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[verso-hebdo]
25-10-2023
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La chronique de Gérard-Georges Lemaire |
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Chronique d'un bibliomane mélancolique |
Van Gogh, Anne Sefrioui, « L'art le plus grand », Editions Hazan, 124 p., 39, 95 euro.
Auvers-sur-Oise, les derniers mois, sous la direction de Nicole Backer, Emmanuel Coquery, Teto Meedenderp & Louis van Tilborgh, Editions Hazan / Musée d'Orsay, 256 p., 45 euro.
Les dernières lettres, édition d'Emmanuel Coquery, Editions Hazan / Musée d'Orsay,124 p., 14, 95 euro.
Van Gogh le dernier tableau, Samuel van der Veen, Editions Hazan / musée d'Orsay, 128 p., 18, 95 euro.
Vincent van Gogh, depuis ses premières créations, comme le Champ de tulipes en 1863 à ses derniers tableaux à Auvers-sur-Oise en 1890. Après une courte et éclairante préface, nous sommes invités à voir dans un grand format (parfois avec des détails) les différentes étapes de cette oeuvre qui des Pays-Bas nous conduit au Borinage, puis à Paris, à Arles et à Auvers-sur Oise où se termine prématurément son court séjour sur terre. Si nous retrouvons ses compositions les plus connues, d'autres, qui le sont moins, sont introduites comme ses Iris de 1888 ou un certain nombre de paysages qui seront pour beaucoup des découvertes. C'est un excellent procédé pour prendre toute la mesure de son aventure picturale, qui a semblé à l'époque une sorte de folie et qui, après sa mort, est une quête esthétique très poussée. La période parisienne, à l'époque où il fait la connaissance d'Emile Bernard et de Paul Signac, on peut noter l'évolution qui s'est faite avec beaucoup d'audace pendant ce relativement court séjour.
On y découvre Les Livres jaunes, avec un grand empilement d'ouvrages romanesques qui montre à quel point la lecture des auteurs de son temps comptait à ses yeux (il a peint plusieurs toiles sur ce thème où, par exemple, Guy de Maupassant et les Goncourt sont mis en scène). On y voit aussi sa vision de la Butte Montmartre et aussi lees toits de la capitale. Des figures qui ont coopté dans son existence sont présentes, comme La Femme au tambourin et L'Italienne qui nous présente son amie Agostina Segatori, qui tenait un petit bistrot du boulevard de Clichy, dont il semble qu'il serait tombé amoureux.
Il explore aussi la banlieue, qui était alors loin d'être urbanisée. Encore. En quelques mois, il a pu assimiler les nouveaux modes de la peinture d'alors, à commencer par l'impressionnisme qui avait commencé à entrer dans les moeurs. Mais il n'a pas suivi l'enseignement direct de ces ue de l'exposition présentée depuis peu au`artistes décidés à changer les principes fondamentaux de leur art. Cet album fastueux donnera l'envie aux amateurs d'aller plus loin dans la connaissance de cette oeuvre picturale qui est devenue mythique. Pour nous, ses excès, dans les formes et les couleurs sont devenus très familiers à nos yeux. La grandeur des reproductions permet néanmoins de comprendre ce qui a pu surprendre et déplaire à son époque car Van Gogh a dépassé de loin les outrances relatives des impressionnistes (et il convient de ne pas oublier qu'il meurt bien avant que Claude Monet n'ait exécuté des toiles quasiment abstraites).
Le catalogue de l'exposition présentée par le musée d'Orsay depuis peu (elle se tiendra jusqu'au 4 février 2024) C'est un parcours qui concerne les quelques mois qu'il a passé dans ce village où il est arrivé le 20 mai 1890 après avoir passé quelques jours à Paris, où il a retrouvé son frère et sa famille ainsi qu'avoir rencontré quelques amis dont Henri de Toulouse-Lautrec. Ces études très détaillées nous font découvrir l'extrême richesse des oeuvres qu'il a pu élaborer pendant ce bref séjour qui s'est achevé par cette mort dramatique. Les auteurs nous invitent à suivre pas à pas Vincent van Gogh, à faire la connaissance de tous ceux qu'il rencontre ou qu'il fréquente. Nous savons aussi où se trouvent les lieux où il a installé son chevalet. A l'inverse de ce qu'on pourrait penser, le peintre n'a pas été désolé de ne plus avoir le ciel ensoleillé du Midi, trouvant dans la campagne du Nord des couleur moins fortes, mais néanmoins pleines de force et d'intensité.
