Jean-Michel Meurice, Victor Vanoosten, Arteos /LAAC, Dunkerque, 306 p., 30 euro.
Voici un catalogue imposant qui fait office de monographie de cet artiste important, qui n'a pas encore la place qu'il mérite dans le panorama de l'art en France. Né à Lille en 1938, il commence à peindre en 1955 et découvre la modernité à travers les oeuvres de Fontana et de Pollock, mais aussi à travers des lectures, comme celle John Dos Passos. Il achève ses études artistiques à Tournai trois ans plus tard. La guerre d'Algérie l'éloigne de la peinture jusqu'en 1961. Il commence à s'intéresser au cinéma. Déjà conquis par les films d'Eisenstein et de Rossellini, il découvre les oeuvres de Godard. Il commence à tourner des courts métrages expérimentaux. En 1968, il fait la connaissance de Viallat, ce qui lui permet de confirmer ses intuitions et de poursuivre une recherche qui s'éloigne toujours plus des canons de la peinture. L'expérience avec le groupe Supports/Surfaces lui donne plus d'assurance pour développer un processus de production de ses oeuvres, en mettant de côtés toutes les diverses tentatives qu'il avait pu faire précédemment. La couleur devient son objet de prédilection, comme le démontre son Hommage à Matisse en 1969. Après avoir utilisé les ressources de l'empreinte, il commence en 1972 à créer des toiles où il agence des bandes de couleurs les unes au-dessus des autres. C'est le début d'une démarche qui va évoluer au fil du temps, mais dont il va conserver le principe. La suite baptisée Teinture de 1972 en est l'expression la plus pure. A partir de là, il développe sa pensée et ne cesse de rechercher les possibles variations de son dispositif plastique. Il lui donne même un aspect architectonique avec, par exemple, Rouge majeur en 1979. Puis, au début des années quatre-vingts, il réalise des volumes qui sont partiellement peints (on a l'impression d'une trace archéologique). Par la suite, il abandonne ce système qui risque de devenir répétitif et introduit des motifs figuratifs, qui sont choisis dans une optique décorative. Là encore l'influence de Matisse se fait sentir, mais il applique ses conceptions dans un tout autre esprit. Il n'est que de voir le cycle baptisé Lipo. La série Fluvia (1995) utilise la forme du tondo (une couronne évide en l'occurrence) et aussi le collage de formes identiques qui produit une curieuse écriture imaginaire. Sans jamais renoncer à des modalités issues de la radicalité de Supports/Surfaces, il ne cesse d'imaginer d'autres manières de formaliser les relations entre les formes et les couleurs et n'hésite pas à les appliquer à des travaux où il réutilise dans une perspective nouvelle des constructions picturales antérieures. En somme, son oeuvre ne cesse d'être en devenir sans jamais se renier ni surtout renouer avec la peinture du temps jadis. Jean-Michel Meurice a réalisé de nombreux documentaires pour la télévision sur des artistes, comme Caravage, Bram van Velde ou Soulages, mais aussi sur des sujets de société, surtout liés aux Etats-Unis.
Un Américain à Paris, dessins d'architecture de la donation Neil Levine, bilingue, Hazan / musée d'Orsay, 96 p., 22 euro.
Les dessins et plans figurant dans l'exposition présentée à Paris au musée d'Orsay ont été donnés à cette institution par un grand histoire américain de l'architecture, Neil Levine, professeur à Harvard et qui a écrit sur Franck Lloyd Wright, mais aussi sur le créateur de la bibliothèque Sainte Geneviève, Henri Labrouste. Alice Thomine-Berrada a fait un entretien avec le généreux donateur qui lui explique comment est né son amour pour l'architecture et son goût pour le dessin. Il s'agit ici de dessins du XIXe siècle français. Il y a un peu de tout, des copies de l'antique, des esquisses de projets, des projets aboutis, des détails très élaborés. Un certain nombre d'entre eux sont anonymes (dont un projet de monument destiné au Panthéon), mais leur style porte bien la marque de l'enseignement de l'Ecole des Beaux-arts. Mais on voit aussi des oeuvres signées par Edouard-Auguste Villain ou par Jean-Baptiste Lassus ou encore par Jacques-Ignace Hitthorff. Assez étrangement, il y a une prédominance des monuments funéraires et sinon, pas mal de chapelles ! Mais ce doit être dû au hasard. Quoi qu'il en soit, cette collection enrichit nos collections dans ce domaine particulier. On peut mieux comprendre que la France, comme les grands pays européens ont pu s'enferrer dans l'architecture éclectique. La connaissance du passé n'était pas destinée à fournir les bases d'une architecture nouvelles, mais plutôt de consolider une architecture qui en fasse l'éloge. Et cela a duré assez tard : il n'est que devoir l'institut d'Art de d'Archéologie de la rue Michelet à Paris !
