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[verso-hebdo]
10-04-2014
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Octogone, Jacques Roubaud, Gallimard, 320 p., 18,50 euro

Titre énigmatique pour un livre qui l'est encore plus. Je ne considère pas Jacques Roubaud comme un poète, mais comme un grand prosateur, et nombre d'entre vous m'en feront le reproche et ils auront sans doute raison. En tout cas, c'est la mathématique qui le conduit dans ce livre vers la poésie : il aime décortiquer les formes de la versification et en analyser les formules savante. La sixtaine est une de ses études favorites dans ce recueil avec la formulation de Monge. De quoi s'agit-il au fond ? De plusieurs petits livres où il se plaît à plagier, parodier, estropier (avec élégance et science), dénaturer et mettre en évidence (avec une jubilation intérieure manifeste) les tics et les tocs des poètes anciens et modernes. Il y a dans ses « Partitions parisiennes » de vraies perles. Même s'il a utilisé la manière et le mode d'expression d'un autre auteur, il est capable de susciter l'admiration. Bien sûr, on ne tarde pas à soupçonner un projet oulipien dans ces pages qui se lisent avec délices, même si nous n'avons pas toutes les clefs pour en savourer et l'humour et l'esprit. Le charme opère quand il doit opérer, et ses sombres manigances sont efficaces car on s'amuse de textes que nous avons pu apprécier. Toutes les ressources de la rhétorique et tous les mécanisme de la poésie sont à la fois mis à mal et mis à bien, même si le résultat semble marcher sur la tête ! Octogone ravira les grands amateurs de la chose poétique et les entraînera peut-être à remanier leur panthéon.




La Sage-femme, Katja Kettu, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, 432 p., 23,50 euro

L'écrivain Katja Kettu nous fait découvrir les régions les plus septentrionales de la Finlande. L'action se déroule à la fin de la Seconde guerre mondiale. Son héroïne est un drôle de personnage, une sage-femme qu'on dit dotée de dons extraordinaires et qu'on surnomme dans son village oeil Tordu. Elle a un « fiancé », mais celui-ci s'est évaporé dans la tourmente de la fin de ce conflit. Les Finnois étaient alliés aux Allemands contre l'Union soviétique, qui les avait attaqué en 1939 et avait prie une large partie de son territoire (la partie orientale de la Carélie). Mais en 1944, le gouvernement finlandais signe un traité de paix séparée avec l'U.R.S.S. Les Allemands n'abandonnent pas tout le pays. Ils décident alors d'occuper la Laponie, où les habitants ne se consacrent pas seulement à l'élevage des rennes : on y exploite aussi de riches gisements de nickel. Dans ces régions désolées et peu hospitalières, elle finit par tomber amoureuse d'un officier S.S., Johannes Angelhorst, qui l'emmène avec lui. Et cette passion étrange la fait se retrouver dans une ferme pour le moins étrange où l'on enferme des femmes, qui y disparaissent mystérieusement. Au cours de ses pérégrinations dangereuses, notre sage-femme nous révèle une guerre inconnue dans un monde inconnu. Ainsi qu'un camp de la mort insoupçonnable. Et l'auteur a traduit son histoire entre 1944 et 1945 en employant un mélange de naturalisme sombre propre à la littérature nordique à la fin du XIXe siècle et toujours vivant le siècle suivant, et une littérature visionnaire, qui rend encore plus prégnants et maléfiques les fjords, les vastes étendues désolées et les hommes qui y vivent. Et puis la guerre est venue rendre tout plus chaotique. C'est un livre prenant et dense, qui souffre un peu de ce réalisme poussé qui alourdi le récit, mais, en fin de compte, ne lui nuit pas car l'auteur a su mesurer ce qui est de l'ordre du réel et ce qui est de l'ordre du sentiment et même de l'imaginaire.




Le Prélude, William Wordsworth, traduit de l'anglais par Denis Bonnecase, Editions du Sandre, 314 p., 28 euro

Les Editions du Sandre font un travail éditorial remarquable, pas toujours estimé à sa juste valeur. Publier The Prelud or, Growth of a Poet's Mind - An Autobiographical Poem de William Wordsworth (1770-1850), paru peu après son décès peut être considéré comme son chef-d'oeuvre, est sans doute un sacré défi. Commencé en 1798, à l'époque où une forte amitié le liait à Samuel Taylor Coleridge, il en publie une première version l'année suivante. L'ouvrage est quasiment achevé en 1805. Mais l'auteur le poursuivra sans fin. C'est la somme de sa pensée poétique, mais aussi de sa pensée philosophique. Si la Nature est le point de départ de toute considération sur l'univers, et si tout y retourne, cette « excursion » (le terme est de lui et Wordsworth a été un grand voyageur, accompagné par Coleridge ou par sa famille), cette randonnée initiatique passe par la culture antique et par la culture moderne, devenant ainsi un vade-mecum encyclopédique de son expérience intérieure. Rédigé en vers blancs, ce très long texte fait parler le moindre buisson, le plus modeste bosquet. La postérité a fait de lui le véritable fondateur du romantisme en Angleterre. C'est sans doute vrai. Mais ce serait restreindre le champ de son ambition littéraire. Ce ne sont pas les Bucoliques de Virgile revisitées. C'est un déplacement radical du champ de la conscience du monde. C'est aussi un immense commentaire critique de la manière dont ses contemporains pouvaient envisager les choses. C'est un livre qui devrait plutôt être rapproché de l'Odyssée, mais dépouillée de ses mythologies et du caractère picaresque de la circumnavigation de son héros et de ses compagnons. C'est comme un recueil de codes pour méditer sur ce que le rapport au monde naturel est face au monde de l'esprit.




