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[verso-hebdo]
11-09-2014
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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À propos d'une expo de Buraglio : réfracter la beauté |
Le titre de l'actuelle exposition de Pierre Buraglio à la galerie Jean Fournier est ...à tenon et mortaise (jusqu'au 11 octobre), ce qui ouvre une piste utile si l'on s'intéresse à la question de savoir en quoi consiste son style. Rappelons tout de suite que l'expression « à tenon et mortaise » vient du monde de la menuiserie pour désigner une sorte d'assemblage de deux morceaux de bois. Ce serait une métaphore de la démarche de Buraglio qui depuis longtemps procède par emboîtement de formes, de matériaux et de supports et par constructions mentales. Rien d'étonnant de la part de ce petit-fils d'entrepreneur en bâtiment qui vit toujours dans la maison familiale de sa naissance, à Maisons-Alfort, construite par son aïeul. D'emblée, s'agissant de ce que nous propose aujourd'hui le peintre, nous voici devant la distinction classique entre style et métier. Laissons de côté certaines personnes autoproclamées artistes qui se flattent de ne RIEN faire et admettons que tout art est métier d'abord. On oubliera donc la distinction hasardeuse de Malraux entre l'artisan qui se contente d'imiter et l'artiste qui innove sur fond de volonté de puissance. L'artiste peut bien être un révolté (Buraglio le fut), récusant et cherchant à dépasser ce que font les autres, il n'oublie pas d'être un bon ouvrier (c'est le cas ici).
L'exposition de Pierre Buraglio, principalement consacrée à des variations sur sa maison et les rues d'alentour, peintes sur carton ondulé et contreplaqué, où prédominent l'ocre rouge (pour nous parler de briques) et le bleu (pour évoquer le ciel) nous invite à (re)découvrir que le style est métier, mais un métier qui permet à l'auteur de s'exprimer et d'être soi. Devant l'émouvant petit ensemble de peintures sur carton et découpage intitulé À Pietro B. (65 x 85 cm, 2014) nous voyons bien à quel point un acte prémédité, exigeant de l'application et du savoir-faire, livre le mieux la spontanéité humaine. Dans les travaux récents comme dans ceux plus anciens présentés par la galerie Jean Fournier (des Fenêtres en particulier), on comprend comment le style est le lieu où apparaît l'auteur, étant entendu qu'il l'est par ce qu'il y a en lui de plus technique : une façon particulière d'assembler les traits, les couleurs et les matières pour fabriquer l'oeuvre qui fera apparaître lumineusement ces combinaisons simplifiées par où l'artiste ne cesse d'ajouter à la nature et d'affirmer sa liberté souveraine. Il y a style lorsque nous éprouvons une certaine relation vivante de l'artiste au monde. Buraglio est celui par qui existe cette relation qu'il suscite moins qu'il ne la vit.
Buraglio a souvent donné ses références de prédilection en matière de peinture : Philippe de Champaigne, Delacroix, Cézanne surtout. Cézanne, et pas Monet. Car Monet dissolvait la pierre de ses cathédrales dans un acide de lumière alors que Cézanne faisait saillir les articulations noueuses de ses paysages aixois. Les deux grands peintres avaient chacun leur irréductible vision du monde. Celle de Buraglio, aujourd'hui, est à l'évidence cézanienne : elle est obsession d'une plénitude, d'une rigueur, d'une immuabilité que l'on éprouve aussi bien devant les Embellies (des paysages presque entièrement mangés par les ciels, hommages à la peinture hollandaise du XVII e siècle) que devant le si modeste pan de mur de briques rouges de Rue Serge Reggiani (peinture sur contreplaqué sur feuille de plomb, 2014). Il y a bien, depuis les années 60, une ressemblance entre les oeuvres pourtant si diverses de Buraglio : mais cette ressemblance ne procède pas de l'application répétitive d'une même recette. Elle tient simplement à ce que l'artiste cherche toujours à s'exprimer sans tricher. C'est à cela que l'on repère son style, qui manifeste invariablement la nécessité d'une forme sensible soumise à une norme que l'on peut bien nommer esthétique. Buraglio ne le fait sans doute pas exprès, mais c'est ainsi. Il est de ceux qui, comme disait Proust de certains littérateurs dans La Prisonnière, « n'ont jamais que réfracté à travers des milieux divers une même beauté ». Regardez bien le simplissime balcon de fer forgé de Rue Wardell Gray (2014), et vous comprendrez.
www.galerie-jeanfournier.com
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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