L'Art d'aimer les objets, Dominique Poulot, Hermann, 164 p., 23 euro.
La couverture, qui n'est pas franchement réussie, ne laissait rien présager de bon. C'est un élément secondaire, certes, par rapport à l'ouvrage, mais elle peut en être l'émanation. Et ici c'est le cas. L'auteur a fait un travail de potache, assez laborieux, sérieux, documenté, mais qui n'a pas su aller chercher dans l'immense littérature sur les musées et les collections la substantifique moelle. D'ailleurs son texte commence seulement à prendre vie quand il se met à commenter l'étude de Reigl intitulée le Culte moderne des monuments, puis l'essai que Walter Benjamin a écrit à la fin de sa vie sur ce genre de question. Et puis tout retombe dans une sorte de ronronnement universitaire sans beaucoup d'idée. On ne peut pas dire que l'auteur ait fait des erreurs criantes, qu'il n'ait pas cerné son sujet, qu'il ait étalé des idioties tout au long des pages. Non, rien de tel. Mais le livre manque de souffle, d'inspiration et surtout de connaissance profonde de l'histoire des grandes collections qui ont abouti souvent à la création de grandes institutions. Cette connaissance permettrait d'échafauder une théorie qui est ici un peu suspendue dans le vide. Il touche néanmoins une question tout à fait pertinente, qui est celle de l'invention de la légitimité de la protection des objets et des oeuvres d'art. Il cite alors Jules Michelet. C'est parfait. Il évoque non seulement la protection des traces de l'histoire passée, mais aussi ses développements théoriques avec l'idée d'une constitution de la mémoire. Donc tout n'est pas mal fait dans ce livre qui suscite quelques réserves. Mais tout de même, il aurait été bon de montrer comment on collectionnait depuis l'ère antique et dans quel esprit, même s'il s'agissait de ne retenir que les grandes orientations. C'est au fondement de toute pensée sur le musée tel qu'on l'a imaginé depuis le XIXè siècle. La réflexion de Dominique Poulot peut néanmoins servir de première base pour la réflexion d'un étudiant sur le sujet.
Face au Styx, Dimitri Bortnikov, Rivages, 752 p., 21 euro.
Ce jeune auteur russe écrit en français. Et quel français ! On a rarement l'occasion de lire un roman d'une telle densité et d'une aussi incroyable intensité. Au début, on ne peut s'empêcher de songer à Louis-Ferdinand Céline, à Thomas Bernhard, à Marinetti à Saul Bellow ou à Kerouac. Mais aucun de ces grands auteurs ne paraissent l'avoir inspiré directement. Il y a bien un ton rabelaisien et aussi un esprit picaresque (mais poussé à l'extrême), mais tout cela n'est pas issu de la littérature du passé. C'est une libre adaptation de ces formes narratives en notre temps et dans une langue qui est la sienne. Sans doute faut-il s'inscrit dans cette généalogie singulière d'écrivains qui n'ont pas de prédécesseurs et qui ont rarement de disciples. C'est là une écriture exaspérée, nerveuse, débridée, emportée par une sorte de grand souffle puissant et un peu dévastateur. Le roman nous fait voyager dans le temps et l'espace entre Paris les régions les plus arides de la grande Russie, en faisant des détours de temps à autres en d'autres points de la planète. Ce voyage ne semble pas sous-tendu par un fil logique, pas même un fil d'Ariane ténu. C'est l'existence qui se déroule dans une sorte de chevauchée fantastique, où elle se surcharge de phrases et de mots avec une infinie violence et une infinie tendresse. Ce n'est pas un livre épique, mais un livre initiatique où un être se débat avec la réalité tant bien que mal, avec une belle énergie, bien du courage et un lyrisme peu commun. Il croise sur sa route des personnages pour le moins insolites, qui sont souvent récurrents, des marginaux pour l'essentiel, qui nous font plonger dans les Enfers de notre monde actuel. L'amour tient une grande place dans ce récit, mais un amour étrange, décousu, puissant et fragile à la fois. Maintenant vous allez me demander de quoi parle cette fiction. Elle ne parle en fait de rien de très précis, peut-être de ce qu'on appelait l'âme autrefois ! Il n'y a pas d'intrigue au sens propre