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[verso-hebdo]
05-03-2015
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Hervé Télémaque, le peintre fictionnel |
« La figuration narrative sort de l'oubli » titre la très informée Roxana Azimi dans un article du Monde du 4 février qu'elle illustre par La Coloniale, un tableau de 2009 par Hervé Télémaque dont on vient d'inaugurer la rétrospective au Centre Pompidou le 24 février (jusqu'au 18 mai). Il est vrai que Télémaque a été, avec Bernard Rancillac, l'initiateur en 1964 de la fameuse exposition Mythologies quotidiennes, dont Gérald Gassiot-Talabot fit le coup d'envoi du mouvement de la Figuration narrative. Mais Télémaque n'a réalisé qu'un seul tableau narratif dans sa vie (One of the 36 000 marines, 1965) et depuis lors, il répète à qui veut l'entendre que son oeuvre n'est pas narrative mais fictionnelle. Qui est donc Hervé Télémaque, à qui Roxana Azimi s'intéresse depuis que « question marché » il mène la danse avec Erro, et qui, selon elle, « a développé un univers sophistiqué d'images et de mots tressés dans un esprit parfois lacanien » ? Je me souviens que c'est Télémaque qui avait donné le sujet du projet imposé à l'agrégation d'arts plastiques en 1984 : « Confronté aujourd'hui à toute l'histoire de l'art et au monde - par la photographie et tout ce qui en découle -, l'artiste peut prendre sa vie comme fil conducteur. Plutôt que de tenter 'une virginité du regard', l'occasionnel devient éclairant pour lui et peut s'inscrire dans 'la mémoire de toute activité humaine'. »
Sujet superlativement télémaquien : Télémaque a lui-même construit toute son oeuvre à partir de l'occasionnel. Picasso et quelques autres parmi les plus grands lui ont appris que le fil conducteur de tout artiste aujourd'hui ne peut être que sa propre vie. Il aura donc été le témoin attendri souvent, en colère parfois, attentif toujours aux êtres, choses et événements que la vie pousse vers lui, dont il s'empare et fait pénétrer dans son oeuvre de diverses façons notamment venues du pop art et du surréalisme. On saisit mieux son témoignage, publié en 1992 par la revue Opus International : « Je passe par des phases contradictoires, où j'accumule, comme pour un inventaire. Accumulation puis décantation. En vue de réunir les éléments du langage et de les ordonner en fonction d'une sorte de mémoire du vécu. Ma peinture est extraordinairement simple, contrairement à ce que l'on a pu dire. Elle est, quelque part, très limpide car le fil conducteur est l'autobiographie... » On comprend que certains mots utilisés pour commenter son oeuvre l'ont toujours gêné, et d'abord « narration » à quoi il a toujours opposé le terme de « fiction ». Il y a, précisait-il, dans la narration comme dans le rébus une direction définitive, un parcours de A à B. « J'ai toujours mis en avant un jeu fictionnel, fluctuant, pluraliste, sans pourtant autoriser la non implication, le 'chacun y lit son histoire'. Le tableau peut être un dialogue mais le regardeur n'est pas un créateur. Je suis le meneur de jeu. »
Prenons un exemple : le tableau Port au Prince, le fils prodigue (1970) montre un sifflet et une canne blanche, « symbole télémaquien s'il en est : locomotion et difficulté de la locomotion ». Toute la stratégie d'artiste de Télémaque est là : il a toujours réalisé les oeuvres à ses yeux les plus banales et quotidiennes possibles. Or que peut-on trouver de plus ennuyeux qu'une canne blanche ? Eh bien pour lui elle contient métaphoriquement tous les problèmes de la peinture : outre la locomotion le peintre indique la perception, car la peinture fait voir ce qui n'a pas été vu. « En même temps ce morceau de bois banal est un résumé de la représentation, avec tous les problèmes de la ronde-bosse, de la pureté de la forme et de la couleur, du clair et de l'obscur. C'est un instrument parfait pour cerner ce medium qu'est la peinture. » Hervé Télémaque pratique finalement tout autre chose que l'art de narrer des histoires à connotation politique comme ses camarades Rancillac, Fromanger ou Erro : il insiste sur le fait qu'il est marqué par l'analyse (le côté lacanien noté par Roxana Azimi) et par le surréalisme (ce qui l'a historiquement éloigné d'autres camarades comme Arroyo, Aillaud et Recalcati). Sa peinture illustre avec constance une conviction : il y a des archétypes de formes, de couleurs, d'ambiance sur lesquels nous avons tous le même savoir. L'artiste est celui qui nous les fait voir autrement.
www.louiscarre.fr/artistes/herve-telemaque
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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