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[verso-hebdo]
04-09-2014
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

OEuvres complètes, Madame de La Fayette, édition établie et présentée par Camille Estmein-Sarrazin, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1660 p., 68 euro.

Je ne ferai pas l'offense aux lecteurs de leur rappeler qu'avec Madame de Lafayette nait le roman moderne en France. Dans la lettre-traité de J. Huet qui préface le Zayde en 1670 (qui paraît anonymement), ce savant lettré rapproche l'oeuvre du roman grec. Il lui donne donc une légitimité classique. En réalité, je pense que ce livre est un trait d'union, comme la Princesse de Clèves, son chef-d'oeuvre, publié peu après, entre le Moyen Age, puis l'époque broque qui accouche du Roland furieux de l'Arioste et de la Jérusalem libéré du Tasse et le Don Quichotte de Cervantès (1605), qui est à la fois sa parodie et sa nostalgie et le « nouveau roman ». Zayde est une fiction qui se situe dans un passé relativement lointain, celui des califats arabes en Espagne. Le dossier qui fait suite au livre dans cette édition est très passionnant car on y présente les sources historiques utilisées par l'auteur. Ce qui est neuf ici, c'est que l'esprit chevaleresque et que les événements justifiant l'action soient surclassés par les sentiments et les amitiés. Au fond, c'est le registre courtois qui triomphe en d'autres termes. Zayde est construit comme des poupées russes qui se déploient dans le temps et l'espace, puisque l'auteur nous ramène à de situations antérieures. Après avoir vu ses espérances tuées dans l'oeuf à cause d'une belle Maria, le héros principal, Consalvé, comte de Castille, se voit exilé par le roi. Et c'est au bord de la Méditerranée qu'il découvre Zayde, victime d'un naufrage qui l'enchante aussitôt. Mais il croit que celle-ci est liée à un prince de Tarse. Au terme d'aventures complexes, les choses reviennent dans leur juste ordonnancement. Voltaire a loué cet ouvrage, qu'il regardait comme le premier roman censé. Madame de Lafayette est en effet pionnière dans ce genre, et on verra, par exemple, une grande partie de la littérature anglaise du XIXe siècle reposer sur l'opposition entre les passions et l'ordre social (les soeurs Brontë, Jane Austen, Thomas Hardy, même Henry James), bien sûr d'une autre façon et avec des contextes très différents. La Princesse de Clèves est la clef de voûte de cette formidable transition entre l'imaginaire gothique et celui des siècles suivants. Les mouvements de l'âme se heurtent là encore aux écueils de la raison.




Soulages, les papiers du musée, Pierre Encrevé, Gallimard, 256 p., 49 euro.

Cette fois, c'est fait ! Le musée Pierre Soulages a vu le jour cette année. On en parlait depuis si longtemps. Il est vrai que c'est un événement. L'importante donation que l'artiste avait faite au musée Fabre de Montpellier avait été le signe avant-coureur de sa consécration comme représentant principal de l'Ecole de Paris. Il est vrai que c'est l'un des rares survivants de cette période avec Geneviève Asse et Albert Bitran, deux artistes admirables. Et l'exposition récente de Beaubourg avait tout de même accrédité plusieurs légende, la première qu'il avait été imité par Franz Kline aux Etats-Unis (ce qui est absolument impossible), et ensuite qu'il avait été l'artiste du noir (ce qui est aussi absurde quand on connaît son oeuvre où la couleur joue un rôle considérable jusqu'à la phase des Outrenoirs et parce qu'il a été précédé en ce sens par Ad Reinhardt, Alberto Burri et d'autres encore). Ce choix de dessins - remarquables par ailleurs - s'inscrit dans cette mythologie. C'est tout de même une histoire bien curieuse ! Son oeuvre est bien plus vaste ! Mais nous feront avec. L'ouvrage est superbe et je ne bouderai pas ce plaisir de découvrir les créations de Soulages de 1946 à nos jours.




Obsessions, Jean-Jacques Schuhl, « L'infini », Gallimard, 160 p., 15,90 euro.