du terme, mais des brides d'histoires, des fragments de vie, des échanges et des départs, des retrouvailles et des amitiés qui subsistent, intégrales, dans ce mouvement perpétuel de la temporalité accélérée de cette prose d'une ampleur rarement vue. A mon gré, je ne crois pas qu'il ait vraiment une trame. Ou sinon elle est inscrite en palimpseste. Tout paraît est le fruit de hasards ou de volontés plus ou moins orientées et gouvernées aboutissant à des résultats pour le moins inattendus. Mais ce n'en est pas moins une vision panoramique, grotesque et effrayante, de notre époque qui se révèle au gré de ces épisodes morcelés. Bien sûr, nous aurions aimé avoir une sorte de corde à laquelle se raccrocher car n a l'impression en lisant Dimitri Bortnikov d'être emporté comme un fétu de paille ! Bien sûr cette absence de continuum dans la narration est une curieuse absence. Mais il n'en est pas moins vrai que le livre tient tout de même debout, ce qui est quelque chose d'extraordinaire. Il faut absolument le lire, car à son côté Guerre et Paix et les Misérables semblent des livres statiques ! L'invention est la clef de cet écrivain hors-norme, une invention qui ne s'épuise jamais et qui rend la lecture jouissive jusqu'au bout !
L'Affreuse embrouille de via Merulana, Carlo Emilio Gadda, traduit de l'italien et présenté par Jean-Paul Manganaro, Le Seuil, 366 p., 23 euro.
La France souffre dans le monde éditorial d'une maladie chronique : le besoin de refaire les traductions des grandes oeuvres. La dernière en date du Don Quichotte de Cervantès est peut-être la pire de toutes. Celle de la totalité de l'oeuvre de Dostoïevski est bonne, n'apporte rien de fondamental à la précédente. Et nous ne saurions trop parler des mille et une traductions de Franz Kafka, qui se succèdent à un rythme infernal depuis que ses droits sont tombés dans le domaine public. Il est vrai que la manière d'écrire qu'on avait au XVIIe siècle n'est plus exactement le nôtre. Mais, dans le cas, présent, il s'agit d'un roman traduit en 1957 et publié par le même éditeur. Cette premier traduction, sacrifiée ici sur l'autel de la mode, est d'ailleurs préfacée par François Wahl, qui justifie avec beaucoup de sagacité le titre d'alors, l'Affreux pastis de la rue des merles. Je ne veux pas comparer les mérites et les défauts des deux traducteurs. Manganaro a raison sur un point : il fallait bien parler de la via Merulana, qui existe bel et bien à Rome. Pour le reste, nous voici avec deux livres du même auteur car l'écriture de Gadda est si complexe et tellement remplie de pièges et de références, qu'elle peut diriger le traducteur dans des vois assez divergentes -, et c'est bien le cas ! Parlons plutôt de ce grand livre, qui a été un peu oublié ces derniers temps. D'abord il faut savoir que Gadda l'a écrit après avoir quitté Florence où il avait vécu dix ans. Son installation à Rome est due au fait qu'il a pu travailler pour des émissions culturelles de la troisième chaine de la RAI. Il achève alors deux livres, dont Novelle del ducato in fiammme, qui lui vaut le prix Viareggio. Il publie ce gros roman en 1957 sous le titre de Quer pasticciccio bruttto della via Merulana, dont la première version avait parue dans la revue Letteratura. Deux ans plus tard, un film est achevé par Pietro Germi comme acteur principal. C'est un roman policier qui se déroule au temps du fascisme, mais écrit d'une manière curieuse, à la manière de Gadda, avec le recours au dialecte local. La vie de la longue via Merulana met en scène la confusion de l'existence humaine et aussi celle qu'a introduite le fascisme dans les esprits . Le « dottor » Francesco Ingravello (surnommé don Ciccio), un jeune inspecteur de la police judiciaire, rondouillard, mais brillant, est chargé de résoudre une affaire pour le moins obscure. En fait, il se trouve devant une société qui émerge à peine d'une maladie très grave (le fascisme, mais aussi, entre autre, le crime organisé)) et qui n'est pas tout à fait tirée d'affaire. C'est un chef d'oeuvre. Après on pourra bien le traduire une troisième fois d'ici trente à quarante ans !
