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[Visuel-News]
19-12-2024
La chronique de Pierre Corcos Affronter La chronique de Gérard-Georges Lemaire Chronique d'un bibliomane solitaire
La chronique de Gérard-Georges Lemaire |
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Chronique d'un bibliomane solitaire |
Jacques Prévert rêveur d'images, Eugénie Bachelot-Prévert, Daniele Gasilia-Laster, Alice S. Legé, Editions in fine / musée du Montparnasse, 178 p., 35 euro.
Jacques Prévert ((1900-1977) est une des figures les plus curieuses de la poésie française du siècle dernier, qui qui marqué son époque avec force avec des recueils comme Paroles (1946) ou Histoires (1948) Avec son écriture simple, jubilante, sans grands effets rhétoriques, il est bien loin des grands courants de la fin du XIXe siècle et de ses grands prédécesseurs, Guillaume Apollinaire ou Paul Valery. Il vise la simplicité et une forme délicate d'humour. Bien qu'il se soit rapproché du surréalisme et qu'il ait noué des liens d'amitié avec Yves Tanguy et de Benjamin Péret, il ne tarde pas à s'en éloigne (il n'a ailleurs fait que de participer à des cadavres exquis) et il est un des signataire du pamphlet contre André Breton - Un cadavre - où il signe « Mort d'un monsieur » , il n'a jamais adopté cette veine littéraire. Il s'est tourné vers le cinéma, art qui a été l'apanage de son frère Pierre.
Il a été un grand scénariste et dialoguiste à l'occasion de sa collaboration étroite et prolifique avec les grands cinéastes de son temps comme Marcel Carné, Claude Autant-Lara, Jean Grémillon, Jean Renoir. Il a signé, entre bien autres choses, Les Enfants du paradis (1945), qui est un pur chef-d'oeuvre.
Il se consacre aussi au théâtre (un théâtre engagé avec le groupe Octobre. En sorte qu'il est une des figures clefs de l'entre-deux-guerres. Son péché mignon, c'est l'art et, plus précisément le collage. Il n'a d'ailleurs jamais voulu rivaliser avec les peintres contemporains et s'est limité dans cette petite sphère où il a excellé. Cette passion se développe encore plus après la Libération et il a publié de de nombreux livres qui étaient autant de florilèges de ses meilleures créations. Il révèle dans ce domaine un don véritable et une inventivité féconde.
Cette exposition et ce remarquable catalogue ajuste toutes les facettes de sa personnalité singulière et de sa manière de révéler son univers avec du papier, de la colle et des ciseaux. Prévert a enchanté mon enfance comme de bien d'autres admirateurs de son mode d'expression merveilleux qui est un prolongement de sa poétique. Ce volume contenant avec de très belles reproductions, mais aussi des écrits qui les replace dans leurs contextes nous montre à quel point il a été en mesure d'être un enchanteur, mais qui ne jetait pas de poudre aux yeux et qui n'a pas tenté de passer pour un des grands plasticiens de son époque. Audace et modestie le définissent fort bien dans cette inclination pour être un imagier moderne. C'était un homme qui a aimé Paris comme peu et qui avait l'esprit et les mots pour le dire.
Intime - XVIIIe siècle, Orane Conan, Galerie Léage / Editions in fine, 320 p., 65 euro.
