Staline et les Juifs, Arkadi Vaksbert, traduit du russe et présenté par Dimitri Seseman, « Le goût de l'histoire », Les Belles Lettres, 372 p., 15, 50 euro.
La Russie tsariste vu son histoire ponctuée de forts courants antisémites et aussi de pogromes violents. Catherine II avait institué que la population juive ne pouvait résider que dans quinze régions. Seuls 10% des enfants juifs pouvaient étudier dans les écoles et les lycées. Pour circuler, les ressortissants juifs devaient avoir un passeport, ce fut le cas de Marc Chagall, né à Vitebsk, quand il a voulu entre à l'Académie des Beaux-arts à Saint-Pétersbourg. L'assassinat de l'empereur Alexandre II est à l'origine d'une vague d'antisémitisme II a déchaîné une vague d'exactions contre les Juifs alors que l'assassin était russe ! Quand est arrivée la saison des révolutions, les Juifs ont été nombreux y adhérer. Souvent, ils ont changé de nom. Mais cette attitude a suscité pas mal de suspicion. Et l'antisémitisme n'était pas mort pour autant.
Maxime Gorki a écrit une déclaration en faveur des Juifs. Les bolcheviks sont attaqués par les nationalistes d'être le fruit d'un complot juif. Après le coup d'Etat d'octobre, dix Juifs sont présents au sein du Comité central. Dans le premier gouvernement est apparu un inconnu, un certain Joseph Joiugachvili, alias Staline, qui est nommé commissaires aux Nationalités. Celui-ci déniait aux Juifs de posséder une nationalité. Si la révolution de Février avait aboli toutes les discriminations, les bolcheviks, et Lénine, le premier, ne s'intéressaient pas à ces problèmes, mettant au premier plan la lutte des classes comme l'avait affirmé Karl Marx. Toutefois, les Soviets condamnèrent les pogromes. Quant à Staline, il ne désintéressa de la question en dépit de ses fonctions. Comme les cavaliers de l'Armée rouges avaient massacrés des juifs, Lénine a jugé prudent de ne pas les condamnés.
Mais comme l'antisémitisme croissait, le comité central se mit en devoir de contrecarrer cette tendance. Staline n'est pas antisémite à cette époque et rien dans ses origines familiales ne peut le contredire. Les années vingt ont été un âge d'or pour les Juifs. Le Théâtre juif de Moscou a pu se développer avec une myriade d'acteurs et d'artistes de grands valeur et les persécutions se sont atténuées largement. La population juive de la capitale a beaucoup augmenté.
Il faut aussi savoir que le NKVD était dirigé par une Juive et qu'une majorité de ses membres étaient juifs (dommage que l'auteur n'explique pas la raison de ce fait). Pendant tout a changé de manière drastique. L'attitude de Staline, souvent versatile, a oscillé entre la tolérance et la persécution. La Grande Terreur au moment des procès contre les principaux dirigeants du Comité central (à commencer par Zinoviev et Kamenev) ses « ennemis » principaux placés en première ligne étaient juifs, tout comme Trotsky, déjà en exil. L'auteur décrit avec maints détails la complexité de cette période. L'alliance avec l'Allemagne n'a fait que renforcer les diverses vagues d'antisémitisme provoquées par le pouvoir.
Après la « grande guerre patriotique », Staline, victime de son tempérament paranoïaque, a encore, peu avant sa mort, imaginé un procès contre des médecins juifs... Cette étude est absolument remarquable et l'auteur a soigneusement étudié ses sources. C'est une recherche qui permet de comprendre non seulement une longue et terrible phase l'Union Soviétique, mais ce qui est toujours omniprésent dans l'esprit des Russes (la conclusion prouve que l'antisémitisme ne s'est pas éteint avec la disparition du dictateur).
Bernard Réquichot, zones de sensibilité, Jean-François Chevrier, Flammarion, 272 p., 65 euro.
Bernard Réquichjot (1915-1961) est incontestablement un des artistes les plus singuliers du siècle passé dans notre pays. On ne saurait le rattacher à aucune école précise et sa technique déjoue tout rapprochement à ce que nous connaissons de cette période. Abstrait, il l'est souvent et avec une indéniable originalité, mais l'irrégularité recherchée dans la succession de ses créations il est délicat de le ranger dans cette seule catégorie sans lui faire outrage. Il n'appartient donc à aucune école connue, mais est très curieux des techniques auxquelles ont recours ses contemporains.
Cela dit, il utilisa le plus souvent à peinture, le plus souvent à l'huile, mais parfois aussi acrylique. En fait, il ne voulait jamais poser de frontière entre ce qui 'il avait en tête et ce qui devait s'inscrire sur la toile ou sur le papier. En remontant le cours de son oeuvre qui est marquée par la disparité et la surprise permanente, on se rend compte que la technique (jamais systématique) n'est que l'instrument qui fait son apparition pour rendre tangible son imaginaire. Il y a ici de l'organique, du végétal, du minéral parfois, mais rien de proprement humain si ce n'est sa manière de traiter ses sujets qui sont toujours des fictions. Au fond, le monde lui a offert toutes les formes dont il a pu rêver. C'est aussi une source infinie de formes de toutes sortes qui rendent ses tableaux si différents, et qui n'ont de familiarité que par le style de l'artiste. Et cela mérite encore qu'on apprenne à distinguer ses périodes et ses phases d'inspiration. On a le sentiment que son oeil s'est transformé en une sorte de loupe ou même de microscope pour aller chercher les formes de choses qui n'appartiennent pas au monde connu.