Ecrire en temps de guerre, correspondances d'écrivains, anthologie présentée par Geneviève Winter, Folio plus classiques, 240 p., 6,20 euro

Cette petite anthologie de relations épistolaires, qui s'inscrit dans les commémorations de la Guerre des Guerres, a ceci de particulier qu'elle concerne les deux guerres mondiales. Pour la Grande Guerre, on trouve les célèbres lettres d'Apollinaire à Lou, mais aussi d'autres de Céline et de Marcel Proust. Pour la seconde, Aragon, Simone de Beauvoir, Sartre, Malraux et, de manière appuyée, Roger Martin du Gard donnent une idée de l'esprit de ceux qui sont partis combattre ou qui attendent d'eux un message. Cet ouvrage est richement commenté et laisse surgir des perspectives de réflexion intéressantes. Ce que je regrette, c'est qu'on ne fasse pas la même chose avec des écrivains de tous les pays belligérants. L'esprit « cocorico » de toutes les publications qui paraissent de toutes parts est assez surprenant.




Exercices de survie, Jorge Semprun, Folio, 144 p., 5,60 euro

Il s'agit d'une entreprise de mémoire que Jorge Semprun a commencé à écrire à la fin de sa vie et qu'il n'a pas pu achever. Tout commence dans le bar de l'hôtel Lutétia, ce qui le ramène à l'époque où il est revenu de Buchenwald et où les rescapés des camps de concentration et des camps de la mort étaient reçus à Paris. C'est là aussi où étaient affichées les listes des survivants. Cela l'entraîne à évoquer des souvenirs : ses promenades à Paris quand il faisait partie d'un réseau de résistance, ce qui lui fait évoquer les sombres geôles de la gestapo, des interrogatoires dans le camp, puis il nous fait faire un saut dans le temps et l'espace en nous emmenant à Madrid quand il y vivait clandestinement comme membre du PCE clandestin. En somme, Semprun, relate sous la forme d'une expérience intérieure sa vie dont une grande partie a été dangereuse et cachée. C'est ainsi une réflexion frappante de ce qui a été son expérience du monde qu'il a vécue en homme de l'ombre.




Don Juan raconté par lui-même, Peter Handke, traduit de l'allemand (Autriche) par G.-A. Goldschmidt, Folio, 140 p., 6,20 euro

Je n'ai jamais beaucoup apprécié Peter Handke. A force de vivre en France, il a adopté le genre de prose simple, « pure », policée, sans aspérités, passe-partout, qui fait l'essentiel de notre littérature, comme si André Gide était encore là pour guider le goût des lecteurs. Ce livre est encore plus exaspérant que les précédents. Cette semaine que passe le narrateur est d'une affligeante banalité. On doit attendre de dépasser la page 40 pour commencer à entrevoir le début de quelque chose. La fin est déconcertante : le narrateur voit dans le personnage légendaire un genre de père familier ! Si l'auteur n'avait pas reçu le prix Büchner et ne jouissait pas d'une telle considération, on ne prendrait même pas la peine d'y jeter un oeil.




« Tuta blu », Tommaso di Ciaula, « les inépuisables », Actes Sud, 272 p., 19 euro

L'ambition de la collection paraît bien excessive par rapport au texte qui nous est soumis. Paru en 1978 chez Feltrinelli, ce livre a le parfum d'une époque bien précise pour l'Italie : la fin des années de plomb. Il raconte l'histoire d'un ouvrier (presque un prototype) qui travaille dans une grande usine des Pouilles. Elle a de particulier de se trouver dans une zone rurale, un peu comme c'était le cas autrefois dans le Loiret ou même dans les Cévennes. Notre prolétaire nous raconte dans le moindre détail (et sans rien nous épargner) son quotidien, les dures heures de son métier, mais aussi les changements qui ont lieu dans sa région et qui érodent de manière inéluctable les traditions et les fêtes. Ce n'est pas un livre qui dénonce ou qui expose une idéologie par le biais de la fiction. On assiste plutôt à l'envahissement de la fiction par un post naturalisme, qui fait ressembler le néo-réalisme italien à de la pure fantaisie. Justement, voilà le problème : il y avait une poésie, un caractère, du style dans le nouveau réalisme. Pavese avait aimé les premiers écrits de cet auteur et pensait sans doute voir en lui un continuateur. Il se trompait. C'est un document qu'on peut regarder aujourd'hui avec l'oeil de l'anthropologue. Mais certainement pas avec celui de l'amateur de littérature, même si le livre est bien fait et bien écrit.
Gérard-Georges Lemaire
10-04-2014
 

Verso n°136

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