Ce splendide ouvrage dépeint en détail l'esprit et la forme de l'art français pendant le XVIIIe siècle. L'auteur s'est attaché à montrer quelle a été la nature de la transformation esthétique du Grand Siècle à la Régence et au règne de Louis XV. C'est vrai que le mode de vie, même à Versailles, a beaucoup changé : les appartements sont d'une taille modeste pour des raisons de confort et l'ameublement a pris lui aussi un aspect moins monumental. La fantaisie a remplacé la solennité dictée par le pouvoir mobilier. En outre, le mode de vie citadin a connu lui aussi des modifications profondes. La bourgeoisie aisée copie le style de vie des aristocrates. Par ailleurs, celle-ci organise à son exemple des salons et des lieux publics, comme les cafés, lui sont ouverts. Des styles nouveaux et très étonnants s'imposent peu à peu dans ce contexte - on pense au rococo et au rocaille, à l'opposé du style pompeux imposé par Louis XIV. C'est aussi l'époque des encyclopédistes et des philosophes libertins. Ange-Jacques Gabriel est le décorateur le plus en vogue. Nous visitons alors les grands châteaux de la période, Versailles, bien sûr, Vaux-le-Vicomte, Bellevue, les Tuileries, le Marais, pour ne citer que ces demeures somptueuses. L'architecture est souvent plus ancienne, mais c'est la manière de décorer l'intérieur de ces demeures hors classe qui subit dès lors des métamorphoses notables.
Nous apprenons ensuite à distinguer la forme des grands décors qui ornent ces impressionnants édifices ou de ces petits palais. Puis on nous présente les grandes figures influentes de ce moment de notre histoire, de la marquise de Pompadour au comte de Toulouse jusqu'à Madame du Barry. Nous apprenons alors quel était leur goût, qui influence leur entourage et, plus généralement, la société bien née d'alors. Ce tour d'horizon, en dépit de différences, montre que le monde des puissants et des fortunés était en train de changer de physionomie. Le pavillon de musique réalisé par Nicolas Ledoux de Madame du Barry en est la preuve flagrante. Et le panorama d'objet et de meubles qui ont appartenu à ces personnages illustres sont la preuve que les critères esthétiques ont changé profondément au milieu du XVIIIe siècle.
Après cette monstration qui forcent l'admiration, Orane Conan nous entraîne dans l'univers de ceux qui ont élaboré ces petits bijoux de menuiserie et d'ébénisterie, en particulier dan tabletiers, dans la boutique des merciers, et l'on fait la connaissance de certains de ces artisans au talent indubitable. André-Charles Boulle est sans aucun doute le plus célèbre de tous ces créateurs. Le quartier du Faubourg Saint-Antoine est exploré dans ses moindres recoins et fait surgir des productions éblouissantes.
Enfin, on a accès dans les grandes manufactures royales, comme celle des Gobelins où sont tissées les tapisseries les plus renommées ou dans celle de Chantilly ou de Sèvres, spécialisée dans la porcelaine. Ce volume se révèle une fabuleuse encyclopédie qui nous permet de nous initier à tous les aspects de ce style et de cette période, nous fournissant la biographie de ses plus illustres protagonistes, leurs méthodes de travail et à leurs conceptions stylistiques qui sont toujours très diversifiées les unes des autres. On pénètre ensuite dans le secret des doreurs du garde-meuble, des dans l'atelier des fabricants de pendules. Ce qui frappe dans cette déambulation c'est que les techniques les plus sophistiquées sont utilisées, mais ne sont jamais mises en avant. Tous les thèmes abordés dans les décors sont évoqués, de la galanterie à la mythologie.
Enfin vient l'examen des matériaux utilisés et, cela va de soi, des bois précieux, mais aussi du marbre et des pierres dures. En somme, cet ouvrage ne peut être utile qu'aux seuls connaisseurs de la question et aux collectionneurs les plus avisés. C'est la Bible d'un genre artistique qui s'est clos avec la Révolution. C'est réalisé avec énormément de compétence et aussi avec la volonté de rendre hommage à un genre qui a longtemps été méprisé. Qui veut faire connaissance avec le grand art de la décoration du Siècle des Lumières ne peut faire abstraction de cet ouvrage extraordinaire.
Le Café de Van Gogh, Bernadette Murphy, traduit de l'anglais par Marie Chabin, Actes Sud, 400 p., 25 euro.
