Jeanne du Barry, actuellement sur les écrans, ne fait pas l'unanimité. Ce n'est pas un scandale, on ne voit pas au lit Louis XV et sa dernière favorite, ni la nudité de cette dernière, mais il a été massacré, le film, par « Le masque et la plume » et au contraire très bien accueilli par L'Obs et même La Croix. En fait, l'attention s'est portée sur la réalisatrice, Maïwenne, qui a choisi de présenter son film à Cannes en ouverture du festival, hors compétition. C'est sans doute un bon calcul : Maïwenne entend sans doute signifier que son film à la facture classique est aussi une oeuvre moderne et libre. Rien à voir avec les productions de pseudo-créateurs qui aujourd'hui, au cinéma, au théâtre et dans les arts plastiques, imposent des inventions provocatrices plus ou moins débiles qui fâchent les observateurs les plus cultivés. J'imagine que c'est ce que pourrait penser Paul Valadier, grand philosophe jésuite, notamment auteur de « La beauté fait signe » (éditions du Cerf 2012) qui réglait leur compte aux imposteurs de l'art.
Paul Valadier comprenait l'irritation des contempteurs de « l'art contemporain » dès lors qu'on assiste à certaines représentations théâtrales ou qu'on visite certaines galeries. « Non seulement des oeuvres sordides sont « créées », mais elles sont exaltées, voire imposées par le culturellement correct, sous peine de se voir taxé d'esprit rétrograde. « Il n'est cependant guère besoin de subtilité intellectuelle ou de culture esthétique très poussée pour éprouver de la répulsion ou de l'ennui devant certains spectacles. A titre d'exemple, les théâtres exhibent parfois la volonté de puissance ou les caprices de certains metteurs en scène qui, sous prétexte d'inventivité ou de ruptute, travestissent les chefs d'oeuvre anciens - le Messie de Haendel sur Arte, le lundi 13 mai 2009 -, introduisent sans vergogne leurs propres paroles, substituent un sexe à l'autre - Bérénice à la Comédie Française au printemps 2009, dans une mise en scène du Congolais Faustin Linyekula, Bérénice était interprétées par un homme, Ghalam Moshkin Ghalam, d'origine persane, car dit le programme, il fallait que le personnage principal incarnât l' « exclusion même du fait de son identité étrangère. » On sort accablé par tant de mépris pour un chef d'oeuvre. Ce multiculturalisme de carton-pâte sombre dans le ridicule. » (p. 24)
Revenons à Jeanne du Barry (interprétée avec conviction par Maïwenne), il est évident que le personnage principal est le château lui-même, photographié avec sensibilité en intérieur comme en extérieur, exaltant son incomparable grandeur et sa tristesse. « A Versailles, écrivait Elie Faure, tout est construit abstraitement, pas un détail ne sort d'une volonté spontanée ou d'un sensible besoin. Le décorateur n'est pas libre de jouer comme il l'entend son rôle dans les limites exigées par l'oeuvre et le génie de son chef. Le chef, qui obéit lui-même à des préoccupations dogmatiques et politiques étrangères à la fin de l'art, intervient dans tous les détails pour obtenir en tout la soumission de l'artiste. Et si l'ensemble garde l'ordonnance d'un théorème, comme il ne peut prétendre à sa limpidité abstraite puisqu'il oeuvre à même la vie, il dégage une tristesse sourde. C'est un livre calligraphié où nul n'a vidé son coeur. » (Histoire de l'Art, p.643) On comprend la neurasthénie du roi de France et le désespoir de la favorite découvrant à l'instant de la mort que son amant l'aimait comme elle-même avait fini par l'aimer. Un film qui, en vérité, rejoint l'idée de beauté.
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