J'ai été parmi ceux qui a été séduit par Télex n°1 et Rose poussière peu après leur parution, c'est-à-dire une poignée de lecteurs ! Et puis Schuhl a joué la fille de l'air et n'a refait son apparition qu'en l'an 2000 avec son remarquable Ingrid Caven, qui a reçu le prix Goncourt. Et puis il a disparu de nouveau pour nous donner en 2010 l'Entrée des fantômes dix ans plus tard. Avec ces nouvelles, il n'a pas changé son cap, bien qu'il ait changé bien des choses dans son écriture. Son mode d'écrire est toujours l'impression qu'il s'est installé devant lui une table de montage de son invention et qu'il n'a de laisse de passer d'une image cinématographique à une réminiscence, d'un vieux cliché à quelques phrases enregistrées. C'est toujours un collage, mais sans rien à voir avec les dadaïstes ou les surréalistes, un cut-up, une suite vertigineuse d'associations qui donnent naissance à un monde qui n'appartient qu'à lui. Ces Obsessions connaissent deux moments forts qui se déroulent à New York : la visite dans le Bunker » de Burroughs dans le Bowery et des heures passées dans la Factory d'Andy Warhol en compagnie de la star de l'underground Viva. C'est absolument magique car il est capable de transformer ces moments disjoints de fiction en une évocation frappant de ce qu'a été le monde de ces grands créateurs de la modernité tel qu'ils demeurent inscrits dans une saga. Schuhl s'avère être un des meilleurs écrivains de sa génération malgré la rareté de son oeuvre. C'est un incontestable coup de maître !




Les Caricatures d'Adam Töpffer, Daniel Baud-Bovy, La Bibliothèque des Arts, 184 p., 39 euro.

On connaît bien l'oeuvre de Rodolphe Töpffer, son fils, qui est considéré comme l'inventeur de la bande dessiné, mais aussi un écrivain et un penseur remarquable. Mais les encres, lavis et aquarelles d'Adam Töpffer demeurent bien peu connues. Un superbe album vient réparer cette erreur. Ces caricatures du monde genevois du début du XIXe siècle méritent d'être considérées au même titre que celles de Daumier. En réalité, c'est un siècle de dessins satiriques qui est sorti de ses cartons qui démontre non seulement sa valeur comme artiste, mais aussi son sens prononcé de l'humour et son peu aménité dans la critique. Nous avons sous les yeux des merveilles de fantaisie et d'imagination, qui tire des tristes réalités sociales et politiques de cette époque des compositions qui font mouches et qui restent drôles aujourd'hui. Lui qui voyait Genève comme « l'entrepôt des pensées du monde » a été un voyageur et un homme de culture. Ses planches qui dépeignent avec beaucoup d'esprit et de style la situation que connaît la ville de Calvin après le Congrès de Vienne sont des pièces à ranger dans une anthologie de l'humour vache.




Chasse à l'homme, Alejo Carpentier, traduit de l'espagnol (Cuba) par L.-F. Durand, préface de Jean-Claude Masson, « Folio bilingue » , 288 p., 6,80 euro.

C'est l'un des très beaux romans de l'écrivain cubain Alejo Carpentier, qui avait été publié dans la collection « La Croix du Sud » dirigée par Roger Caillois en 1958. C'est l'histoire d'un homme qui avait participé au mouvement de contestation clandestin contre le dictateur Machado. Après le départ de ce tyran, les anciens révolutionnaires sont parfois devenus des mauvais garçons. Et Cuba connaît des heures sombres d'instabilité politique et sociale. Notre héros a trahi ses anciens compagnons de lutte et ceux-ci le poursuivent pour l'abattre. Il a l'idée de se réfugier au milieu du public d'une salle de concert où est exécuté la Troisième symphonie de Beethoven. Pendant que l'orchestre joue l' « Héroïque », il revoit son existence. La curiosité de ce récit, c'est qu'il est écrit à la manière d'un roman noir, avec des phrases courtes et un rythme trépidant. C'est là un bien étrange (et séduisant) mélange de construction conventionnel et de littérature d'avant-garde. Et Carpentier maîtrise à tel point son sujet que les digressions passant dans l'esprit de l'homme traqué qui tiennent dans le temps de cette oeuvre symphonique en faisant surgir un univers intense, perverti, poétique parfois et surtout les contradictions de l'époque qui ont conduit cet homme à tenir le rôle du traître.




La Fièvre de l'or, Narcis Oller, traduit du catalan et présenté par Mathilde Bensoussan, « Minos »  La Différence, 576 p., 18 euro.