Il découvre grâce à ces instruments un autre univers où les choses adoptent des contours singuliers. L'auteur nous explique les caractéristiques propres à chacune des périodes qui ont ponctué le cours de sa peinture. Il a pu parfois se révéler boulimique de couleurs et de dessins qui s'enchevêtrent les uns les autres. Il a pu aussi se montrer plus sage mais jamais ordonné. Il a par exemple arraché des pages de magazines pour en faire des compositions en torsades. Tout chez lui s'est affirmé dans le désir de forcer les portes de ce qui est inconnaissable et qui pourtant est venu hanter ses pensées. C'est une pure poésie formelle et chromatique. Et chaque fois issu d'une toute nouvelle fantasmagorie. Bernard Réquichot, avec une verve extraordinaire, nous a laissé des voyages à accomplir dans ses territoires qui n'ont d'existence que dans les sphères merveilleuses de ses extrapolations les plus déconcertantes.
L'Art des Etats-Unis, 1750-2000, John Davis & Michael Leja, Hazan / Terra Fondation for American Art, 544 p., 45 euro.
L'importance qu'il a pu avoir l'art américain après la guerre, avec l'expressionnisme abstrait, le Pop Art, le Minimal Art, le Conceptual Art nous a fait oublier que cette pratique, ;si elle n'a pas des racines très anciennes, remonte au moins au XVIIIe siècle. Et alors Cet ouvrage copieux présente un double intérêt : d'une part in retrace l'essentiel de l'art américain depuis ses origines et, de l'autre, il est agrémenté de nombreux textes, déclarions ou dialogues de ses plus grands artistes.
Des peintres de valeur s'affirment dès le milieu du XVIII, tels Benjamin West et John Singleton Copley, ou encore leur aîné, Charles Willson Peale. Si les paysages sont privilégiés et si les scènes traitaient tous les sujets possibles. Mais c'est le paysage qui a eu le plus grand attrait pour eux et la School de l'Hudson River n'a pas tardé à se faire remarquer et à s'imposer. La peinture américaine de l'époque ne brille pas pour sa singularité, mais a cependant été appréciée pour sa grande qualité. Les membres de cette école ont surtout voulu mettre en évidence la beauté de ces vedute tout en leur conférant une subtile dimension romantique, mais qui ne contrarie pas le réalisme qui doit les restituer telles qu'elles sont. Thomas Cole est un de ses meilleurs représentants. John Trumbull, quant à lui, a choisi d'évoquer les moments glorieux de la révolution (quelques pages de son autobiographie révèlent son ambition). Au fil de ce siècle, naissent les premières institutions et aussi la National Academy of Design. Des mécènes font leur apparition et l'association de l'Art Union est fondée. Les artistes veulent désormais découvrir le vaste monde.
Les uns explorent les Andes, comme Frederic Church, les autres se rendent sur le vieux continent et visitent l'Italie. Les sujets sociaux se multiplient et l'on s'intéresse aux autochtones. Les Academies of Fine Arft voient le jour dans les grandes villes. Vers les années 1870, des peintres montrent une certaine originalité, comme Thomas Eskins ou Frank Duvenec. Henry Jammes commencent à s'intéresser à cette nouvelle génération de créateurs et écrit un essai sur les meilleurs d'entre eux.
En somme, l'Amérique commence à se doter de lieux dédiés aux arts plastiques, des écoles aux collections. Et puis des figures très curieuses et fascinantes se font découvrir, comme Albert Pinkham Ryder et Edward Steichen. Sans oublier l'un des plus grands maîtres de son temps, James McNeill Whistler. Enfin viennent ceux et celles qui traversent l'Atlapeintres européens, comme Marcel Duchanp et puis l'incroyable foisonjntique pour trouver les maîtres de l'art moderne français, comme Mary Cassatt+ Un jeune photographe, Alfred Stiegliotz, observe l'évolution du pictorialisme. Il ne tarde pas à devenir un des maîtres de la photographie moderne. Le début du XXe siècle est marquée par l'arrivée d'artistes européens et puis par l'émergence de grands talents américains comme ceux de Georgia O'Keefle, de Grent Wood, de Thomas Hart Benton, de Josef Stella, de Stuart Davis, d'Edward Hopper, Stieglitz ouvre sa galerie 291 et sa revue : il fait connaître les talent les plus audacieux de l'Europe et montre les oeuvres des jeunes talents du Nouveau Monde.
C'est la période la plus riche de ce jeune Nation. Le reste de l'histoire, je vous la laisse la découvrir car vous la connaissez déjà un peu : les surréalistes qui arrivent, l'influence de Salvador Dalì, de Pablo Picasso, d'André Masson (entre autres, C'est alors que surgissent les jeunes monstres sacrés de l'Ecole de New York avec les expressionnistes abstraits, le Pop Art, le Minimal Art, etc. L'Amérique surclasse la vieille Europe à la fin de la dernière guerre. Sa suprématie va jusqu'à l'an 2000.
Quoi qu'il en soit ce fort volume est une excellente Bible pour qui veut découvrir les arts des Etats-Unis. Quoi qu'il en soit aucun amateur d'art ne saurait se dispenser de cette histoire qui est généreusement agrémentée de précieux documents pour mieux approfondir ses connaissances.
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