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[verso-hebdo]
11-09-2014
La chronique
de Pierre Corcos
Dramatiques enjeux
La photographie ne peut pas s'enferrer dans l'esthétisme de recherches formelles pures, ni dans le photoreportage convenu ou dans le sensationnel divertissant : sa capacité à saisir, mémoriser ce qui est à la fois monstrueux et menacé d'oubli, à témoigner directement de l'inhumain dans l'homme, lui confère une gravité dramatique et une valeur éthique irréfragables. Et, si l'on se réfère aux seules Rencontres d'Arles de l'année dernière, les questionnements critiques d'un Alfredo Jaar, les témoignages percutants d'un Jean-Louis Courtinat et le cas de Kevin Carter, suicidé du photoreportage, nous rappellent que la capture photographique de certains moments de l'Histoire - acte héroïque et fondamental - contribue à (dé)construire la représentation que les hommes se font d'eux-mêmes.

Voici un exemple de cette mission, bouleversant... Jusqu'au 28 septembre, l'exposition phare du Mémorial de la Shoah, Regards sur les ghettos, présente (et cela pour la première fois en France) quelques 500 photographies, inconnues ou peu connues, des ghettos durant la Seconde Guerre Mondiale.
On le sait, les Nazis avaient rassemblé les populations juives dans des ghettos pour mieux les contrôler puis les anéantir. Largement surpeuplés, misérables, insalubres, ces ghettos furent le bagne à ciel ouvert où des centaines de milliers de Juifs furent condamnés à une mort lente et atroce, ou bien l'antichambre d'une extermination rapide dans les camps... Le génocide, évidemment, devait comme tout crime innommable rester secret, ou alors le ghetto être maquillé en « camp de travail » présentable. Et donc les appareils de photo furent confisqués, interdits dans la population, tandis que les visites de ces lieux de géhenne furent prohibées ou sévèrement contrôlées... Mais des civils juifs ou polonais, amateurs ou professionnels, photographièrent héroïquement cette effroyable situation, dissimulèrent leurs pellicules en les enterrant ou en les exfiltrant (dans des semelles de chaussure par exemple). Par ailleurs, des photographes nazis, dépendants du ministère de la Propagande, firent des photos, mises en scène maladroitement, à des fins de propagande antisémite. Enfin, des soldats allemands, par voyeurisme, curiosité, ou encore des personnes extérieures qui purent entrer dans ces ghettos firent également des photos. Et tous ces précieux documents se retrouvèrent dans plusieurs collections, en Europe, Amérique du Nord, Israël.
Sophie Nagiscarde et Marie-Édith Agostini, commissaires générales de l'exposition, ont voulu opérer un retour sur l'image, par sa mise en contexte et la diversité de ses productions. Le croisement, ici, des regards photographiques juifs (Ross, Kaddish, Grossman), allemands (Jöst, Georg, Kirnberger), etc., ne vient pas tant nous convaincre des enjeux dramatiques et idéologiques de la « guerre des images » que de l'accablante inhumanité dont les Allemands nazifiés ont pu se rendre coupables, et de l'inestimable valeur de l'acte photographique à ce moment précis. L'un des photographes présents fut ainsi convoqué au Procès de Nuremberg... Les citations pathétiques des témoins, accompagnant ces clichés, contribuent à transformer cette confrontation avec les cimaises en une expérience éprouvante, qui n'a plus rien à voir avec la visite habituelle d'une exposition de photos.

Cadavres dans les rues, enfants d'une maigreur pitoyable, déchirantes scènes de séparation, sourires craintifs de ceux qui espèrent encore, admirables tentatives de créer, maintenir du lien social (scènes de famille, activités culturelles) en dépit de tout, dénuement absolu au quotidien... Comme le dit Daniel Blatman, commissaire scientifique de l'exposition, « ces photos montrent que la Shoah a détruit des individualités, des enfants, des hommes, des femmes, dans lesquels chacun peut se reconnaître ». Mais la richesse, la précision, l'exhaustivité de la documentation historique, qui analyse et met en perspective ces documents visuels abrupts, ne parvient guère à offrir une distance, objective et apaisante, au spectateur.
Interpelé par ces regards inquiets, perdus et bouleversants, tournés au départ vers le photographe et parvenus jusqu'à lui, impressionnants d'humanité dans leur questionnement sans réponse, le spectateur n'est plus spectateur. Comme l'aurait dit Lévinas, il est pris en otage, il se trouve sous la dépendance de ce regard, de cette altérité qui ouvre une transcendance... Ou bien l'absurdité de cette misère infinie sous le soleil (qui favorise incidemment la réussite de la photo), de ce gâchis terrifiant, de ce monstrueux holocauste, le plonge dans une réflexion amère sur le triomphe de la mort, de la pulsion de mort.

Quoi qu'il en soit, et juste parce qu'elle est photographique « l'exposition délivre un message important aux générations nées après-guerre : chaque meurtre de masse est une tragédie concrète, réelle (...) ce n'est pas une abstraction », conclut Daniel Blatman.
Pierre Corcos
11-09-2014
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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