Ce roman est admirable. Son titre ferait songer à Emile Zola (l'Argent), et c'est un peu vrai. Son gros roman, paru en 1890 et en 1892 pour la seconde partie, est pourtant imaginé d'une toute autre manière même s'il avait une grande admiration pour l'auteur des Rougon Maquart. Cela se passe dans la région de Barcelone et l'on voit à l'oeuvre une bourgeoisie médiocre et peu cultivé s'enrichir très rapidement en spéculant sur les biens agricoles, en particulier la viniculture. Quand la maladie touche le vignoble catalan (comme ce fut le cas en France), tout cet échafaudage financier s'effondre. L'auteur a décrit avec un luxe de détails savoureux ce petit monde entrainé dans une course folle pour conquérir des richesses qui paraissent inépuisables et devenir les nouveaux maîtres du pays. C'est dépeint avec science, avec un goût du pittoresque révélateur, un sens du grotesque qui n'est jamais accentué, mais au contraire mis en sourdine, une capacité de reconstruire par les mots un monde turbulent et plein de fatuité, guidé par le démon de la vénalité. C'est un grand livre écrit par un auteur qui mérite d'être mieux connu. Cette réédition devrait permettre d'accomplir ce dessein.




La Promesse de l'aube, Romain Gary, Folio, 466 p., 7,90 euro.

Dans ce grand livre autobiographique, Romain Gary part de sa tendre enfance jusqu'à la campagne de France en 1940 et son engagement auprès du général De Gaulle dans la France Libre. Il raconte d'une manière divertissante et légère sa relation étonnante avec sa mère - une relation forte et exclusive - , qui veut à tout prix qu'il ait un destin exceptionnel. Et, curieusement, l'enfant, puis l'adolescent et le jeune homme, réalise ce que cette femme déterminée exige de lui. Il connaît bien sûr des échecs, en particulier en s'essayant à la peinture et il ne sera pas sous—officier dans l'aviation, mais aura tout de même le grade de sergent. Romain Gary a un don rare pour le récit, qui semble couleur de source. Il a la faconde et la facilité à mêler la fantasmagorie et la réalité comme Blaise Cendrars. Sans doute ne possède-t-il pas la poésie de la poésie de ce dernier, mais il compense ce défaut par un style souple et animé. En lisant la version définitive de cet ouvrage, on ne peut s'empêcher de rendre à César ce qui appartient à César : certes pas le génie littéraire, mais un talent débordant.




Moi, j'attends de voir passer un pingouin, Geneviève Breissac, 10/18, 144 p., 6,10 euro.

Geneviève Brissac a un beau brin de plume. C'est une romancière d étalent. Mais, avec ce petit livre, elle a cédé à la tentation de tant d'auteurs de flatter son public. Elle se recommande de Jean Paulhan, cite Virginia Woolf, fait intervenir Marcel Proust en vedette surprise et met en scène toutes sortes de personnages loufoques et des animaux pour faire bonne mesure. C'est un piège où l'auteur s'amuse et distrait son lecteur, mais en faisant plein de sous-entendus cultivés, pour le rendre intelligent. Voilà la rançon du succès à Paris : l'écrivain, pour exister, doit plaire et distraire. Mais je me demande : faut-il vraiment exister ? On lui pardonnera cette pochade et on attendra un nouveau et beau roman.




Capillaria, Frigyes Karinthy, traduit du hongrois par Véronique Charaire, « Minos », La Différence, 96 p., 12 euro.

Ce roman minuscule du grand romancier hongrois (1887-1938) s'inscrit dans la tradition des romans utopiques et le rapproche d'emblée de Voltaire (Micromégas) et de Jonathan Swift (les Voyages de Gulliver). Mais, assez curieusement, il est encore plus proche de la prose de Giacomo Casanova : en effet, le début de l'ouvrage rappelle celui de l'Isocameron avec le naufrage et l'arrivée dans un monde vingt mille lieues sous les mers ! Mais cette fois, le héros de l'histoire ne se retrouve pas dans une civilisation sous-marine complexe de petits êtres multicolores, mais d'une société entièrement gouvernement par des femmes. Ces dernières ont des corps transparents et d'étranges facultés. Tout se passe pour le mieux car ses geôlières le prennent d'abord pour un être de sexe féminin ! Les choses se gâtent par la suite et il est soumis à de mauvais traitements. La prospérité de ces Ohias repose sur l'exploitation du travail des Bullocks, des êtres dont elles se nourrissent volontiers et dont elles profitent de la volonté de construire des architectures savantes. Il découvre l'univers fascinant de ces derniers mais en partage aussi le sort peu enviable. Un tremblement de terre le sauve in extremis et le ramène à l'air libre. C'est un petit livre merveilleux, qui n'est pas tendre pour le sexe faible, mais qu'il faut prendre pour ce qu'il est : un divertissement en ensuite une fable.
Gérard-Georges Lemaire
04-09-2014
 

Verso n°136

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