d'Emilio Vedova. Il n'est question ici que de lithographie sous toutes ses formes, donc souvent de livres. Dans chacun d'entre eux, la reproduction des oeuvres est accompagnée de textes, par exemple une correspondance entre Vedova et Richard Miller. En ce qui concerne Picasso, ce sont les souvenirs de l'imprimeur Fernand Mourlot qui sont reproduits. En somme, ces volumes sont à la forme de caractère monographique, mais aussi de précieuses sources de connaissance de cet art particulier de la gravure. De temps à autre, il se peut que des types de gravure différents s'invitent à ce banquet esthétique. Mais cela demeure assez rare car il est évident que le nom de Bordas reste d'abord associé à celui de la pierre lithographique. Cette belle collection est l'exemple même de ce que devrait un catalogue : la mémoire d'une exposition, cela va de soi, mais aussi un instrument de découverte pour découvrir ou redécouvrir une littérature précieuse sur les oeuvres présentées.




Pourquoi je lis les Amours jaunes de Tristan Corbière, Frédérick Houder, Les Feux Follets, 80 p., 7,50 euro.

Dans ce troisième volume de cette collection où un écrivain explique les raisons de sa passion pour une nouvelle, un roman, un recueil poétique, le romancier Frédérick Houder déclare combien il est attaché à Tristan Corbière (1845-1875) et à ses Amours jaunes (1873). C'est sous une forme narrative qu'il nous raconte cette relation, nous rappelle ce qu'a été l'existence assez malheureuse du poète et qu'il nous fait éprouver ce que cet ouvrage peut évoquer pour lui. Si la réussite n'est pas complète dans ce cas, je dois admettre que la formule est très séduisante. Cela nous éloigne des études universitaires, mais aussi des digressions poétiques qui frôlent souvent le kitsch. L'auteur introduit des interlocuteurs, ne suit pas un fil logique, fait des digressions, se permet des libertés de toutes sortes que seule cette formule permet sans pourtant se perdre dans des méandres bavards. Malgré toutes mes réserves (dont je vais dispenser le lecteur), j'ai bien aimé ce volume pour son caractère insolite qui nous offre un autre moyen de faire aimer des ouvrages de la littérature du passé en l'inscrivant dans la vie et l'esprit de notre temps. Corbière reste un poète bien négligé de nos jours et, sans le moindre doute, des méditations de ce genre donneront l'envie à d'autres d'ouvrir ce curieux recueil qui avait été déjà sauvé de l'oubli par Paul Verlaine avec sa superbe anthologie des poètes maudits.
Gérard-Georges Lemaire
21-01-2016
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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