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[verso-hebdo]
23-02-2017
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Une passion dans le désert : à savourer d'urgence |
La Maison de Balzac a l'heureuse idée de présenter, jusqu'au 21 mai, les treize toiles réalisées en 1964 par Aillaud, Arroyo et Recalcati à partir de la nouvelle publiée en 1830 par le père de la Comédie humaine. Cette suite a véritablement eu un rôle historique, elle est d'une importance essentielle dans la naissance de la Figuration narrative, et il faut aller la (re)découvrir. On sait que la nouvelle relate les amours d'un soldat de Bonaparte en Egypte avec une panthère (le grognard a les traits du peintre Biras). Ce travail a été conçu comme une oeuvre réellement collective, chaque artiste ayant la liberté de modifier à sa guise toute intervention d'un camarade. Les trois complices ont poussé aussi loin qu'il leur était possible le refus de la facture personnelle (à l'exception du tableau inspiré des caresses, les mains humaines sur le pelage du fauve étant directement issues de la technique des empreintes adoptée par Antonio Recalcati depuis 1961). Ce refus était une attaque contre le socle de la conception bourgeoise traditionnelle de l'oeuvre d'art. Les trois artistes, en illustrant une anecdote, contestaient par ailleurs avec insolence la doctrine de la critique théorisée par Clement Greenberg, alors dominante, selon laquelle l'anecdote en peinture était dépassée depuis Manet et Cézanne.
Les treize tableaux d' Une passion dans le désert formaient une oeuvre commune relevant « de l'extravagance lyrique, du paroxysme romantique » comme allait le souligner Gérald Gassiot-Talabot dans le texte de présentation de la Figuration narrative dans l'art contemporain, en octobre 1965 galerie Raymond Creuse, où la suite fit sensation. Gassiot-Talabot voyait dans Une passion dans le désertune très originale tentative de lyrisme narratif par peintures successives, qui annonçait parfaitement l'ambition de son exposition : « donner un aperçu provisoire sur l'expression narrative dans la peinture et la sculpture contemporaines. Elle réunit quelques-uns des artistes d'aujourd'hui qui ont senti la nécessité d'introduire dans leurs travaux les notions de récit continu, d'épisodes narratifs ou de déroulement dans la durée. Par son caractère de synthèse et de constat, elle a voulu se placer au-dessus des cloisonnements, des tendances et des mouvements, et laisser s'exprimer, sous la responsabilité de leurs auteurs, les différentes opinions politiques, religieuses, morales ou esthétiques qu'implique toute nécessité narrative. »
Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, par le coup de force d'Une passion dans le désert, avaient bel et bien annoncé un tournant décisif de l'histoire de l'art moderne, qui remettait en question quatre-vingt années de dogmatisme anti-temporel et anti-anecdotique. Ce tournant serait baptisé Figuration narrative par Gérald Gassiot-Talabot et serait illustré par une récidive magistrale mais controversée : Vivre et laisser mourir, ou la fin tragique de Marcel Duchamp (1965). Huit tableaux par lesquels nos trois compères démolissaient l'icône de l'art d'avant-garde (Duchamp, qui était toujours vivant, se contenta de juger la provocation « un peu bêta »). Ils sont aujourd'hui visibles au Musée Reina Sofia de Madrid, ce qui confirme leur importance historique. Mais Une passion dans le désert ne fut pas moins déterminante : l'exposition de la Maison de Balzac vient le rappeler à ceux qui, à l'époque, ne juraient que par l'abstraction. Elle invite aussi ceux qui n'étaient pas encore nés à savourer un ensemble peint avec à la fois talent, invention, humour et une épatante verve polémique. Ils auraient tort de s'en priver.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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