Il est évident que d'être dans ce lieu n'a pas atténué sa volonté de poursuivre ses spéculations chromatiques et sa manière de rendre avec passion les paysages. Son énergie est toujours considérable. On est même surpris du nombre de tableaux qu'il a pu faire pendant cette période assez brève. La Chaumière de Cordeville, une oeuvre peu connue, est remarquable car il échangé le bleu ou même les teintes mordorées de ma campagne d'Arles par du gris qui lui procure une densité tout aussi puissante avec tous ces verts quia bondent sur la modeste demeure et dans les champs au premier plan. Son paysage avec chariot repose sur une perspective profonde, la router qui traverse les lieux et la maison au tout rouge qui introduit un contrepoint coloré avec toutes ces gammes de verdure. On retrouve dans toutes ces toiles qui rendent honneur aux splendeurs de la campagne déjà nordique. Elle est bien moins somptueuses que les vues du Midi, mais possède une beauté et un charme tout aussi merveilleux.
Il fait aussi de nombreux portrait, par exemple celui d'Adèle Raveux, de profil sur un fond bleu, et diverses jeunes filles toujours dans une pose différente. Tous ces modèles sont agréables à regarder, mais un peu tristes et même mélancoliques. Marguerite Gachet au piano est vue de profil sur un fond vert avec là aussi une pointe de tristesse qui semble émaner de sa beauté. Le sourire et la joie, il ne les a offerts qu'aux petits enfants. Là encore, sa peinture évolue rapidement. Elle se fait plus sombre et se charge de bleus ou de verts, mais ce n'était pas systématique chez lui. Il nous étonne sans cesse par sa capacité de changer de registre selon les cas. Et parfois le jaune revient avec détermination comme avec ses Champs aux meules de foin ou ses Gerbes de blé. En somme, il retrouve ses gammes favorites en fonction du temps et du travail des agriculteurs.
Il a aussi exécuté de splendides bouquets très sophistiqués ou des branches d'arbres qui ne ressemblent à rien de ce que faisaient ses confrères. Loin d'être désemparé ou déprimé (même si quelques-unes de ses toiles expriment le désespoir), Vincent van Gogh a travaillé avec une incroyable vitalité et aussi en se servant de toutes les connaissances techniques et émotives qu'il avait accumulées au fil du temps de son expérience. Cet ouvrage est à la hauteur de l'ambition de cette superbe exposition. Il faut absolument lire le remarquable essai placé à la fin du catalogue : « Les premiers signes de reconnaissance de l'artiste » écrit par Bregie Gerritse et Sara Tas, qui montre l'action d'amis (comme Emile Bernard), d'une poignée de critique et la veuve de son frère Theo, Johana (dont le rôle fondamental est complètement oublié dans ce texte). On sera un peu étonné du silence du docteur Paul Ferdinand Gachet, qui est resté très silencieux. Enfin, reste à être sûr s'agisse d'un suicide, qui ne s'explique ni par sa vie à Auvers, ni par son travail, ni par ses relations, ni par sa correspondance. S'est-il vraiment donna publié ses lettres, qui révèlent les moments précédant sa mort ou s'agit-il vraiment d'un stupide accident comme-certains l'ont-avancé récemment ?
La correspondance de Van Gogh a été très abondant Depuis sa disparition, on n'a plus cessé de rééditer ses lettres, surtout celles adressées à son frère Theo. Cet ouvrage recueille celles qui ont été rédigées pendant la dernière année de son existence. Tout commence le 20 mai 1890, peu après son arrivée à Auvers-sur-Oise, en coïncidence donc avec l'exposition du musée d'Orsay. Tout commence donc le 20 mai 1890 avec une missive envoyée à sa famille à Paris. Ce qui surprend dès le début, c'est le nombre de lettres qu'il envoie, surtout à son frère Theo et à sa belle-soeur Jo (Johana).
Il y évoque son quotidien, les vicissitudes de sa vie et aussi des problèmes de sa santé, mais il insiste toujours sur le fait qu'il travaille avec assiduité et que sa production n'est pas indifférente. Elles donnent l'impression d'un journal intime qu'il confie à ses proches. Mais il écrit à d'autres personnes, comme Joseph Jacob Isaacson. Ce qui est intéressant est qu'on puisse voir les réponses de Theo à son frère. La dernière lettre date du 23 juillet et elle ne semble pas être celle d'un être près à mourir, bien au contraire. Mais il n'a pas expédié cette dernière lettre. Le fameux coup de feu aurait été tiré le 27 juillet dans la soirée. Il a achevé ses Racines d'arbres (et non Les Corbeaux comme on le dit trop souvent) Rien ne donne le sentiment dans toutes ces lettres d'une volonté suicidaire, même s'il a pu parfois exprimer des moments de découragement. Ce n'était pas un cas isolé. Ainsi la fin de l'artiste demeure un mystère qui, sans doute, ne sera pas résolu.