Vincent Van Gogh, quoi a connu une existence tragique et une fin tout aussi tragique, mourant à l'âge de trente-sept ans à la suite d'un suicide (suicide d'ailleurs remis en cause par des historiens qui ont avancé de très bonnes raisons) a donné lieu à une littérature romanesque à l'égal d'Amedeo Modigliani ou du Caravage. Romanesque, mais surtout grotesque et pathétique. Je n'accorde des circonstances atténuantes qu'à Antonin Artaud car il a rendu dans son poème la figure du peintre incompris et ignoré par ses contemporains. Heureusement que des chercheurs sérieux ont poursuivi leurs investigations patientes et minutieuses pour le restituer tel qu'en lui-même. Bernadette Murphy a entrepris une enquête très poussée sur son séjour à Arles, qui a duré plus d'un an, entre février 1885 et mai 1889. Il s'est installé dans une petite chambre de l'hôtel Carrel pour enfin demeurer dans la Maison jaune, puis du café de la Gare. Et il passe pas mal de temps au café de la place Lamartine. Elle a commencé par s'intéressé au Fumeur dont elle n'a pu retrouver l'identité de l'individu représenté. Elle décrit ensuite les différents endroits où il a installé son atelier.
L'historienne s'est attachée à identifier les nombreux portraits des habitants de la bourgade provençale (il a exécuté une trentaine de portraits de ses habitants). Le premier qu'elle a étudié est celui du Fumeur. Elle ne parvient à identifier celui qui pose pour ce tableau qui appartient désormais à la Barnes Foundation à Philadelphie. Mais il en parle dans une de ses lettres envoyées à Théo le 17 février 1888. Vue la date, l'aurait peint au café Carrel. (plus loin dans le texte, Elle est ensuite allée à la recherche des différents ateliers où il a travaillé. Vue la date, il l'aurait donc pour dormir dans des dortoirs. Il y avait bien une petite manufacture dédiée aux celle finit par découvrir le nom du modèle : Antoine Augustin Bressy). Elle fait remarquer que se trouve une petiote manufacture dédiée aux chemins de fer dans les environs immédiats. Et il faut savoir qu'à l'époque, les bergers y venaient suite à reconstituer les premiers jours qu'il a passés dans cette petite cité. Peu après son arrivée, il rencontre un jour Joseph Ginoux, le propriétaire du café de la Gare.
Peu après son arrivé e propriétaire du café de la Gare. Il fait aussi la connaissance de Roulin, qui se présente comme « entrepreneur des postes » et qui est tout simplement le postier qui plaçait le courrier dans le train. Elle s'applique par la, suite à explorer la topologie des lieux fréquentés par l'artiste. Cela lui permet de localiser la boucherie-charcuterie dont Van Gogh a immortalisé la façade (le propriétaire s'appelait Paul Riboux).
Quand elle aborde la question de la Vielle Arlésienne, elle suppose qu'il s'agit de la mère du patron du café, Elisabeth Honorine Pau. Soudain l'artiste cesse de faire des portraits et s'emploie à peindre Le Café de nuit, la grande salle avec de rares clients autour des guéridons et un billard au milieu où personne ne joue. Le patron est présent, debout. Le vert et le rouge dominent en ce lieu. Il écrit à son frère qu'il considère cette toile comme étant la plus mauvaise qu'il ait faite.
Bernadette Murphy poursuit son investigation en relatant par le menu l'arrivée de Paul Gauguin, leur incompréhension mutuelle, leur rupture, le départ de Gauguin et l'épisode tragique de l'oreille coupée, puis la pétition pour li faire quitter Arles et son internement.
Elle a usé d'une méthode d'écriture qui a déjà pas mal été employée dans le monde anglo-saxon : raconter l'histoire de sa recherche. Cela rend la lecture certainement plus aisée et plaisante, mas nous oblige parfois à d'acrobatiques allers et venues. Cela étant posé, ce livre est vraiment remarquable et nous éclaire sur une période fondamentale de l'existence de Van Gogh. Il faut reconnaître à l'auteur d'avoir su éviter tous les pièges du genre et de nous faire découvrir le petit monde de ce peintre visionnaire dans cette belle bourgade du Sud de la France.
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Gérard-Georges Lemaire 12-12-2024 |
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