Ce nom est celui d'un peintre qui vécut sans doute quelque part aux Pays Bas au XVIIe siècle. Il faisait des vues de villes assez convaincantes pour qu'on les attribue à d'autres, notamment Vermeer. Il n'a daté qu'un seul de ses tableaux : 1654. On ne sait pas où il est né ni où il a vécu, l'analyse des maisons qu'il a peintes permet de désigner Zwolle dans l'est du pays, où Vermeer n'a jamais mis les pieds, ce qui rend un peu excessif le sous-titre de l'exposition que lui consacre cet été la fondation Custodia : « Enigmatique Jacobus Vrel précurseur de Vermeer ». Tout ce qu'on sait, c'est qu'il figure sur la liste des 880 tableaux de l'école du Nord de la collection de l'archiduc Léopold Wilhelm de Habsbourg, gouverneur des Pays-Bas du sud entre 1647 et 1656. Vrel n'eut apparemment pas d'autre client : on ne trouve son nom dans aucune liste de membres des guildes de peintres et artisans que les villes hollandaises établissaient avec soin (on sait que Vermeer présida celle de Delft). Cela laisse supposer que Vrel n'était qu'un amateur, un peintre du dimanche qui plongea dans l'anonymat pendant deux cents ans.
L'épais et savant catalogue s'arrête sur l'historienne de l'art Clotilde Brière-Misme (1889-1970) qui, la première, écrivit une étude consacrée à Vrel dans un article de 1935. Cette année là, était présentée à Rotterdam une grande exposition Vermeer dans laquelle 9 tableaux de Vrel étaient présents. La chercheuse française s'intéressait particulièrement aux vues urbaines du peintre : « Elles nous mènent au coeur de la cité dans un enchevêtrement de rues étroites et brèves où les canaux ne peuvent pénétrer. Vrel est le seul à traiter pareils motifs dans cette branche du paysage propre à la Hollande. (...) Aucun peintre n'avait eu l'audace d'observer, comme Vrel, des ruelles anonymes et pauvres. » Un autre historien de l'art français a accordé beaucoup d'importance à Jacobus Vrel : Jean Clair dans sa thèse sur la peinture hollandaise du XVIIe siècle écrite à Harvard sous la direction de Seymour Slive. Dans ce contexte il écrit en 1968 un article intitulé : « Jacobus Vrel, un Vermeer du pauvre. » Vrel est par excellence le chroniqueur des petites gens des villes, et c'est ce qui le distingue de Vermeer dont il ne saurait être considéré comme le précurseur.
Prenons l'exemple de Scène de rue, femme assise sur un banc (Huile sur panneau, 36 x 27,5 cm, Amsterdam Rijkmuseum). Ce tableau a passé trois fois en vente au XIXe siècle, attribué à Vermeer. Cependant, à partir de 1865, il a appartenu au grand critique d'art français Théophile Thoré, spécialiste de Vermeer, qui avait attribué ce tableau à Gerrit Berckheide (1632-1675). En examinant la signature, il pensa avoir plutôt à un imitateur de Vermeer. Après la mort de Théophile Thoré, en 1869, le tableau fut rendu à son véritable auteur, Jacobus Vrel, et acquis par le Rijkmuseum en 1892. Nous ne savons pas, écrivent les auteurs du catalogue, si l'artiste a dépeint un lieu existant « mais, s'il ne représente pas ici les beaux quartiers qui bordaient les canaux, il ne s'agit pas non plus d'un quartier pauvre d'une ville hollandaise comme il a parfois été écrit. » Conclusion : on ne sait décidément pas s'il y a des liens entre Vermeer et Vrel, et il y aura longtemps des spécialistes aux avis divergents. De toute façon l'exposition est belle et il faut aller la voir (jusqu'au 17 septembre).
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