Les grands musées de France vendent dans leurs librairies de plus en plus de produits dérivés. Le Centre Pompidou a même désormais une cellule qui s'occupe spécifiquement de ce problème. Le musée d'Orsay ne pouvait manquer à ce genre d'exercice. Je suppose qu'il a éditer des carnets, des crayons, des gommes, des marque-pages en plus des traditionnelles cartes postales. Ils ont même eu l'idée de publier une bande dessinée intitulée Le Dernier tableau (qui n'est pas de fait son dernier tableau). Le dessin n'est pas très beau et des corbeaux et même la port, sous l'aspect classique de la grande faucheuse apparaissent dans ces pages où le peintre est représenté en chemise et les pantalons sont assujettis par des bretelles. D'un bout l'autre, l'auteur nous le présente comme un malheureux pas très sale, mais à l'allure un peu débraillée. Cela manque d'invention et de talent, mais aussi de véritable connaissance du destin de cet homme tourmenté. On y retrouve aussi tous les poncifs imaginables qui le concerne. Je comprends pas qu'un musée de cette importance puisse, à des fins vénales et non pédagogiques, signer un tel ouvrage. Si la bande dessinée n'est pas de mon goût en général, il existe néanmoins des créateurs dans ce domaine qui auraient été mieux inspirés. C'est très regrettable.
Morandi, 1890-1964, sous la direction de Maria Cristina Bandera, 2Ore Cultura / Civilità - Mostra e Musei, 288 p., 34 euro.
Le destin posthume de Giorgio Morandi est plutôt surprenant car ce peintre a pris une place notable dans le contexte de ce XXe siècle si riche en peintres dans la péninsule italienne. En France, il est à peu près le seul artiste qui ait régulièrement des rétrospectives et qui soit apprécié au plus haut point. Sa notoriété l'a enfermé dans une catégorie étroite et de surcroît erronée. Il n'a pas été qu'un peint qui a passé toute sa vie à Bologne, via Fondazza, à peindre surtout des bouteilles et des fleurs. De plus, on le présente souvent comme un être solitaire et éloigné de la vie artistique. Il vivait avec sa mère et avec ses trois soeurs cadettes, Anna Dina, Maria Teresa, qui sont restées à son service toute leur existence. S'il ne menait pas une vie mondaine, il connaissait très bien les historiens et les critiques d'art, les directeurs de musée et un nombre non indifférent de collectionneurs, car ces derniers se sont intéressés assez tôt à son travail. Il a fait ses études à l'Académie des Beaux-arts de Bologne (il a suivi ses cours avec Tozzi et Licini) et a commencé à avoir des discussions houleuses avec ses professeurs les dernières années, car il avait déjà découvert Cézanne, Derain et Picasso.
Il a fait un voyage à Florence, qui lui a permis de connaître Giotto, Masaccio, Piero Della Francesca et Paolo Uccello. Ces maîtres de la Renaissance lui ont été précieux pour son développement. En 1918, il eut une brève période futuriste, suivie d'une aussi brève période inspirée par la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico. Ce qui rend particulièrement intéressant cette exposition est qu'elle montre des toiles peu connues, surtout des paysages de la campagne où apparaissent des bâtisses isolées qui rappellent un peu Cézanne, mais aussi les compositions de Carlo Carrà de cette époque. De toute évidence, Morandi a entamé un retour à la peinture d'autrefois, mais sans pourtant vouloir ressusciter l'art de la Renaissance ni même celui des macchiaioli. Il a recherché un-équilibre entre l'ancien et le moderne, sans que l'u prévale sur l'autre. Ces vedute sont assez ascétiques, autant dans la couleur que dans la construction du sujet. On sent qu'il a éprouvé le besoin d'une économie de moyens. Et puis il a évité tout romantisme et tout sentimentalisme. Il n'y a rien d'idyllique dans ces champs et ces bosquets. On se rend compte que ce qu'il a sous les yeux n'est qu'un pur prétexte pour exprimer ses pensées sur le faire pictural. Les innombrables natures mortes qui ont suivi ne sont que la traduction d'une théâtralité qu'il a voulu rendre par une certaine gamme chromatique et des formes parfois insolites.