Le Professeur Marcel Proust, François-Bernard Michel, Gallimard, 288 p., 23 euro.
J'ai toujours conservé en mémoire le merveilleux essai de l'auteur, le Souffle coupé : respirer et écrire (1982). Depuis lors, il a écrit bien d'autres ouvrages sur la littérature et sur l'art, qui ont presque toujours une clef médicale. Il a en outre écrit des essais savants sur les allergies et les maladies psychosomatiques. Sa démarche semble se situer dans le doit fil de ces études faites par les médecins érudits sur les pathologies des grands hommes, sorte de quête faisant descendre les grands hommes de leur socle. Pour François-Bernard Michel, il s'agit de bien autre chose : il a voulu démontrer dans ces pages que non seulement Proust, grand malade à cause de son asthme, s'était intéressé de près aux progrès de la médecine, mais était allé jusqu'à étudier toutes le s méthodes de cure qui lui était appliquées sans le moindre succès. Mais il avait fini par comprendre, en fréquentant nombre de médecins, en ayant lu parfois lu leurs traités, les ayant fréquentés en dehors des consultations, car ils menaient une vie mondaine et d'aucuns se targuaient d'aimer l'art et la littérature. Pour Proust, ces relations particulières avaient deux raisons principales : la première e comprendre pourquoi il était affecté de ce mal terrible qu'on ne comprenait pas - pendant toute sa jeunesse, il a été traité de « nerveux » car, à ils le conduiront à la fin du XIXe siècle, on considérait les asthmatiques comme des névrosés. Ce n'est d'ailleurs pas si faux que cela à mon humble avis, mais cela ne permet pas de circonscrire la réalité de cette maladie qui n'en est pas une. L'auteur nous présente tous les médecins de Proust et leurs théories sur la question. Proust découvre la théorie de la psychosomatique, qui lui semble la meilleure façon d'envisager le problème, mais si l'on ne connaît pas encore les moyens de soigner. Aucun traitement, aucune cure ne saurait l'aider. Mais ils lui font découvrir, surtout à travers la notion de « reviscence » inventée par le docteur Paul-Auguste Sollier, élève de Charcot (de plus, l'écrivain aborde la question en 1905, l'année où décède sa mère) et commence dès lors à se forger sa propre conception de la mémoire et de l'inconscient (il faut souligner que Proust ne sait absolument rien de Freud). Il renonce à poursuivre la rédaction de Jean Santeuil et se lance dans l'aventure de la Recherche. Ce livre est une manière différente d'envisager Proust qui ouvre de nouveaux horizons à la fois sur la personne, sur l'écrivain et sur l'oeuvre. Proust écrit à un ami : « mon cerveau est un riche bassin minier, où il y a une étendue immense et fort diverse de gisements précieux... » A un journaliste du quotidien Le Temps (cela ne s'invente pas), il explique en 1911 : « j'écris une sorte de roman de l'inconscient ... » Il est ainsi parvenu à se point en étudiant avec attention toutes les doctrines de son époque sur les pathologies comme la sienne. L'asthme lui fait découvrir la nécessité impérative d'écrire La Recherche...
L'Eclipse de lune de Davenport et autres poèmes, Jim Harrrison, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Luc Piningre, édition bilingue, « La Petite Vermillon », La Table Ronde, 176 p., 5,90 euro.
