Il y avait Lille Art Fair (j'en ai rendu compte l'année dernière). Il y a désormais Art Up, qui vient de se dérouler du 13 au 16 février. Simple changement de nom, ou naissance d'une nouvelle foire ? Il me semble que la deuxième hypothèse est la bonne, et que cela tient sans doute d'abord à la personnalité de son directeur, Didier Vesse, qui ne s'exprime pas du tout comme ses homologues à travers le monde. Jugez-en : « Organiser une foire d'art contemporain, éviter la prétention suffisante, être dans l'actualité, aimer l'autre, mettre en scène, combattre les préjugés, architecturer, écouter, rassembler... » Vous vous rendez compte ! Un responsable dans le monde de l'art contemporain qui entend éviter la prétention suffisante, aimer l'autre et combattre les préjugés ! Vaste, sympathique et rare programme, en vérité, auquel la première édition d'ArtUp ressemblait en effet en grande partie, ce qui lui conférait une incontestable originalité.
C'est ainsi que l'on rencontrait, à côté d'excellentes galeries déjà présentes en 2013, comme la belge Mazel (avec François Boisrond, Quentin Garel, Bruno Timmermans...) ou la lilloise Raison d'art (avec Duytter l'an dernier, Guy Denning en 2014), deux galeries basées à Londres : Mead Carney, qui proposait rien moins que, parmi d'autres, Damien Hirst ou Robert Longo, ainsi que Shine Artists spécialisée dans la défense de plasticiens chinois originaux comme Hwang Seon-Tae. Le Japon était présent, avec une douzaine d'artistes nippons présentés par NFF Japon basée à Hyogo, ainsi que la Pologne avec la Dagmara Kowal Galerie présentant trois artistes dont Jacek Hazuka, peintre à l'onirisme impressionnant. Beaucoup de jeunes à découvrir dans les stands des galeries belges et françaises, mais aussi des gloires consacrées comme JonOne et Speedy Graphito à la New Square Gallery spécialisée dans le street art (Lille) ou Ernest Pignon-Ernest, dont Art To Be Gallery (Lille) présentait une intéressante sélection de dessins. Plusieurs galeries parisiennes étaient là, parmi lesquelles on remarquait particulièrement la Schwab Beaubourg vouée à des peintres expressionnistes de qualité (Antoine Correia, Dominique Renson, Jean Rustin...)
Mais insistons sur les jeunes à découvrir. J'avais été frappé, l'été dernier, par la densité de l'exposition commune d'Emilie Sévère (peinture) et Michel Soudée (video) dans la chapelle du Prieuré Saint-Gabriel à Saint Gabriel-Brécy (Calvados). Revoici Emilie Sévère au Grand Palais de Lille, présentée par les galeries Convergences et Intuiti de Paris avec un très grand tryptique, vaste labyrinthe de formes organiques où le spectateur peut se perdre avec délices.
Coloriste raffinée, Emilie Sévère maîtrise avec une déconcertante virtuosité le problème des transitions. Ne pas chercher de sens dans ces errances nées de la pure jubilation de la peinture : l'artiste, associée à quatre autres plasticiens (Makiko Kamohara, Mathilde Le Cabellec, Jean-Marc Planchon et Michel Soudée) s'en est expliquée sur le thème de l' « Inconnaissance » : « L'image précède la lettre, l'idée redevient forme. L'Inconnaissance résonne comme une impermanence, une incertitude, une dilution d'état. Elle est la surprenante réponse d'un court état sensoriel où se révèle un choix inconscient. L'inconnaissance est une parenthèse de la pensée, comme une acceptation de la non-analyse. Elle permet d'accéder aux marges, dépouillées de toutes pensées... »
La seule participation d'Emilie Sévère aurait été suffisante pour que l'un des principaux objectifs de Didier Vesse soit atteint : « participer activement aux nouvelles approches artistiques, faire connaître de nouveaux artistes... ». Oui, décidément, face notamment à Rotterdam et Bruxelles, Lille et sa foire d'art contemporain renouvelée fait mieux que tenir son rang : elle devient le théâtre d'un événement international de premier ordre dans les pays du Nord.
www.art-up.com
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