Les vases, les bouteilles, les boîtes, les fleurs (entre autres choses) sont là pour rendre tangible (et intelligible) sa vision du monde. Tous ces objets contribuent à la création de cet univers intime qui dépasse le stade de la figuration. Il a désiré nous faire admirer des choses qui sont d'un intérêt modeste et même ses bouquets ne sont guère à la hauteur de ceux de Fantin-Latour et cela de façon volontaire, cela va sans dire. Ce catalogue nous permet de conserver la mémoire de toutes ces toiles, de ces dessins et de ces quelques gravures. Mais il nous apporte beaucoup pour connaître la relation de Morandi avec le microcosme de l'art italien de son temps. Les relations qu'il a entretenues avec des historiens ou des critiques d'arts influents comme Cesare Brandi Carlo Ludovico Ragghianti, Francesco Arcangeli et Roberto Longhi sont étudiées en détail. Et cela nous montre la vérité d'un artiste qui ne sortait guère, mais qui a su faire en sorte que tout ce monde vienne à lui dans son atelier.
C'est vraiment passionnant car on découvre un stratège habile qui a tenu le rôle du peintre solitaire et isolé, pas très riche et méprisé, loin des mondanités et des reconnaissances officielles. Il fut un acteur né ! Quoi qu'il en soit, ce que nous apprend cet ouvrage, c'est qu'il a déjà compté de son vivant et qu'il a été collectionné avec dévotion. Si vous n'avez pas l'occasion de visiter l'exposition du Mudec, voici un catalogue qui pourrait vous consoler et vous apprendre bien des choses sur ce créateur peu ordinaire et doué pour inventer une peinture comble d'objets qui sont de pures utilités au service de sa conception d'un art abstrait qui se matérialise à travers le modeste bric-à-brac de sa cuisine transcendé !
Peinture fraîche, Chloë Ashby, traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff, Quai Voltaire, La Table Ronde, 368 p., 24 euro.
L'héroïne de ce roman de Cloë Ashby se prénomme Eve. Elle a vingt-six ans. Son existence a basculé avec la mort de sa meilleure amie Elle a perdu ses repères. Elle vit dans un modeste appartement qu'elle partage avec d'autres personnes. Elle s'isole de plus en plus et s'enferme dans une sorte de routine qu'il la fait s'abstraire de la réalité. Son présent ne dépend plus que de son passé et elle songe sans cesse à son amie disparue. Elle ne travaille plus (elle n'a plus son emploi) - elle devient modèle pour payer ses factures - et se complet de sa douleur. Elle repousse tout ce qui la pourrait faire sortir de son état qui est un enferment mental qui frôle l'autodestruction. Et le passé ne cesse d'envahir ce qu'elle vit.
En fin de compte son histoire est plutôt celle qui est désormais révolu que celle qu'elle devrait affronter. Ce qui est étrange, c'est que le monde de l'art qu'elle fréquente désormais ne lui suggère rien qui puisse l'étonner ou la séduire. L'auteur décrit avec le plus grand soin l'univers qui l'entoure et qui ne semble pas l'intéresser. Dans cet ouvrage, elle sert plutôt de révélatrice des êtres et de événements qui se déroulent dans les ateliers. Ce que l'auteur a su très bien faire, est de ne pas verser dans le pathos ou le sentimentalisme. Eve, aussi curieux que cela puisse sembler, parvient à surmonter son chagrin et sa douleur et aussi à trouver paradoxalement sa place dans cette situation qui n'était à l'origine qu'un pis-aller. Le regard que porte Chloë Ashby sur sa créature est traité avec une pointe d'humour et d'ironie et nous fait accepter cette vision qui rend difforme la société où évolue Eve, étrange (alors qu'elle se développe dans ce qui serait la pure normalité pour les acteurs qui y évoluent) et un peu surfaite. Il y a beaucoup d'esprit dans ces pages et aussi une manière de dépeindre le drame d'une individualité qui ne se révolte pas contre les coups amers du destin, mais se laisse porter par les événements qui ne représentent pas grand-chose pour elle. C'est narré avec pas mal d'esprit d'intelligence.
Même si l'écrivain se laisse aller à des facilités de langage pour rendre le climat ce cette affaire moderne et tombe parfois dans le travers de quelques longueurs, on doit reconnaître que c'est assez réussi. Nous devons reconnaître la qualité de son oeuvre et de sa faculté de développer une intrigue avec originalité. Bien sûr, l'auteur n'a pas renversé la table de l'expérience romanesque, mais a au moins su tirer son épingle du jeu avec brio.
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Gérard-Georges Lemaire 25-10-2023 |
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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