Jim Harrison (né en 1937 dans le Michigan) est devenu très célèbre en France. Dans ses livres, il chante la beauté des montagnes et des forêts sauvages des régions encore en partie vierge des Etats-Unis. Pléthorique, boulimique même, il se plaît à raconter se s parties de chasse, ses pèches et aussi ses passions gastronomiques. S'il n'était pas américain, on le traiterait volontiers de Maurice Genevoix de la littérature d'Outre-Manche contemporaine. Mais voilà, ce qui nous semble un peu dépassé et ridicule ici, devient fascinant dans le Wyoming ou le Montana ! Sa poésie n'est guère sophistiquée. Elle traite de sujet bien terre à terre et se détourne des recherches les plus audacieuses des grands auteurs de son pays. Aucune recherche de style, rien que de très banal dans la construction. Ses textes sont de petits récits elliptiques qui traitent d'un sujet particulier, Les saisons, les animaux, les objets de la vie vernaculaire sont récurrents. Il fait même un poème sur le papier hygiénique ! Ceux qui aiment traquer le fauve ou tirer les oiseaux, ceux qui aime lancer la ligne dans les eaux d'un torrent, tous ceux qui sont des adeptes de la marches dans des régions épargnées par l'homme y trouveront leur plaisir, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Alors, oublions le terme de « poésie « et disons que ce recueil est un carnet de notes où l'auteur condensent ses pensées sur son univers -, l'univers qui lui a permis d'écrire ces si gros livres à succès. Loin d'Ezra Pound, de William Carlos Williams, d'Allen Ginsberg, Jim Harrison incarne une Amérique qui est l'héritière de la conquête de l'Ouest plus que celle des grandes industries de Denver ou de Chicago, celle des grands espaces, des montagnes gigantesques, des plaines à l'infini, de la nature inaltérée. Une forme de poésie matérialiste et écologique à la puissance dix, si l'on veut...
Le Corps écrit, Franck Delorieux, « Les Lettres françaises », Le Temps des cerises, 200 p., 14 euro.
Franck Delorieux est écrivain (il a publié en 2010 une fiction, Ils) et a dirigé les pages littéraires des Lettres françaises quand la revue a été le supplément culturel de L'Humanité, qui a fini par s'en dispenser. Cet ouvrage est un recueil d'articles paru dans différentes revues. Ils ont tous un point commun : son combat en faveur de la reconnaissance de l'homosexualité. Il y est question de Jean Cocteau (Le Livre blanc), de William S. Burroughs, de John Giorno, de Louis Aragon, d'Henri de Montherlant (un essai paru dans Les lettres françaises qui a provoqué un débat très animé au sein de la rédaction), de Jean Genet, de Kathy Acker. Il contient aussi des entretiens avec Pierre Bourgeade et Gabriel Mazneff, et aussi avec Jean Ristat, à l'occasion de la parution de ses oeuvres posthumes tome 2. Mais, cela va sans dire, si l'homosexualité a une place centrale dans ces pages, elles n'occultent pas le reste : un amour dévorant de la littérature, une manière très originale d'envisager l'exercice de la littérature. Et Franck Delorieux n'est pas un critique bon teint. Il n'a pas peur de choquer la bonne société des lettres ni d'insinuer ses fantasmes les plus délurés. Le combat dont je parlais est pour lui indissolublement lié à son engagement politique, qui est celui du communisme. Ses conceptions politiques sont teintées en fait d'une sorte d'anarchisme et surtout d'un dandysme pas seulement cérébral. C'est ce qui rendent ces essais tout à fait singuliers et nous changent de l'eau tiède et de la fadeur consternante du journalisme contemporain où l'on manie plus le goupillon que le sabre. Je ne saurai trop recommander la lecture d'une conférence qu'il avait délivrée à Montpellier à l'occasion de la série d'événements organisés autour de la figure mythique de Giacomo Casanova. Ses écrits ne sont pas aigres, ils ont plutôt enjoué, mais partout il a trempé sa plume dans le vitriol ! Il y exprime une vraie passion pour la chose littéraire, qui est en prise directe avec le monde que nous connaissons trop bien et qui semble évoluer alors qu'il régresse. Il ya un ton, il y a une voix derrière, une volonté de rompre des lances. Cela manque tellement à Paris où l'esprit et ses piques (révolutionnaires) ne sont plus de mise.
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