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[verso-hebdo]
12-01-2017
La chronique
de Pierre Corcos
Dessins, machines à rêves
Lorsque, dans un chuintement, le métro parisien entre dans la station « Arts et Métiers », alors la routine, le quotidien disparaissent et, d'un coup, nous voici dans un extraordinaire Nautilus souterrain, emportés par des souvenirs d'enfance. Souvenirs où la lecture de Jules Verne nous entraînait dans ce monde imaginaire voyant la technique, la poésie de l'aventure et l'utopie faire si bon ménage... Ce décor fabuleux - qui a presque un quart de siècle - de la station « Arts et Métiers » est l'oeuvre de François Schuiten, immense dessinateur qui, avec son complice l'écrivain Benoît Peeters, est l'auteur des quinze albums de la série Les Cités obscures, bandes dessinées célèbres et traduites dans une douzaine de langues. En même temps que les oeuvres de Schuiten et Peeters, des machines à la Jules Verne, Albert Robida ou Clément Ader, d'une modernité révolue, réapparaissent devant nous par l'exposition (jusqu'au 26 février) Machines à dessiner au Musée des Arts et Métiers.

Cette exposition joue sur les deux sens de son titre, trouvé par Benoît Peeters. En effet, il s'agit aussi bien des différents machines qui servent à dessiner que des machines qu'il faut dessiner. On sait que, de la petites fenêtre à carreaux au pantographe, un certain nombre de dispositifs furent inventés pour faciliter la reproduction rigoureuse par le dessin de la réalité. Car le dessin d'études, qu'il serve au naturaliste, au géologue, etc., doit être précis, détaillé. Il peut aussi croiser le dessin prospectif de l'architecte, du décorateur, voire de l'ingénieur qui doit également rester précis. L'exposition nous montre, exemples à l'appui, le rôle du dessin au XIXème siècle dans la formation des ingénieurs du CNAM (conservatoire national des arts et métiers). Mais, par ailleurs, certaines machines d'antan peuvent, doivent être dessinées car elles recèlent une beauté particulière due en partie à la rencontre entre l'harmonie de leur structure et leur ingénieuse complexité, en partie également au fait que leur valeur d'usage s'étant effacée, leur valeur esthétique a pu émerger. Ainsi ces astrolabes de bois et de cuivre, appartenant à la collection personnelle du dessinateur qui n'a pas arrêté, le crayon à la main, de les étudier. Ainsi ces machines rares, insolites, méconnues, parfois miniatures, extraites des réserves du Musée des Arts et Métiers... L'exposition Machines à dessiner nous rappelle le lien entre une certaine technique et l'imaginaire. Tant que l'ordinateur, n'intégrant que des données fonctionnelles, ne prime pas sur le designer dans l'élaboration de l'apparence d'un objet technique, diverses dimensions esthétiques transparaissent, portant l'empreinte formelle de l'époque qui les vit naître. En dessinant ces machines, comme le fait admirablement François Schuiten pour les intégrer dans ses récits imagés, on analyse mieux leur mécanisme, on éduque son regard, et l'on entre dans le génie artistique d'un temps passé.

Par cette perspective l'exposition nous invite et nous incite, de multiples manières, à dessiner... Ce n'est pas tant les touchantes collections de plumes ou de crayons ou d'autres outils graphiques qui produisent ici cet effet (encore que le fétichisme de l'instrument joue son rôle chez les dessinateurs !), ni même les tables à dessin qui clôturent le parcours (le papier, les modèles de machines sont fournis et il ne reste plus au visiteur qu'à... s'installer et dessiner), mais ce film où l'on voit simplement la main de Schuiten, un crayon dans son axe, danser une sarabande d'où émerge un croquis touffu, puis se discipliner et, avec un crayon plus gras, confirmer certaines lignes ; ensuite repasser le dessin obtenu à la plume encrée, et enfin colorer au pinceau imbibé d'acrylique et dilué dans l'eau les différentes figures magiquement apparues. On assiste aux effets immédiats de cet influx prodigieux reliant la tête et la main, sans doute dans les deux sens. Il nous suggère quelque chose de primordial sur la créativité plastique, et l'on ne s'étonne pas d'un Giacometti répétant : « Le dessin est la base de tout ».
Éric Dubois, assistant aux commissaires de l'exposition (Schuiten et Peeters), parle de « mécanisation du regard ». Associons librement : l'oeil et la main, l'outil, le dess(e)in, la recherche des formes et structures... L'exposition Machines à dessiner ne suit pas de ligne chronologique mais, avec ce fil directeur de la passion graphique/analytique, elle stimule sans cesse notre regard qui, s'envolant vers un vélocipède aérien, un obus céleste, vient se fixer sur un dessin méticuleux de Schuiten. « J'ai besoin de savoir quels matériaux, quel projet, quel imaginaire sont à l'oeuvre dans une machine », dit Schuiten. De Leonardo da Vinci à François Schuiten, la même passion investigatrice du dessinateur/ingénieur, pour qui l'intelligence passe par le schème. Et pour qui le schème peut servir de tremplin à l'imagination...
Enfin l'exposition Machines à dessiner nous invite à la découverte des deux tomes de Revoir Paris de Schuiten et Peeters, albums d'hommage supplémentaire à une technique désuète, poétique, à l'architecture (le père de l'artiste était un architecte bruxellois très connu), aux illustrateurs du XIXème siècle, à un Paris muséifié, idéalisé avant qu'une standardisation vulgaire générée par la mondialisation n'ait opéré ses ravages.

Cette exposition nous rappelle que si le rêve a montré son intelligence par le cryptage qu'il opère, l'intelligence, par des liens audacieux entre le réel et le possible, peut atteindre au rêve. Surtout si elle guide une main tenant un crayon...
Pierre Corcos
12-01-2017
 

Verso n°136

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